Intelligence Artificielle : comment va-t-elle révolutionner le travail ?
Une étude internationale inédite conduite par BCG GAMMA, l’entité d’intelligence artificielle (IA) du Boston Consulting Group (BCG) et Ipsos montre que les actifs sont résolument curieux et optimistes à l’égard de l’intelligence artificielle. Pour autant, cette étude qui a pour titre – AI have no fear ! – souligne de vraies différences entre les 7 000 actifs des 7 pays du panel (Allemagne, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Royaume Uni).
Les actifs français sont les plus inquiets quant aux conséquences de l’intelligence artificielle sur leur travail alors que les Américains, les Canadiens et surtout les Chinois perçoivent pleinement les effets positifs de cette technologie dans les cinq ans qui viennent.
Le rapport Villani a éveillé les consciences sur le sujet mais un gros travail de pédagogie reste à faire puisque les actifs français considèrent par ailleurs qu’ils sont les moins bien informés par leurs managers sur ce thème.
L’intelligence artificielle est déjà une réalité
Plus d'une personne active sur cinq travaille déjà dans une organisation ou une entreprise, où l’intelligence artificielle est utilisée, à travers des outils ou des applications (22%). Cependant, la situation est très différente d'un pays à l'autre : la Chine est la plus avancée en la matière (31% des actifs disent travailler dans des organisations utilisant déjà l'IA), suivie de l'Amérique du Nord (26% au Canada, 24% aux États-Unis) tandis que l'Europe est pour le moment à la traîne (20% au Royaume-Uni, 18% en Espagne, 16% en France et seulement 15% en Allemagne).
La situation varie également selon les secteurs d’activité, même si les écarts sont moindres : les entreprises du secteur manufacturier semblent un peu plus avancées (25% des salariés travaillant dans ce secteur affirment que les outils issus de l’IA y sont déjà présents) par rapport aux secteurs de la construction (20%), de la distribution (19%) ou des services (18%). Par ailleurs, le secteur public est plutôt en pointe sur le sujet : 25% des employés du secteur public disent que les outils et les applications permises par l’IA sont déjà utilisés sur leur lieu de travail (contre 20% dans le secteur privé).
Les employés, ont une vision positive de la montée en puissance de l’intelligence artificielle
Une grande majorité des actifs, en particulier ceux qui ont déjà accès à l’IA, s'attendent à ce que son développement ait des implications positives sur l'organisation dans laquelle ils travaillent, mais aussi pour eux-mêmes :
- Plus de 2 personnes sur 3, parmi celles qui travaillent dans un environnement où des outils d’intelligence artificielle sont déjà utilisés, considèrent que ce développement a déjà eu un impact positif sur leur travail : 75% sur leur efficacité, 75% sur leurs résultats, 74% sur la façon dont leur travail est organisé, mais aussi sur l'attractivité de leur travail (70%), leur niveau de bien-être au travail (69%) et les formations mises à leur disposition (67%). Ces implications positives sont ressenties par une large majorité, indépendamment du sexe, de l'âge ou de la profession.
- Les actifs utilisant déjà l’IA sont encore plus enthousiastes que les autres lorsqu’ils évoquent l’impact de l’IA dans les cinq prochaines années : plus de 8 sur 10 considèrent que cela aura un impact positif sur leur organisation (84% pensent qu'elle aura un impact positif sur la croissance de l'entreprise dans laquelle ils travaillent, 81% sur l'organisation du travail). Plus de 3 actifs sur 4 s'attendent également à des conséquences positives pour leur propre emploi (77% sur leur niveau de bien-être au travail et 76% sur leur développement professionnel par exemple).
- Parmi les personnes qui n’ont pas encore accès à des outils issus de l’IA, l’opinion reste largement positive même si l’enthousiasme est moindre. Logiquement, les pays les plus avancés, tels que la Chine, le Canada, les États-Unis, mais aussi l'Espagne, sont les plus positifs quant aux conséquences attendues de l’IA. Les autres pays européens sont plus prudents, même si la perception reste globalement positive.
Des efforts restent à faire pour que l’ensemble des salariés puissent profiter pleinement des opportunités qu’offre l’IA
Malgré une perception largement positive, quelques inquiétudes doivent être prises en compte, d'autant plus qu'elles ne disparaissent pas, même lorsque les gens se familiarisent avec les outils issus de l’IA :
- Surveillance et contrôle au travail : plus de 3 personnes sur 4 craignent que le déploiement de l’intelligence artificielle ne se traduise par plus de contrôle et de surveillance sur leur lieu de travail (c’est le cas de 82% des personnes dans les organisations qui les utilisent déjà), cette préoccupation étant extrêmement élevée en Chine notamment (84%).
- Perte d’emplois : plus de deux tiers des travailleurs craignent également que cela entraîne des pertes d'emploi en raison d'une charge de travail réduite (76% lorsqu'ils utilisent déjà l'IA).
- Déshumanisation du travail : beaucoup craignent également la déshumanisation de leur travail, ce qui réduirait la cohésion sociale (65%, 71% dans les organisations qui utilisent déjà l'IA).
- Éthique en matière de données personnelles : dans la même optique, les répondants s’interrogent sur les problèmes éthiques en matière de protection des données personnelles (64%, 71% quand l’IA est déjà en place).
Ces préoccupations doivent être abordées d’autant plus rapidement qu'elles ne semblent pas avoir été beaucoup discutées au sein des organisations jusqu'à présent : seuls 40% des salariés interrogés ont déclaré que le développement de l'intelligence artificielle et la transformation numérique de leur organisation avaient été des sujets sur lesquels ils avaient échangé avec leurs managers (seulement 32% lorsque aucune application de l'IA n’a été mise en place).
Les actifs attendent aujourd’hui que leurs dirigeants leur parlent d’IA et prennent des décisions à ce sujet (79%). D’autres sont beaucoup moins dans l'attente car moins conscients de l’importance stratégique de l’intelligence artificielle dans leur organisation. En effet, 42% pensent que le développement de l’IA ne touchera que certaines entreprises et certains secteurs d'activité, mais pas l’économie dans son ensemble.
Pour Sylvain Duranton, directeur mondial de BCG Gamma, « sous-estimer la taille de ce phénomène et ne pas s'y préparer est un grand risque. En effet, la responsabilité des individus comme des managers est de se préparer le plus en amont possible à l’arrivée de l’IA pour profiter pleinement des opportunités stratégiques qu’elle offre ».
Comment la France se situe-t-elle dans sa perception de l’intelligence artificielle ?
La France est le pays le plus inquiet avec 65% des actifs qui citent au moins un sentiment négatif parmi les deux que leur évoque le plus le terme d’intelligence artificielle (l’inquiétude à 54%, l’anxiété à 18% et le rejet à 14%). Ils sont aussi ceux qui craignent le plus les conséquences négatives de l’IA : une majorité d’entre eux s'attend à un impact négatif sur leur salaire ou leur pouvoir d'achat (65%) ainsi que sur l'emploi (59% craignent un impact négatif sur la capacité de leur organisation à embaucher des personnes et 50% sur la sécurité d'emploi). De plus, c’est également en France que les préoccupations concernant la déshumanisation du travail et l’augmentation des inégalités dues à l’IA, entraînent le plus d’inquiétudes.
Un retard concernant la mise en place : la France est, avec l'Allemagne, l'un des pays où les outils et les applications permis par l’intelligence artificielle sont les moins implantés. En outre, une majorité de Français ayant déjà accès à ces outils soulignent leurs implications positives, mais dans une moindre mesure que les autres pays.
« Il faut relativiser ces opinions négatives, qui ne sont pas surprenantes », explique Nicolas de Bellefonds, directeur général de BCG GAMMA en France. Selon lui, elles sont surtout dues au fait que « les Français sont les moins informés par leurs managers de l’importance stratégique du développement de l’IA. Ils sont aussi ceux qui considèrent le plus que l’IA ne les affectera pas personnellement : 69% d’entre eux estiment que l’intelligence artificielle ne pourra jamais accomplir la majorité de leurs tâches. Face à ces perceptions, il faut réaliser un vrai travail de pédagogie pour mettre en exergue les opportunités et les avantages que les Français sont susceptibles de retirer du développement de l’intelligence artificielle » conclut-il.