A 10 jours du 1er tour : le 17ème forum d'Ipsos

Derrière les intentions de vote, le niveau de mobilisation, l'indécision et la fermeté du choix, les pronostics et souhaits de victoire, la hiérarchie des préoccupations et le climat électoral... A l'occasion du 17ème forum d'Ipsos qui s'est tenu le 12 avril à Paris, Pierre Giacometti, directeur général d'Ipsos, a fait le point sur les dernières données Ipsos, à 10 jours du premier tour de la présidentielle.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Mobilisation électorale, détermination du choix, anticipation du résultat : les facteurs clés des 10 jours à venir

Par rapport à 2002 où l'on a battu le record d'abstention pour un premier tour de présidentielle, la participation devrait rentrer dans la norme cette fois-ci. Au vu de la part d'électeurs se déclarant "certains d'aller voter" à 10 jours du scrutin, nous devrions être le 22 avril autour des 80% de participation . Le seuil n'est pas garanti mais il est accessible. Au final cela dépendra beaucoup de la mobilisation des jeunes et des catégories salariés, où l'abstention avait été particulièrement élevée au 1 er tour en 2002.

 

Contrairement à ce que l'on entend souvent, le scrutin de 2007 n'est pas exceptionnel du point de vue de l'indécision de l'électorat. Nous en sommes à environ 40% d'hésitation , soit un niveau de détermination équivalent à celui de 2002. Ce niveau d'hésitation tout de même élevé tient surtout à une fermeté du choix très faible de l'électorat de François Bayrou. A voir si cet électorat se structure plus nettement d'ici le 22 avril.

   

En 2002, plus d'un Français sur trois ne s'avançaient sur aucun pronostic quant à l'issu du scrutin. Ils ne sont qu'un sur quatre aujourd'hui. Plus de la moitié des Français voient la victoire de Nicolas Sarkozy.

 

Le détail du pronostic par électorat éclaire sur la solidité des soutiens. Le fait que le tiers des électeurs de Ségolène Royal pense que Nicolas Sarkozy va gagner montre la fragilité de la candidature socialiste, qui laisse une marge possible de progression à un choix alternatif, notamment en faveur de François Bayrou.

 
 

Le souhait de victoire est plus équilibré, plus stable aussi, se rapprochant des intentions de vote.

Le détail par proximité partisane - les sympathisants - est là encore inquiétante pour Ségolène Royal : seulement 55% des proches du PS souhaitent qu'elle soit élue le 6 mai, un score faible, qui rappelle son niveau de soutien d'avant la primaire.

Cet indicateur est meilleur pour François Bayrou. Les proches de l'UDF, qui constituent rappelons-le son socle électoral, sont de plus en plus déterminés. Les souhaits de victoire ont progressé de près de 20 points de début mars et début avril. On n'est plus très loin du niveau de détermination mesuré pour Nicolas Sarkozy chez les proches de l'UMP.

 

Invité à commenter cette série de donnée, Eric Dupin retient en premier lieu la mobilisation, qu'il anticipe à nouveau au-dessus des 80% au vu des enquêtes présentées mais aussi d'autres informations comme les audiences des émissions politiques télévisées. Il relève un intérêt élevé pour ce scrutin, "alors même que le suspens n'y est pas." Selon lui, "tous les indicateurs vont dans le même sens, Nicolas Sarkozy est le grand favori. La dissymétrie entre un électorat de gauche qui doute de la victoire de sa candidate, qui est même partagé en terme de souhait, et un électorat de droite, convaincu d'une victoire de son champion, victoirte souhaitée presque unanimement, est annonciatrice de succès pour la droite et d'échec pour la gauche.

L'intérêt pour l'élection vient sans doute alors de la nouveauté de l'offre électorale, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n'ont jamais été candidats à la présidentielle, François Bayrou n'a jamais eu un tel positionnement." Eric Dupin voit dans cette nouveauté l'explication de l'hésitation de l'électorat : "à partir du moment où l'offre électorale est nouvelle, où les positionnements politiques sont nouveaux, les trajectoires sont neuves et expliquent que l'électeur hésite lorsqu'il a l'intention de voter hors de ses habitudes. D'où la retenue des personnes qui déclarent aux sondeurs pouvoir encore changer d'avis ; c'est particulièrement le cas des électeurs de gauche qui se prononcent pour François Bayrou, ou des électeurs de Jean-Marie Le Pen en 2002 qui choisissent aujourd'hui Nicolas Sarkozy."

Le suivi continu des intentions de vote

Au niveau des intentions de vote, la tendance essentielle mesurée début mars est la progression de François Bayrou. Cette progression a recomposé les équilibres entre les principaux candidats, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy ont été victimes de ce mouvement. Nous sommes aujourd'hui et depuis fin mars dans une situation d'équilibre, avec Nicolas Sarkozy autour des 30% d'intentions de vote 1 er tour, Ségolène Royal autour de 25%, François Bayrou à 20%, Jean-Marie Le Pen sous les 15%.

 

Ce tableau relativement clair est toutefois soumis à des éléments de pression importants. A part Jean-Marie Le Pen qui n'a personne à sa droite et n'est gêné que par la présence de Nicolas Sarkozy, les 3 principaux candidats sont encerclés par des hésitants. L'électorat potentiel de François Bayrou est soumis à deux tentations : un vote traditionnel de droite, Nicolas Sarkozy, et le retour de la partie "socialiste" de ses soutiens vers Ségolène Royal. Pour la candidate socialiste, il y a pour une partie de ses électeurs la tentation d'un vote plus marqué à gauche et pour une autre la tentation François Bayrou. Enfin pour Nicolas Sarkozy, il y a la tentation Jean-Marie Le Pen et celle d'un vote plus modéré. Cette conjonction d'hésitations fragilise le rapport de force, même si la mesure d'aujourd'hui est un peu plus solide, un peu plus déterminée que celle d'il y a un mois. Lorsqu'on regarde les intentions de vote de chaque grand institut, la place de Nicolas Sarkozy en tête paraît solide. Ensuite, les écarts sont trop faibles pour que l'on puisse être sûr de l'ordre du quarté.

Derrière, autour des 4%, Olivier Besancenot est le seul des 8 "petits candidats" à sortir du lot. Ensemble, ces petits candidats totalisent moins de 15% d'intentions de vote, quand on avait environ 35% de la 5ème à la 16ème place en 2002. Aujourd'hui, les 4 premiers monopolisent près de 90% des intentions de vote, contre péniblement 60% il y a cinq ans. Avec la campagne officielle, il n'est toutefois pas exclu que l'un ou l'autre des petits candidats parvienne à faire un peu mieux dans la dernière ligne droite. Un tel phénomène serait loin d'être négligeable, s'il concerne par exemple un leader d'extrême gauche, notamment pour Ségolène Royal en cas de finish au coude à coude avec François Bayrou.

Pour le second tour , les intentions de vote sont toujours à considérer prudemment. En cas de qualification de Ségolène Royal, on navigue depuis le début d'année sur un rapport de force favorable à Nicolas Sarkozy , entre 52 et 54%.

Plus intéressant dans cette hypothèse, la mécanique des reports de voix. Celles de François Bayrou se repartissent à peu près équitablement entre les deux qualifiés ; l'abstention potentielle a plutôt tendance à baisser. Les suffrages de Jean-Marie Le Pen iraient en revanche massivement vers Nicolas Sarkozy. Si les choses devaient se confirmer, on aurait là une nouveauté dans l'analyse des reports de voix de l'extrême droite vers la droite : on est 15 points au-dessus des reports de voix dont était crédité Jacques Chirac dans les 2nd tour de 1988 et 1995.

 

Le second tour Bayrou-Sarkozy est mesuré depuis le jour où Ségolène Royal et François Bayrou étaient à égalité (mi-mars). Pour autant avec une hypothèse pas vraiment installée dans l'opinion (cf. pronostics de victoire), cette intention de vote est encore plus fragile que celle de l'hypothèse Sarkozy-Royal. Si la tendance est aujourd'hui largement favorable à François Bayrou, les mécaniques d'opinions induites par une telle configuration sont tellement imprévisibles, et dépendantes de facteurs politiques non intégrés par les électeurs, qu'on ne sait pas trop quoi en penser.

Pour Eric Dupin , la résistance de François Bayrou à plus ou moins 20% ne peut s'expliquer que par une attitude assez paradoxale de l'électorat par rapport aux deux favoris. Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ont en effet en commun d'avoir été imposés par l'opinion, en s'installant dans des niveaux de popularité sans équivalent dans leur camp. Or aujourd'hui dans la campagne, ces deux personnalités provoquent des réticences. Personnelles et liées à sa manière de faire pour Ségolène Royal, plus politiques et liées au projet pour Nicolas Sarkozy, mais réelle crispation. Il y a du coup une réaction de refuge d'une partie de l'électorat de gauche et de droite qui profite à François Bayrou, et constitue pour lui un matelas à la fois stable et pas assuré.

2007 vs 2002: la crédibilité des candidats, à l'épreuve de la nouvelle hiérarchie des inquiétudes

Au-delà des intentions de vote, une enquête réalisée pour Le Point en marge du traditionnel baromètre de popularité nous a permis de poser un certain nombre de questions relatives à la présidentielle, afin de mieux cerner le climat électoral à la veille du 1er tour. Alors qu'en 2002 les questions d'insécurité étaient au cœur des préoccupations, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le nombre de personnes éprouvant pour elles-mêmes "parfois" ou "souvent" un sentiment d'insécurité est passé de 52% en mars 2002 à 38% aujourd'hui (-14 points). Ceux qui ne ressentent "rarement" ou "jamais" de sentiment d'insécurité sont devenus majoritaires (62%). Du coup, alors qu'en 2002 "la lutte contre l'insécurité" était en tête des priorités assignées au prochain président de la République (43% de citations), elle n'est plus aujourd'hui qu'en cinquième position (21%, -22 points). En 2007, loin devant les autres sujets, c'est sur la question du chômage que se concentrent les attentes des Français (46% de citations, +10 points), assez nettement devant le système de santé et de protection sociale, le système éducatif, et les questions d'environnement.

 

Invités ensuite à choisir dans une liste les valeurs auxquelles ils sont le plus attachés, plus d'une personne sur deux opte maintenant pour " le travail " (52% de citations, +13 points). En 2002, on pensait d'abord "liberté" (47%), le travail n'arrivant qu'en 4ème position.
On relève surtout des craintes particulièrement marquées, et transgénérationnelles, quant à l'évolution du niveau de vie  : 43% des personnes interrogées pensent que leur niveau de vie va diminuer dans les années qui viennent, ils n'étaient que 26% de cet avis en 2002 (+17 points).

 

Inquiétude quant au chômage, à la protection sociale, crainte pour son niveau de vie... on pourrait croire le climat favorable à la gauche. La crédibilité comparée des différents candidats montre que ce n'est pas le cas. Si les Français font davantage confiance à Ségolène Royal pour préserver les acquis sociaux ou garantir l'avenir des retraites , c'est bien Nicolas Sarkozy qui sort en tête sur la question du niveau de vie , et plus largement encore sur celle du chômage (40% font plus confiance à N. Sarkozy pour "réduire durablement le chômage", contre 28% pour Ségolène Royal, 19%). En revanche, François Bayrou n'est en tête sur aucun des enjeux testés.

 

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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