Second tour : un vote sans enthousiasme
Du rejet et de la lassitude à faire barrage chez les abstentionnistes et les électeurs qui ont voté blanc ou nul, peu d'adhésion au projet des deux candidats chez ceux qui ont glissé un bulletin dans l'urne… L'enquête réalisée par Ipsos et Sopra Steria pour france•tv et radiofrance sur les motivations du vote montre que ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron n'auront véritablement réussi à convaincre au-delà de leur base électorale du 1er tour.
Les raisons de l'abstention
L'abstention aura de nouveau été très élevée pour ce second tour de l'élection Présidentielle 2022. A choisir dans une liste de propositions les deux raisons qui expliquent le mieux pourquoi ils envisageaient de ne pas voter au second tour, "le fait qu'aucun candidat ne corresponde à leurs idées" est cité en premier, par un tiers des abstentionnistes (35%). Un sur quatre "en a aussi assez de devoir aller voter uniquement pour faire barrage à un candidat" (25%), voire "refuse de choisir entre deux candidats qu'il rejette totalement" (24%). L'abstention a d'abord été motivée par un manque d'adhésion aux programmes proposés. L'absence d'enjeu ensuite - "les jeux sont déjà faits, il n'y a pas de suspens sur le vainqueur" - a également été cité par un quart des abstentionnistes (24%). Le fait que le scrutin ait lieu en période de vacances pour deux zones scolaires sur trois n'aura en revanche joué qu'à la marge, 10% des abstentionnistes évoquant "une indisponibilité (contraintes familiales, vacances, etc.)". On relève une proportion équivalente pour qui le vote en général n'a plus beaucoup de sens, soit parce qu'ils jugent que "l'élection n'aura pas d'impact sur leur vie ou la situation du pays", soit parce "qu'ils ne s'intéressent pas à la politique de manière générale" (10% dans les deux cas).
Derrière cette hiérarchie d'ensemble des raisons de ne pas voter se cachent des choix assez différents selon la proximité partisane. Les abstentionnistes qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon sont les plus nombreux à rejeter "totalement" les deux finalistes (43%) et à ne plus souhaiter faire barrage (39%), ceux qui ont voté pour Yannick Jadot ont plus que les autres l'impression que leurs idées n'étaient pas représentées au second tour (58%), tandis que dans l'électorat Zemmour on a pensé plus qu'ailleurs que les jeux étaient déjà faits (44%). Quant au vote blanc ou nul, le rejet de l'offre de second tour semble encore plus intense que pour la moyenne des abstentionnistes : "je refuse de choisir entre deux candidats que je rejette totalement" est cité par la moitié d'entre eux, "j'en ai assez de voter uniquement pour faire barrage", par un sur quatre.
Les motivations du vote
Pour Emmanuel Macron comme pour Marine Le Pen, le vote par adhésion (je vote pour ce candidat "avant tout parce qu'il fera un bon Président de la République") a légèrement pris le pas sur le vote par défaut (je vote "avant tout pour faire barrage" à l'autre candidat) : le rapport de force entre ces deux options est mesuré à 58% / 42% dans l'électorat d'Emmanuel Macron, à 54% / 46% dans celui de Marine Le Pen. Mais pour les deux candidats, la balance penche du bon côté essentiellement grâce à leur socle électoral de 1er tour. Qu'ils aient voté pour l'un ou l'autre, le vote barrage est largement majoritaire dans les électorats premier tour de Jean-Luc Mélenchon, de Yannick Jadot ou de Valérie Pécresse.
La campagne de l'entre-deux tours n'aura donc permis ni à Emmanuel Macron ni à Marine Le Pen de véritablement convaincre au-delà de leur base électorale. Près d'un Français sur deux juge pourtant que Marine Le Pen a "plutôt mené une bonne campagne" (46%), pour 35% d'avis que sa campagne n'a été "ni bonne, ni mauvaise" et 19% "plutôt mauvaise". Les avis d'ensemble sont plus sévères en ce qui concerne la campagne d'Emmanuel Macron, que seul un Français sur quatre a jugé "plutôt bonne" (26%), pour 40% "ni bonne ni mauvaise" et 34% "plutôt mauvaise". Quant au débat télévisé, point d'orgue de l'entre-deux-tours, ceux qui l'ont vu ou en ont entendu parler en ont un jugement mitigé. Emmanuel Macron a "plutôt inquiété" un téléspectateur sur quatre (25%), en a "plutôt rassuré" un sur trois (32%), pour 43% "ni l'un ni l'autre". Les proportions sont sensiblement les mêmes en ce qui concerne Marine Le Pen, ce qui constitue tout de même pour elle une performance largement meilleure qu'en 2017. La candidate du Rassemblement National a ainsi plutôt rassuré 27% des spectateurs (pour 13% de cet avis en 2017), en a plutôt inquiété 35% (pour 56% en 2017), pour 38% de "ni l'un ni l'autre" (31% en 2017).
Fiche technique : enquête menée par Ipsos & Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France24/RFI/MCD, Public Sénat/LCP Assemblée Nationale et Le Parisien-Aujourd'hui en France auprès de 4000 personnes inscrites sur les listes électorales, constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, interrogées du 21 au 23 avril 2022.