Présidentielle 2022 : vers un record d'abstention ?
Interrogés à douze jours du premier tour, 30% des électeurs ne sont pas sûrs d'aller voter. Le record d'abstention de la Vème République pour un premier tour de la Présidentielle - 28,4% enregistrés le 21 avril 2002 - pourrait être battu le 10 avril prochain. L'enquête Ipsos/Sopra Steria réalisée pour France Inter détaille le profil et les motivations de ces abstentionnistes.

Mesurée à douze jours du scrutin, l'intention de s'abstenir au premier tour de l'élection présidentielle se situait dans une fourchette de 28% à 32%, pour un poids moyen à 30%. Sans sursaut de mobilisation dans la dernière ligne droite, l'abstention devrait être supérieure dimanche prochain à celle enregistrée au premier tour de 2017 (22,2%), et peut-être même au record du 21 avril 2002 (28,4%).
L'abstention n'est pas répartie de manière homogène dans toutes les catégories d'électeurs. A ce stade, elle concerne bien plus les jeunes que les plus âgés, avec un différentiel qui va presque du simple au triple : plus de 40% d'abstention potentielle chez les moins de 35 ans, pour seulement 15% chez les 70 ans et plus. L'écart est moindre mais toujours conséquent lorsqu'on regarde le niveau de revenu ou la catégorie socioprofessionnelle des électeurs : plus d'un tiers d'abstentionnistes potentiels chez les ouvriers (36%), les employés (35%), ou au sein des foyers dont le revenu mensuel net est inférieur à 2000€ (37%), pour 29% chez les cadres et 24% au sein des foyers disposant d'un revenu mensuel net supérieur à 3000€.
Ces différentiels de mobilisation par catégorie d'électeurs influencent forcément le rapport de force électoral. On ne mesure ainsi que 13% d'abstention potentielle parmi les électeurs proches de LREM, pour 23% chez les sympathisants du RN et 29% chez les sympathisants FI.
Les principales raisons évoquées par ceux qui pourraient s'abstenir au premier tour de l'élection présidentielle renvoient à l'absence de nouveauté et de suspens : "les candidats disent les mêmes choses que lors des élections précédentes, il n'y a rien de nouveau dans leurs propositions" (24% de citations), "les jeux sont déjà faits, il n'y a pas de suspens sur les résultats" (24% également), "cette élection n'aura pas d'impact sur ma vie ou la situation du pays" (12%). On accuse aussi l'offre électorale. Un abstentionniste sur cinq regrette que "les candidats ne parlent pas assez des sujets qui le préoccupent" (21%), "qu'ils ne soient pas à la hauteur de leur fonction" (19%) ou "qu'aucun candidat ne correspond à ses idées" (17%). Au final, ceux qui "ne s'intéressent pas à la politique de manière générale" ne représentent que 11% des abstentionnistes potentiels.
La question de la participation a également été posée concernant le second tour de l'élection Présidentielle. Dans l'hypothèse d'un duel Emmanuel Macron / Marine Le Pen, l'abstention potentielle se situerait dans une fourchette de 30% à 34% (poids moyen 32%). En cas de second tour Emmanuel Macron / Jean-Luc Mélenchon, nous serions dans une fourchette de 34% à 38% (poids moyen 36%) Même si ces mesures sont à considérer avec prudence avant que le premier tour ne soit vraiment joué - il est difficile pour les électeurs de se projeter sur la non-qualification de leur champion - la différence de quatre points entre les deux hypothèses est intéressante. Dans le cas d'un duel Emmanuel Macron / Marine Le Pen, 53% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour, 59% des électeurs de Fabien Roussel, 35% des électeurs de Yannick Jadot, 29% des électeurs de Valérie Pécresse et 23% des électeurs d'Éric Zemmour n'expriment pas d'intentions de vote. Dans l'hypothèse d'une qualification de Jean-Luc Mélenchon, les deux tiers des électeurs d'Éric Zemmour, 56% de ceux de Marine Le Pen, 40% de ceux de Valérie Pécresse, 21% des électeurs de Fabien Roussel et 20% des électeurs de Yannick Jadot préfèreraient pour l'instant s'abstenir ou voter blanc ou nul.
Au final, la masse d'électeurs concernés et les raisons évoquées fait qu'il est difficile d'expliquer l'abstention uniquement par un manque de sens civique. Au-delà du scrutin présidentiel, les Français sont d'ailleurs très partagés sur le bon fonctionnement de notre démocratie : 51% considèrent qu'elle fonctionne bien, pour 49% d'avis contraire. Dès lors, quelles mesures pourraient conduire les abstentionnistes à voter quand même ? En grande majorité (81%), on pense à "la reconnaissance du vote blanc, qui serait comptabilisé parmi les candidats". Deux personnes sur trois (65%) seraient également favorables à "la mise en place du vote obligatoire". On cite aussi des mesures visant à faciliter le vote : "la mise en place du vote sur internet" pourrait améliorer la mobilisation, selon 65% des répondants, "la mise en place du vote électronique, sur des machines à voter" recueille 56% de citations, "la mise en place du vote par correspondance, par courrier", 53%. En attendant, ce sera vers 17h15 dimanche, avec la première tendance Ipsos / Sopra Steria du taux de participation au scrutin, que nous saurons si le record d'abstention de 2002 a été battu.
Retrouvez notre dossier spécial Présidentielle 2022

Fiche technique : sondage mené par Ipsos avec son partenaire Sopra Steria pour France Inter auprès de 2 000 personnes inscrites sur les listes électorales, représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogées en ligne les 29 et 30 mars 2022.
