Philippines : vers une victoire de l'opposition à l'élection présidentielle
D'après les sondages post-électoraux, Joseph Estrada remporterait très largement l'élection présidentielle. Ce qui inquiète l'Eglise et les milieux d'affaires.
Avec l'aide de Dieu et le soutien du peuple, je crois que l'affaire est dans le sac", a déclaré au moment de voter Joseph Estrada, candidat favori à l'élection présidentielle des Philippines. Les 34 millions d'électeurs de ce pays étaient appelés aux urnes le lundi 11 mai par une chaleur caniculaire. Les certitudes du candidat de l'opposition devront attendre pour être officiellement confirmées puisque le dépouillement, effectué à la main, doit prendre deux semaines.
Cette lenteur avait permis, lors de scrutins précédents, des fraudes massives. Cette fois-ci, le danger de tricherie n'est nullement écarté, mais le fait nouveau réside dans la multiplication de sondages post-électoraux qui annoncent tous une écrasante victoire d'Estrada.
semble être celle qui a été réalisée pour la chaine ABS-CBN par "Social Weather Stations" auprès d'un échantillon national de 4800 électeurs interrogés à domicile le lendemain du vote. Joseph Estrada en sort grand vainqueur avec 38,5% des voix contre seulement 16,5% à son principal adversaire, Jose de Venecia, soutenu par le président sortant. Selon ce sondage, le candidat officieusement soutenu par la puissante Eglise catholique, Alfredo Lim, n'arriverait qu'en cinquième position avec 9% des suffrages.La victoire du candidat surnommé "Erap" (le "pote"), en souvenir de ses rôles à succès d'ancien acteur de cinéma, serait encore plus large que ne le laissait prévoir un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote par la station de radio privée DZRH. Cette enquête, seulement réalisée à Manille et dans quelques grandes villes, attribuait 35% à Estrada et 17% à de Venecia.
Les premiers décomptes non officiels vont dans le même sens. De même que ceux de la commission électorale qui, après avoir dépouillé 5,84% des bulletins de vote, annonce Estrada en tête avec 36,7% des voix.
Celui-ci a demandé à ses adversaires de se montrer "beaux joueurs" et de reconnaître au plus vite sa propre victoire. Le parti au pouvoir dénonce cependant vigoureusement le "sinistre complot" de conditionnement de l'opinion auquel participeraient les sondages post-électoraux. L'archevêque de Manille, Jaime Cardinal Sin, qui avait déclaré que l'élection d'Estrada serait "désastreuse" pour le pays, a lui aussi mis en garde contre la "désinformation". Les deux camps se suspectent mutuellement d'intentions frauduleuses pendant la phase de dépouillement.
Les élections sont traditionnellement mouvementées aux Philippines. La police a recensé, cette fois-ci, 151 "incidents". Le scrutin a coûté la vie à 40 personnes au lieu de 73 en 1995.
Soutenu par la veuve de l'ancien didacteur Ferdinand Marcos, Estrada a mené une campagne résolument populiste. Né dans un ghetto de Manille, il s'est présenté comme le défenseur des pauvres contre l'establishment. Les Philippins ne semblent pas avoir été affectés par sa réputation d'incompétence économique et de goût prononcé pour les femmes et l'alcool. Le modèle dont se réclame Estrada est celui de Ronald Reagan, un ancien acteur de cinéma comme lui.
Les milieux d'affaires s'inquiètent néanmoins de sa probable élection. Les cours du peso philippin et des actions du pays ont plongé mercredi. Le futur secrétaire d'Etat aux Finances choisi par Estrada n'en a pas moins promis de continuer à mener la politique économique du président sortant, Fidel Ramos. Un engagement pris également publiquement par "l'ami des pauvres".