L’électorat UDF-RPR n’exige pas la démission de Baur, Blanc et Millon
L’enquête Ipsos réalisée pour Libération et la Marche du siècle montre que l’électorat de droite, tout en approuvant le refus d’une alliance entre l’opposition UDF-RPR, n’exige pas la démission des présidents de régions élus grâce au soutien de l’extrême-droite.
Le Front National marque toujours de son empreinte le climat d’opinion de l’après-15 mars. Selon la dernière enquête Ipsos réalisée pour La Marche du Siècle et Libération, 38% des Français se déclarent favorables à l’interdiction de la formation créée par Jean-Marie Le Pen. Ce chiffre très élevé illustre le climat de tension consécutif à l’élection de cinq présidents de région UDF obtenue grâce au soutien des élus du FN. Dans la tourmente, une majorité des sympathisants RPR-UDF continue à soutenir l’attitude de fermeté adoptée par les dirigeants nationaux des deux formations. Par rapport au premier sondage Ipsos effectué dans la semaine qui a suivi le scrutin régional, ils sont même légèrement plus nombreux , 59% contre 52%, à adopter cette position, conséquence sans doute de l’intervention du président de la République mais aussi de la détermination affichée par les principaux dirigeants de la droite, notamment Philippe Seguin. Mais ce réflexe légitimiste a ses limites. Il doit être nuancé par la lecture attentive des questions qui touchent à l’attitude stratégique qu’adoptent les électeurs de la droite parlementaire face au problème posé par le parti de Jean-Marie Le Pen.
Le résultat le plus significatif de l’enquête réalisée par Ipsos indique qu’une majorité de sympathisants RPR-UDF ne souhaite pas la démission des trois présidents encore en poste. Preuve du " désordre " qui règne à droite entre les électeurs et leurs élus, les partisans de la démission des UDF Charles Baur, Jacques Blanc et de Charles Millon, sont majoritaires parmi les sympathisants de l’UDF, alors qu’une majorité des Français proches du RPR s’y oppose. Cette attitude d’indulgence se trouve confirmée par l’évolution de la perception stratégique des électeurs RPR-UDF en ce qui concerne la tactique la plus appropriée pour mettre un terme à la progression du FN. En 1992, la large victoire de l’opposition avait limité les effets de la pression du Front National dans le régions : ils étaient alors à peine un quart à défendre la thèse de l’intégration du FN dans le jeu politique. Six ans plus tard, au lendemain du vote du 15 mars, la proportion de ceux qui prônent une tactique de compromis avec le Front national dépasse désormais nettement les 30%. Au regard de ces chiffres, l’année 1998 restera bien comme une étape importante dans l’évolution des attitudes d’une partie de l’électorat RPR-UDF face au Front National.
Les sympathisants RPR-UDF se rejoignent en revanche dans les souhaits exprimés en matière de réorganisation des structures. Enquête après enquête, quelque soit la formulation des questions, qu’ils soient ou non partisans d’un rapprochement avec le Front National, une nette majorité d’entre eux souhaite la création d’une seule grande formation de la droite regroupant le RPR et l’UDF. Dans le cas de cette dernière enquête, les deux autres solutions proposées aux personnes interrogées - maintien du statu-quo et éclatement de la droite en trois pôles gaulliste, centriste et libéral - recueillent respectivement 12 et 25% des suffrages. Mais pour les Français aujourd’hui proches de la droite modérée, l’urgence est moins dans la nécessité de " refonder " les structures que dans l’obligation de repenser le discours de la droite et rajeunir ses dirigeants. Le renouvellement programmatique est considéré comme la première priorité pour 57% d’entre eux. La capacité de nuisance du Front national explique qu’une forte proportion de l’électorat RPR-UDF place la " lutte contre l’influence du FN " comme deuxième priorité. La féminisation des équipes de l’actuelle opposition ne fait, elle, pas recette. On notera que sur la plupart de ces points, l’électorat du RPR se montre le plus souvent beaucoup plus impatient face à la nécessité de remettre en cause le statu quo. L’électorat gaulliste est également nettement plus convaincu de l’absence, à droite, de véritable projet alternatif. Il exprime ainsi plus clairement qu’au sein de celui l’UDF, les priorités traditionnelles de la frange la plus droitière de l’opposition: Insécurité, immigration, réduction des impôts.