Euro : une perspective de plus en plus acceptée, au moins par fatalisme
Dans les pays où les opinions publiques ne sont pas acquises à l'adoption de l'euro, le camp de ses partisans progresse souvent. Mais cette évolution est plus placée sous le signe de la résignation que sous celui d'une adhésion convaincue.
Bon gré, mal gré, les opinions publiques européennes se résignent à la perspective de l'union monétaire. Il y a certes de nombreux pays où l'euro suscite l'enthousiasme de l'opinion. C'est le cas en Europe du Sud (Italie, Espagne, Grèce) où l'on est d'autant plus sensible aux avantages de disposer d'une monnaie forte que ces pays étaient, il n'y a pas si longtemps, réputés incapables d'être qualifiés pour la zone euro. L'europhilie est également largement majoritaire en Irlande, un des pays qui bénéficie le plus des aides de l'Union européenne. La monnaie unique rencontre enfin logiquement l'adhésion des peuples déjà habitués à une forte intégration économique au sein du Bénélux (Belgique, Hollande et Luxembourg).
Dans un second groupe de pays, les opinions s'interrogent sur le bien fondé ou les risques de ce grand bond en avant. C'est le cas en France, même si l'on note un mouvement sensible en faveur de l'euro, désormais considéré comme inévitable. L'enquête Ipsos réalisée pour "l'Européen" montre que la monnaie unique rencontre désormais un écho largement positif, y compris dans les secteurs de l'opinion naguère les plus hostiles.
L'attitude face à l'Euro dans les pays européens
PAYS | FAVORABLES | OPPOSES |
Allemagne | 40 (32) | 45 (54) |
Autriche | 44 (40) | 43 (47) |
Belgique | 57 (58) | 32 (32) |
Danemark | 32 (34) | 62 (60) |
Espagne | 61 (58) | 23 (23) |
Finlande | 33 (29) | 62 (62) |
France | 58 (56) | 36 (36) |
Grande-Bretagne | 29 (26) | 59 (61) |
Grèce | 59 (65) | 27 (24) |
Hollande | 57 (52) | 37 (42) |
Irlande | 67 (62) | 18 (22) |
Italie | 78 (74) | 11 (15) |
Luxembourg | 62 (67) | 28 (27) |
Portugal | 45 (46) | 29 (30) |
Suède | 34 (33) | 56 (53) |
Ens. Europe | 51 (47) | 37 (40) |
Source : Eurobaromètre de la Commission Européenne
L'opinion se tâte plus douloureusement au Portugal, en Autriche et, surtout, en Allemagne. Le berceau de la Bundesbank ne se résoud pas aisément à la disparition de sa forte et réputée monnaie nationale. L'hostilité du peuple allemand envers l'euro semble néanmoins s'émousser. L'eurobaromètre montre qu'en six mois, le camp des partisans de cette monnaie s'est renforcé en passant de 32% à 40%. Une enquête réalisée par l'institut Ipsos pour l'Association des Banques Allemandes conclut, par ailleurs, que ceux qui pensent que le remplacement du deutschmark par l'euro sera une "mauvaise chose" a reculé de 70% en février à 62% en avril 1998. Fatalistes, 63% des Allemands considèrent, d'après ce sondage, que "l'euro sera introduit comme prévu en janvier 1999"...
Reste le cas des pays où le divorce est patent entre une opinion résolument hostile à l'euro et des milieux dirigeants, politiques et économiques, nettement plus favorables. Les Britanniques demeurent résolument opposés à l'abandon de la livre sterling en dépit de l'évolution européiste du New Labour. Une enquête publiée par "The Guardian" (1212 personnes interrogées par l'institut ICM du 3 au 5 avril) montre que seulement 26% des électeurs du Royaume Uni sont favorables à la monnaie unique contre 61% d'opposants. Si les sympathisants du Parti conservateur sont les plus hostiles (73% contre 21%), ceux du Parti travailliste se révèlent également majoritairement "eurosceptiques" (55% contre 32%).
Un cas plus flagrant encore de différence entre l'attitude des responsables et celle de l'opinion est celui de la Finlande. Le Parlement de ce pays a voté, le 17 avril 1998, à une très large majorité (136 voix pour contre 63) l'entrée de la Finlande dans la zone euro dés 1999. L'eurobaromètre mettait pourtant en évidence une forte opposition populaire à ce projet. Sondée le jour même de ce vote parlementaire par l'agence Taloustutkimus pour le quotidien "Helsingin Sanomat", l'opinion se révèle très clivée: 41% pour l'euro et 40% contre. Les Finlandais craignent surtout que la monnaie européenne n'entraîne une remise en cause de leur système social et fiscal.
En Suède, le refus de la monnaie européenne semble faiblir dans la dernière période. Alors que l'eurobaromètre de l'automne 1997 concluait à une franche opposition, une enquête réalisée en mars 1998 montre que les Suédois finissent par se résoudre à une entrée dans la zone euro si celle-ci rassemble onze pays.
Au Danemark, à l'inverse, l'opinion demeure intransigeante dans son refus de l'euro. Les dernières enquêtes ne décèlent guère d'évolution notable dans ce pays où la population a toujours entretenu un rapport compliqué avec l'intégration européenne. C'est surtout dans les milieux d'affaires que l'on regrette, à Copenhague, l'isolement monétaire futur du Danemark.
Les milieux économique européens sont, il est vrai, acquis sans difficulté à la perspective de l'euro. Le baromètre réalisé par l'agence Reuters auprès d'un échantillon d'une quarantaine d'économistes le prouve. Dans leur quasi-totalité, ceux-ci sont persuadés que l'euro sera lancé à la date prévue. Ils anticipent même un "euro fort": de l'ordre de 1,1 dollar américain à l'aube de l'an 2000... Résolument optimistes, ces économistes parient sur les effets bénéfiques en termes de croissance et d'emploi induits par la dynamique de l'euro.