AXA Mind Health Report : la santé mentale se détériore à travers le monde

L'état de la santé mentale dans le monde reste préoccupant, avec près d'un tiers de la population mondiale vivant actuellement avec un problème de cet ordre, selon la quatrième édition du Rapport AXA sur la Santé mentale. L'étude, menée en collaboration avec Ipsos, vise à identifier les problèmes de santé mentale et de bien-être dans la société mondiale afin d'élaborer des solutions pour les atténuer. Nous avons interrogé 16 000 personnes de 16 pays sur les territoires européens, américains et asiatiques.

Auteur(s)
  • Sophie Morin Chef de groupe, Public Affairs
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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La santé mentale dans le monde reste préoccupante et se détériore cette année

Le Mind Health Index (MHI) est un indice crée par des chercheurs à partir d’un questionnaire d’une cinquantaine de questions qui permet de mesurer la santé mentale dans le monde en tenant compte d’un certain nombre de facteurs très variés (les symptômes de détresse psychologique, la qualité des relations sociales, etc.). Il permet d’identifier 4 typologies d’individus : les personnes épanouies, les personnes qui s’en sortent, les personnes qui basculent et les personnes en difficulté. Ces dernières se caractérisent une absence probable de bien-être dans la plupart des domaines qui entraîne une détresse psychologique et une altération des facultés psychosociales. En 2023, la proportion d’individus « en difficulté » progresse dans le monde (15%, +3 points par rapport à 2022. En France, le MHI se détériore fortement : la proportion des personnes « en difficulté » progresse de 6pts (16%).

Les scores du DASS permettant d’évaluer une suspicion de Dépression d’Anxiété et de Stress sont aussi très préoccupants dans le monde même s’ils restent relativement stables. La proportion de personnes susceptibles de souffrir de dépression sévère ou très sévère augmente un peu (13% contre 11% en 2022), celle de l’anxiété se détériore (20%, +3 pts). En revanche, le niveau de stress global diminue significativement (62%, -5 pts), même si la proportion de personnes en souffrant sévèrement reste stable (19% contre 20% en 2022). Au global, 23% des personnes interrogées sont suspectées de souffrir actuellement d’anxiété, de stress ou de dépression à un niveau sévère ou très sévère. Cette proportion atteint même 39% chez les 18-24 ans. En France, presqu’une personne sur cinq serait concernée par l’un de ces problèmes (dépression, anxiété ou stress) à un niveau sévère ou très sévère (19%).

Et près d’une personne interrogée sur trois déclare souffrir actuellement d’un problème de santé mentale (32%) : un chiffre en progression de 5 pts par rapport à 2022. Parmi la liste des 6 problèmes de santé mentale proposés, on note une progression assez marquée de certains problèmes comme la dépression (17%, +3 pts) ou encore les troubles anxieux, les phobies ou syndrome post-traumatique (15%, +3pts). A contrario, la proportion de personnes dans le monde déclarant souffrir d’aucun problème de santé mentale baisse de 7 pts (63% contre 70% en 2022). En France, une personne sur 4 déclare souffrir d’au moins l’un de ces problèmes de santé mentale (26%, +7 pts).

Ces 3 différents indicateurs (MHI, DASS et auto-déclaration de problèmes mentaux), même s’ils sont relativement différents, permettent de conclure que le mouvement actuel irait probablement dans le sens d’une détérioration de la santé mentale dans le monde.

Dans le même temps, on observe une tendance à surévaluer la qualité de sa santé mentale chez beaucoup de personnes

60% des personnes interrogées dans le monde considèrent que leur santé mentale est « bonne », 29% qu’elle est « moyenne » et seulement 11% qu’elle est « mauvaise ». A priori, les résultats peuvent sembler plutôt bon. De leur côté, les Français sont même 65% à estimer avoir une « bonne » santé mentale. Mais-est-ce si facile à évaluer ?

Il est probable que beaucoup de personnes surévaluent la qualité de leur santé mentale car lorsque l’on s’intéresse aux personnes suspectées de souffrir de dépression ou d’anxiété ou de stress à un niveau sévère ou très sévère, c’est-à-dire des personnes suspectées d’aller objectivement mal, on note que seulement 30% d’entre eux considèrent avoir une « mauvaise » santé mentale. La grande majorité de ces personnes qui vont mal autres considèrent qu’elle est « moyenne (37%), voire « bonne » (33%). On retrouve le même phénomène en France ; seulement 28% des personnes déclarant souffrir de dépression, d’anxiété ou de stress à un niveau sévère considèrent que leur santé mentale est mauvaise.

Cette incapacité à bien évaluer sa santé mentale chez beaucoup de personnes est problématique car elle montre qu’il est probable que beaucoup de personnes dans le monde sont incapables de déclencher une prise en charge, tout simplement parce qu’elles n'ont pas vraiment conscience d’aller vraiment mal.

Les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale ont de plus en plus tendance à les gérer elles-mêmes, sans avoir recours à une aide professionnelle

C’est aussi une autre des préoccupations majeures qui ressort de l’enquête : 40% des personnes ayant déclaré rencontrer actuellement des problèmes de santé mentale disent le gérer eux-mêmes, le phénomène est en progression par rapport à 2022 (+6 pts). En France, le phénomène explose, Il est en progression de 14 pts (43% contre 29% en 2022).

A contrario, la proportion de personnes déclarant avoir recours à une aide professionnelle diminue (43% contre 50% en 2022, -7 pts). En France, la baisse est très forte (42%, -14 pts).

Dans le même temps, le sentiment des personnes que leurs problèmes de santé sont mal gérés augmente aussi significativement (seulement 47% estiment qu’il est bien géré contre 56% en 2022). Le niveau de satisfaction est encore plus bas auprès de ceux qui n’ont pas recours à une aide professionnelle (seulement 38% disent qu’elle est bien gérée). En France, le niveau de satisfaction baisse plus fortement (43% contre 62% en 2022).

L’accroissement de ce phénomène d’auto-gestion des problèmes de santé mentale est problématique car ces personnes ne semblent pas être en mesure de reconnaître la gravité de leur état ou de choisir le traitement le plus approprié. Cela peut conduire à une détérioration de leur santé mentale.

Dans le travail, les difficultés mentales et psychologiques endurées sont aussi très importantes

Beaucoup d’actifs rencontrent actuellement des problèmes psychologiques en raison de leur travail et plus spécifiquement des épisodes de grande fatigue et de manque d’énergie (58% dans le monde, 59% en France), des troubles du sommeil (50%, 47% en France), du stress et de l’anxiété difficile à contrôler (47%, idem en France), des moments de pertes d’intérêt ou de plaisir (46% au global, 47% en France), des problèmes de concentration et des difficultés à prendre des décisions (46%, 35% en France), de la perte de confiance en soi (43%, 40% en France), un sentiment de dévalorisation (41%, idem en France) ou encore des troubles de l’appétit ou de l’alimentation (33%, 27% en France).

Globalement dans le monde, 41% des actifs disent rencontrer actuellement au moins 5 problèmes psychologiques à cause de leur travail. En France, la situation n’est pas bien meilleure puisque plus d’une personne qui travaille sur trois déclare vivre au moins 5 de ces difficultés (39%).

Des problèmes de bien-être psychologique qui génèrent de fortes envies de désengagement à l’égard du travail

61% des actifs envisagent une ou des actions de désengagement à l’égard de leur travail en raison de son impact sur leur bien-être psychologique et plus spécifiquement d’être moins impliqués dans leur travail en travaillant moins d’heures, en faisant moins de tâches ou en ayant moins de responsabilités (38% au global, idem en France), en télétravaillant davantage afin de ne pas aller au travail (35% au global et 33% en France), en prenant un arrêt maladie (33% contre 25% en France) ou encore un congé sabbatique (30% et 20% en France). En France, 58% des actifs envisagent probablement l’une de ces actions.

52% des actifs dans le monde envisagent de quitter leur travail actuel à cause des problèmes de bien-être psychologique au travail, soit en suivant une formation pour en changer (37% au global, 32% en France), soit en changeant de postes dans leur entreprise ou leur organisation via la mobilité interne (32%, 28% en France) ou encore en quittant carrément leur emploi (27%, idem en France).

Après l’épidémie de Covid-19, à la suite des différentes phases de confinement, on a expliqué le phénomène de « grande démission » par le désir de meilleures conditions de travail, une plus grande flexibilité, un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et parfois une réévaluation des priorités de vie suite à la pandémie. C’est une réalité indéniable. Mais cela n’explique probablement pas tout, il y a aussi un « ennemi invisible » dont on parle trop peu et qui nourrit les phénomènes de désengagement dans les entreprises, c’est le bien-être psychologique des salariés, notamment des plus jeunes qui vont le plus mal et qui sont aujourd’hui très fortement tentés par des actions de désengagement.

Les entreprises et les organisations peuvent jouer un rôle dans le soutien à la santé mentale au travail : des attentes fortes des salariés

Un actif sur quatre déclare avoir pris un arrêt maladie au cours des 12 derniers mois en raison de sa santé mentale/psychologique : 23% au global et 38% des moins de 25 ans déclarent l’avoir fait. Et pas loin d’un sur 10 l’a fait plusieurs fois (8%). En France, un actif sur cinq déclare avoir été arrêté (20%).

La situation est très préoccupante parce que les problèmes de santé mentale rencontrés par les actifs pourraient potentiellement avoir des impacts forts sur les ressources humaines et les résultats financiers de beaucoup d’entreprises. Le risque est fort et il est encore probablement insuffisamment pris en compte dans de nombreuses organisations.

La majorité des actifs attendent la mise en place de mesures concrètes pour améliorer leur bien-être psychologique : 56% des actifs considèrent que les initiatives en matière de santé mentale seront importantes dans leur décision de continuer à travailler pour leur entreprise ou leur organisation actuelle. C’est plus spécifiquement le cas des jeunes (62% des 18-24 ans), des cadres supérieurs (60%) et des managers (67%).


Comment est élaboré le MHI

La Mind Health Index (MHI) est un outil proactif d'évaluation et de promotion du bien-être mental. Partie intégrante de l'AXA Mind Health Report, il permet d'évaluer l'état mental des individus.

Comment l'indice est-il construit ?

L'indice est basé sur 50 questions relatives à treize facteurs distincts affectant la santé mentale :

  • Les modérateurs : Il s'agit généralement de domaines sur lesquels les gens ont peu de contrôle : la qualité du système de santé local, par exemple, ou les problèmes de santé mentale actuels et passés.
  • Les actions positives : Il s'agit d'actions que les personnes peuvent entreprendre pour améliorer leur bien-être mental : activité physique, hygiène de vie, alimentation, par exemple.
  • Les résultats : Il s'agit de la combinaison des résultats concernant les actions positives et les modérateurs. Ils peuvent être positifs (satisfaction de leur vie actuelle, bonheur) ou négatifs (anxiété, stress, dépression).

De la difficulté à l'épanouissement :

L'indice classe ensuite les personnes dans l'une des quatre catégories suivantes : de la difficulté mentale à l'épanouissement.

  • En difficulté : Leur absence de bien-être dans la plupart des domaines est susceptible d'entraîner des difficultés. Ils sont sujets à une détresse émotionnelle et psychosociale.
  • Languissant : la léthargie représente l'absence de bien-être positif. Si vous végétez, vous ne fonctionnez pas à plein régime, vous pouvez vous sentir démotivé et avoir du mal à vous concentrer. Les personnes qui se languissent courent un risque accru de développer une maladie mentale.
  • Qui s’en sort : ce sont des personnes qui peuvent avoir quelques zones de bien-être, mais pas suffisamment pour atteindre l'état d'épanouissement. Les personnes qui s'en sortent peuvent éprouver un sentiment de bien-être atténué par rapport à celles qui s'épanouissent.
  • Epanouis : l'épanouissement représente l'apogée d'une bonne santé mentale (bien-être social, psychologique et émotionnel).

A propos de cette enquête

Enquête menée par Ipsos pour AXA auprès de 16000 personnes âgées de 18 à 75 ans interrogées dans 16 pays du 15 novembre au 11 décembre 2023

Notes

[1] Le Cebr a été chargé par AXA d'estimer l'impact sur l'économie de 16 pays et territoires du désengagement des travailleurs au travail et de la baisse de productivité due aux conséquences du stress lié au travail sur la santé.

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  • Sophie Morin Chef de groupe, Public Affairs
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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