Comment les Corses perçoivent-ils les chances de succès du plan Jospin ?
A tout le moins de manière plutôt mitigée, comme le montre notre enquête Ipsos/Le Point, réalisée auprès d'un échantillon représentatif de la population corse la semaine dernière.
Les Corses se montrent prudents à l'égard des effets du plan Jospin.Une minorité des Corses (40%) s'accorde ainsi à considérer que l'initiative du Premier ministre permettra " de résoudre le problème corse " (50% le jugeant à l'inverse négativement). Ce sont chez les hommes (47%), les 35-44 ans (47%) et les cadres supérieurs (51%) que le plan Jospin trouve ses meilleurs soutiens. A l'inverse, les moins de 35 ans (61%), les professions intermédiaires (59%) et les employés (55%) font état d'un très fort scepticisme à l'égard de l'initiative du Gouvernement.Surtout, ce plan ne crée pas le consensus politique voulu par le Premier ministre, initié au préalable lors de ses démarches répétées avec les élus insulaires. L'ensemble des familles politiques de l'île sont ainsi partagées entre bienveillance et critiques : seuls les sympathisants du Parti socialiste jugent majoritairement positifs le plan Jospin (56% contre 40%). La principale surprise vient des résultats enregistrés auprès des sympathisants nationalistes : une - courte - majorité d'entre eux (49% contre 47%) ne pense pas que cette initiative est à même de résoudre le problème corse. Peut-être parce qu'ils estiment que ce plan ne va pas assez loin.
Les Corses, à l'exception des nationalistes, ne sont pas favorables à l'indépendance.Car si une très large majorité des Corses souhaite que l'île demeure française (80% contre 13%), la position des sympathisants nationalistes est à cet égard sans aucune ambiguïté : 56% d'entre eux souhaitent l'indépendance (contre 32%). Par ailleurs, on notera que certaines des catégories sociodémographiques les plus acquises à l'idée d'indépendance sont également les plus circonspectes à l'égard du plan Jospin : ainsi un quart des moins de 35 ans réclame l'indépendance (24%, contre 70%).Ressentant peut-être le caractère trop timide du plan Jospin à l'égard de ce qu'ils perçoivent des ambitions des nationalistes, l'opinion corse est partagée sur les vertus du plan Jospin à l'égard des revendications de ces derniers.
Pour 39% des Corses, ce plan va permettre de les apaiser. Mais la même proportion juge qu'il aura l'effet contraire, en renforçant leurs aspirations. Le refus affiché par la population de l'île d'une amnistie des nationalistes corses poursuivis par la justice (56% contre 28%) stigmatise un peu plus les clivages propres à la société corse. Signe que le processus engagé appelle à leurs yeux d'autres développements, cet abandon des poursuites est réclamé par les trois quarts (71%) des sympathisants nationalistes.
Mais l'opinion publique continentale marque une certaine lassitude.Les problèmes de la Corse semblent en tous les cas sinon exaspérer, du moins lasser l'opinion publique continentale. Interrogés sur leurs souhaits quant à l'avenir de l'île, 24% des Français se déclarent favorables à son indépendance, 17% n'exprimant pas d'opinion sur le sujet, une courte majorité se satisfaisant du maintien de la situation actuelle (59%).Pour près de quatre Français sur dix, la question du maintien de la Corse au sein de la République ne reçoit donc pas de réponse positive. Ce chiffre inquiétant est à mettre en regard de celui enregistré auprès des Corses eux-mêmes : 80% souhaitent une Corse française. Poursuivant leur logique, 56% des sympathisants nationalistes se verraient bien tenter l'aventure de l'indépendance.