Vie professionnelle ou vie privée : les cadres choisissent plutôt le travail

Si bon nombre de cadres se plaignent aujourd'hui de la répartition du temps entre vie professionnelle et vie privée, l'étude Ipsos-Challenges montre qu'ils ne sont pas prêts à beaucoup de sacrifices pour améliorer les choses. Quitte à choisir, ils préféreraient encore "travailler plus pour gagner plus" …

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Surchargés, les cadres ? Aujourd'hui, ils estiment dans leur majorité consacrer pas assez de temps (15%) ou "le temps qu'il faut" à leur travail (45%), contre seulement 40% qui jugent "travailler trop". Peut-être plus honnêtes, mieux organisées ou moins sollicitées, les femmes se plaignent en tout cas nettement moins que les hommes du temps consacré à leur activité professionnelle (59% des femmes estiment y consacrer le temps qu'il faut, contre seulement 39% des hommes).Les cadres ont visiblement du mal à résoudre les tensions entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, si une majorité estime ne pas trop travailler, une proportion plus large encore juge ne pas passer suffisamment de temps avec leur famille (70%) ou leurs amis (67%), ni n'avoir assez de temps pour s'occuper d'eux (63%). Leur entourage s'en plaint d'ailleurs aussi, selon 51% des interviewés.L'instauration de la Réduction du Temps de Travail (RTT) ne semble pas avoir sensiblement changé la donne. Parmi les cadres concernés par le passage aux 35 heures (soit près de la moitié de l'échantillon), 70% estiment ne travailler "ni plus ni moins " qu'avant, contre seulement 9% qui jugent "travailler moins" ; les autres (soit près d'une personne sur cinq) déclarent même devoir à présent "travailler plus".Par ailleurs, certains secteurs d'activité semblent plus exposés que d'autres à la surcharge de travail. Dans le marketing ou la vente, 56% des cadres estiment travailler trop. Dans le secteur des services, c'est le cas d'un cadre sur deux. Ce sentiment varie également en fonction de l'ancienneté au sein de l'entreprise ou de l'ampleur des responsabilités. Ainsi, chez les personnes travaillant dans la même entreprise depuis plus de vingt ans, 52% pensent consacrer trop de temps à leur travail.

Par ailleurs, pour les cadres, la charge de travail semble relativement immuable : 26% pensent en effet "qu'ils travailleront plus dans cinq ans" et 46% "qu'ils travailleront autant". Les cadres sont d'ailleurs globalement satisfaits de l'organisation du travail au sein de leur entreprise (71%), même s'ils considèrent qu'on peut améliorer les choses. On note toutefois sur cette question un très net clivage entre hommes et femmes : les trois-quarts des hommes sont globalement satisfaits de cette organisation, contre seulement la moitié des femmes. Les moins de 35 ans, les cadres exerçant dans le domaine de la gestion - finances et comptabilité, dans le secteur des services, sont également un peu plus critiques que la moyenne sur ce point.D'après notre enquête, certaines innovations ont sans aucun doute contribué à améliorer les conditions de travail des cadres. Le fax (72%) et dans une moindre mesure le téléphone mobile (50%), les réseaux informatiques internes (49%) et le mail (41%) ont permis, aux yeux d'une majorité des personnes interrogées, de "rendre le travail plus efficace et de dégager du temps pour leur vie privée". A l'inverse, certains cadres, certes minoritaires, considèrent que le téléphone mobile (12%) et l'ordinateur portable (10%) ont rendu plus difficile la séparation entre vie privée et vie professionnelle. Comme plus des deux tiers des cadres ne disposent pas encore aujourd'hui d'ordinateurs portables (61%), ramené à proportion, un quart des utilisateurs de cet outil en font donc un ennemi de la vie privée.Pour améliorer encore l'organisation du travail, les cadres préconisent en premier lieu une meilleure planification des tâches (40%), devant le renforcement des effectifs (26%) ou une plus grande utilisation des nouvelles technologies (7%).

Si les cadres se plaignent parfois de manquer de temps, les efforts qu'il se disent prêts à consentir pour changer les choses sont assez modestes. En fait, près de la moitié d'entre eux préfèrerait "travailler plus pour gagner plus" (49%) plutôt que "travailler moins et gagner moins" (le choix de seulement 29% des cadres interrogés).

L'arbitrage en faveur de l'argent sur le temps est le plus fort chez les hommes (52%) et les plus jeunes (57% des 18-34 ans), ces derniers étant aussi les moins argentés. Là aussi, on observe des différences de jugement selon les secteurs d'activité : on relèvera en particulier la très large proportion de cadres de l'administration prêts à travailler plus pour gagner plus (70%) ! Un cadre sur deux serait toutefois prêt à renoncer à une évolution dans son travail si son conjoint ou sa famille n'étaient pas d'accord mais la majorité des femmes n'y renoncerait pas (52%, contre 43% des hommes). En matière de "petits arrangements" enfin, les cadres interrogés se montrent pour le moins timides. Honnêtes envers leur employeur ou méfiants vis-à-vis des enquêteurs d'Ipsos, la plupart d'entre eux n'auraient jamais, pour des motifs personnels ou familiaux, oublié de "déclarer un jour pris en congé" (85%), "inventé un déjeuner professionnel" (89%), "prétexté des problèmes de transport" (91%), et encore moins "inventé un rendez-vous professionnel" (92%), "séché une réunion sans prévenir"(93%) ou "prétexté une maladie" (94%). Moins directement soumis à la hiérarchie, les cadres exerçant au sein de directions générales sont peut-être les plus honnêtes : ce sont en effet les plus nombreux à avouer ce type de pratiques…

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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