Vie et mœurs des jeunes Européens au travail - INTERVENTION DE L'ETAT ET " PATRIOTISME ECONOMIQUE ": UNE RAISON MORALE SANS REALITE ECONOMIQUE
Pour les "ECP", l'intervention de l'Etat dans la vie des entreprises reste un non-sens économique tout en étant socialement légitime
Dans ce contexte de relative frilosité économique, seuls 13% des " ECP " envisagent l'intervention de l'Etat dans la vie des entreprises comme une " aberration économique, sociale et morale ". Les autres légitiment celle-ci, soit parce qu'elle se justifie d'un point de vue moral - ceci malgré son non-sens économique - (48%, + 7 points), soit parce qu'elle leur apparaît comme une " obligation, par temps de mondialisation et de dérégulation " (31%, -7 points). Enfin, près d'un "ECP" sur dix ne s'est pas forgé d'opinion sur ce sujet (8%).
La forte progression de la légitimation de l'intervention de l'Etat dans la vie des entreprises, comme injonction morale mais non-sens économique (+7 points), renvoie bien évidemment aux événements du 11 septembre 2001 tandis que les questions de mondialisation et de dérégulation passent, aujourd'hui, au second rang (-7 points).
Parmi les chantres de la légitimation de l'intervention de l'Etat dans la vie des entreprises pour des raisons morales, sont particulièrement bien représentés les plus jeunes des "ECP" (55% des moins de 25 ans, soit 7 points de plus qu'en moyenne), ceux de nationalité allemande (57%, +9 points), les titulaires de diplômes commerciaux (51%, +3 points), les salariés des grandes entreprises (51%, +3 points) et les plus optimistes à l'égard de la conjoncture économique des dix prochaines années (52%, +4 points).
Le " patriotisme économique " n'est pas décrié par les "ECP"
Aussi, le " patriotisme économique ", non-sens dans une économie de marché libéral, n'est-il pas stigmatisé par les "ECP". Si ceux qui l'approuvent personnellement en tant que citoyen ne sont pas majoritaires (43%), ils sont, toutefois, presque aussi nombreux que ceux qui le désapprouvent (45%) tandis que 12% ne s'expriment pas sur ce sujet. Les "ECP" sont donc prêts à sacrifier leur rationalité économique pour une relative prise en compte de problématiques extérieures à la sphère économique que sont, par exemple, le politique ou la géo-politique.
Mis par parenthèse les femmes plus sensibles que les hommes à la question du " patriotisme économique " (47% contre 42%), un groupe se singularise : les Français. En effet, ces derniers sont une large majorité à approuver l'appel récent au " patriotisme économique " (54%, soit 11 points de plus qu'en moyenne). Il est tout à fait remarquable de constater qu'en dépit d'une formation supérieure suivie dans plusieurs pays, d'une carrière menée à l'international, les "ECP" français restent encore sensibles aux thématiques très françaises de nationalisme économique et d'administration de l'économie par le politique.
L'Etat, désigné comme principal acteur du " patriotisme économique "
Partagés sur la question du " patriotisme économique ", les "ECP" s'accordent pour désigner les agents économiques qui, selon eux, doivent faire preuve de ce " patriotisme ". Il s'agit, en priorité, de l'Etat (34%), puis, à égalité, des entreprises (18%) et des investisseurs financiers (17%). En revanche, rares sont les "ECP" qui désignent les ménages comme acteurs principaux du " patriotisme économique " (11%).
A noter que les premiers à désigner l'Etat comme principal acteur du " patriotisme économique " ne sont pas, contre toute attente, les Français mais les Britanniques (45% le désignent comme premier acteur contre 32% des Français).
Toutefois ce " patriotisme économique " n'a été mis en œuvre ni par les "ECP" eux-mêmes, ni par leur entreprise
Le fait qu'ils ne désignent pas les ménages comme les agents comptables de la mise en œuvre de ce " patriotisme économique " est corroboré par la faible implication déclarée des "ECP" dans des pratiques de " patriotisme " consommatoire. Seuls 12% des "ECP" déclarent avoir modifié leur comportement de consommation à la suite de ces appels au " patriotisme économique " et huit "ECP" sur dix déclarent ne pas avoir modifier leur mode de consommation (85%).
Et, s'ils désignent plus volontiers les entreprises comme moteur de la mise en œuvre de ce " patriotisme économique ", les "ECP" restent sceptiques quant à la mise en œuvre réelle de cette injonction. Plus des deux tiers estiment, en effet, que leur entreprise n'a pas suivi cet appel (73%). Les plus critiques - ou les moins naïfs - sont les hommes (75% pensent que leur entreprise n'a pas suivi cet appel au " patriotisme économique "), les "ECP" de plus de 29 ans (75%) et ceux de nationalité allemande (76%).
DIAPOS
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Fiche technique :
Cette note présente les principaux résultats de l'enquête auto-administrée HR Gardens/Ipsos menée auprès de 2 647 " Early Career Professionals " à partir d'un fichier disponible et fourni par EMDS. Le terrain a eu lieu du 1er décembre au 17 décembre 2001.
L'enquête a été administrée par Internet, selon la méthodologie suivante : un mail a été envoyé à chaque individu inscrit sur le fichier d'EMDS, ayant au moins une expérience professionnelle et appartenant aux 7 nationalités suivantes : allemande, italienne, française, belge, espagnole, néerlandaise et anglaise. Les " ECP " correspondant à ces critères étaient invités à se connecter à l'adresse où était hébergé le questionnaire et à y répondre.
Ce dispositif a été précédé, avant les attentats du 11 septembre, d'une première enquête, portant sur un échantillon de 5.211 " ECP " (interrogés entre le 4 juillet et le 17 août 2001). Cette première enquête - réalisée sur un mode opératoire identique à celle dont nous rendons compte ici - avait permis de mieux comprendre les relations qu'entretiennent les " ECP " avec le monde de l'entreprise. Il est intéressant de rappeler, en préambule à l'analyse de la seconde vague - plus spécifiquement consacrée à la perception de " l'après-11 septembre " - ses grands enseignements. Le pragmatisme dont font aujourd'hui preuve les " ECP " dans le contexte socio-économique actuel tient sans doute plus de leurs caractéristiques propres que de la conjoncture.