11/09/01 – 11/09/02 : l'onde de choc s'amortit
Le tout premier sondage réalisé par Ipsos aux Etats-Unis juste après les attentats montrait à quel point le pays était en état de choc. Les Américains assuraient alors dans une très large majorité que "rien ne serait plus jamais comme avant". Sur la base des nombreuses enquêtes publiées outre-Atlantique, Canal Ipsos passe en revue les principaux mouvements d'opinion consécutifs aux attentats du 11 septembre.
Le 11 septembre 2001, deux avions de ligne détournés percutent les tours jumelles du World Trade Center, les détruisant. Un autre appareil frappe le Pentagone à Washington et un quatrième s'écrase en Pennsylvanie. On recensera plus de 3.000 morts.
11 septembre 2001 : le choc
Mus par une soif de vengeance face à une attaque qu'ils qualifiaient pour les deux tiers d'entre eux de "pire que Pearl Harbor", les Américains furent prêts à ce que l'on "change la loi pour permettre d'assassiner les terroristes à l'étranger" (65% des personnes interrogées par CBS News/New York Times les 13 et 14 septembre). On voulait Ben Laden "mort ou vif" ; pour deux Américains sur trois, il fallait même "tenter de l'assassiner" (Fox News/Opinion Polls, 19/20 septembre). "Ne pas répondre par une action militaire signifiait un risque de récidive terroriste plus important" pour les trois quarts des personnes interrogées le 20 septembre par ABC News/Washington Post. Si 31% des Américains estimaient "qu'il fallait limiter une campagne militaire de représailles à la capture de Ben Laden et de ses réseaux terroristes", 58% étaient favorables à "une riposte d'une plus grande ampleur, visant à mettre hors d'état de nuire les principales organisations terroristes, même si ces dernières n'étaient pas impliquées dans les attentats du 11 septembre" (Enquête NBC News/Haart-Teeter - 20 septembre 2001). On ne craignait même pas les "dégâts collatéraux" : plus de deux Américains sur trois étaient favorables à des représailles militaires contre les responsables des attentats, même si "plusieurs milliers de civils innocents devaient être tués" (Enquête CBS News/New-York Times - 20-23 septembre 2001). L'opinion publique américaine était en état de choc.
Un soutien unanime au gouvernement
Un des phénomènes d'opinion les plus spectaculaires enregistré dans cette période concerne la popularité du Président Bush et du gouvernement. Les péripéties de son élection (recomptage des votes en Floride notamment) l'avaient privé du traditionnel "état de grâce", Bush ne bénéficiant alors que d'environ 50% de bonnes opinions. Le 11 septembre, l'ensemble de la population s'est immédiatement rangée derrière un Bush déterminé. L'émotion et l'urgence ne laissant plus de place à la critique, les baromètres d'opinions ont enregistré dès le lendemain des attentats un soutien quasi-unanime au Président : 90% des Américains "approuvaient le travail de George W. Bush en tant que président" selon CNN/Gallup, Fox News/Opinion Polls, ou Newsweek/Princeton Survey Research Associates pour ne citer qu'eux. L'enquête réalisée par CBS News dès le 11 septembre révélait que 90% des Américains faisaient d'emblée "confiance au gouvernement pour arrêter les coupables". Vivant dans la crainte de nouveaux attentats, (80% des personnes interrogées par Gallup), la population faisait en même temps "confiance au gouvernement pour les endiguer". Presque tous approuvaient la manière dont "Bush menait la campagne contre le terrorisme" (plus de 90% d'approbation jusqu'à la fin de l'année).
L'opinion fit encore bloc derrière Bush quand il s'agit de soutenir début octobre l'action militaire en Afghanistan (94% de soutien le 7 octobre, jour des premiers raids aériens américains en Afghanistan Enquête ABC News/Washington Post). Le soutien fléchit légèrement quand les raids aériens laissèrent la place aux troupes au sol, sans jamais tomber sous le seuil des 75% d'approbation. Les Américains saluèrent unanimement la prise, par les forces de l'Alliance du Nord, d'une Kaboul désertée par les Talibans le 13 novembre, et la reddition des Talibans à Kandahar début décembre : mi-décembre, 92% des Américains se déclaraient "satisfaits des progrès militaires en Afghanistan" (CNN/USA Today/Gallup).
Un élan d'entraide et de solidarité
Le choc des attentats eu comme conséquence immédiate de regrouper les Américains dans un même élan d'entraide et de solidarité. Cette société stigmatisée par le "struggle for life" a surpris le reste du monde par son courage et son unité. Si son premier réflexe a été de se tourner vers la religion (91% des Américains interrogés le 11 septembre ont en premier lieu "prié pour les victimes et leur famille", enquête ABC News/Washington Post), les Américains ont puisé leur énergie dans de nouvelles valeurs morales, teintées de patriotisme. Se regardant avec un œil nouveau, deux personnes sur trois sont à présents convaincus que les gens autour d'eux sont "serviables et généreux" (68%) plutôt "qu'égoïstes" (24%). La même question posée en juin 2000 montrait une opinion publique plus contrastée. Parallèlement, la part de personnes estimant les gens "justes" plutôt "qu'intéressés" a elle aussi significativement progressé depuis les attentats (d'un cinquième à un tiers).
Les Américains étaient croyants et patriotes, ils le sont encore devenus davantage suite aux évènements du onze septembre. Selon une enquête publiée par le Washington Post, près de 70% d'entre eux se déclaraient "très fier de l'histoire des Etats-Unis" au lendemain des attentats, contre moins de 50% en 1996 ; 80% sont devenus "très fiers de leurs forces armées", contre 47% en 1996 ; les trois quarts se déclaraient "très fiers de l'Amérique pour ses avancées scientifiques et technologiques" (contre 49% en 1996). Plus de six sur dix sont encore à présent très fiers "des apports américains dans le domaine de l'art et de la littérature (contre 28% en 96), très fiers de l'Amérique pour ses "progrès économiques" (contre 28%), ou pour "les progrès de la démocratie (61% contre 27%). De tous les mouvements d'opinions enregistrés suite aux attentats, les changements de perception par rapport au pays et au prochain sont certainement les plus solides. Le ralliement du peuple derrière son gouvernement n'a pas connu en un an la même constance.
Janvier 2002 : le tournant
Le 28 décembre 2002, le Président Bush laisse entendre que Ben Laden pourrait ne jamais être capturé". Même s'il ajoute que "Notre objectif va au-delà de Ben Laden", cette déclaration a peut être agit comme un catalyseur dans le reflux de l'unanimité observée derrière lui pendant près de quatre mois.
La confiance des Américains avait déjà été ébranlée par l'affaire de l'Anthrax : si les trois-quarts des personnes interrogées par Princeton Survey Research pour Newsweek fin octobre 2001 pensaient toujours que "l'administration Bush et l'armée américaine suivaient un plan bien réfléchi et bien mûri lorsqu'ils envoient les forces militaires combattre les terroristes par delà les mers", les avis étaient plus partagés pour le combat sur le sol américain : 48% jugeaient alors que "le gouvernement suivait un bon plan lorsqu'il combat aux Etats-Unis le bio-terrorisme et les autres menaces terroristes", mais 43% n'étaient pas de cet avis. Les problèmes de sécurité intérieure ont petit à petit fissuré le bloc de l'opinion. Les craintes de nouveaux attentats ont à nouveau augmenté en novembre et décembre, alors que parallèlement la crédibilité du gouvernement commençait à se détériorer avec ce que l'opinion interprétait comme un enlisement du conflit en Afghanistan. La confiance dans la justesse du plan militaire en Afghanistan a ainsi chuté à 72%, un Américain sur cinq n'estimant plus ce plan pertinent, début novembre (Newsweek/ Princeton Survey Research).
La popularité du Président Bush a commencé à chuter à partir de janvier. Tous les baromètres se sont à nouveau orientés à la baisse. De points en points, Bush est passé de 90% de bonnes opinions à environ 65% aujourd'hui, selon la dernière mesure d'Ipsos-Reid pour Cook Political Report. Si ce niveau est toujours de 15 points supérieur à celui enregistré avant les attentats, il n'en demeure pas moins que la popularité du Président est à nouveau plus clivée : Bush conserve un très large soutien des sympathisants républicains, mais les proches des démocrates sont redevenus plus critiques.
La façon dont Bush gère la guerre contre le terrorisme est elle aussi un peu plus débattue, puisqu'on est passé de taux d'approbation supérieurs à 90% jusqu'à fin décembre à environ 75% aujourd'hui. Les mêmes hésitations se retrouvent quand les Américains jugent plus globalement l'action du gouvernement.
En fait, depuis janvier, et encore plus nettement depuis la fin de l'opération Anaconda, la plus grande opération terrestre de l'armée américaine en Afghanistan, l'action de l'exécutif contre le terrorisme manque peut-être de lisibilité pour une part de la population. Les Américains ont su que beaucoup de talibans et de membres d'Al-Qaïda étaient passés à travers les mailles du filet pour se réfugier au Pakistan. Ben Laden est toujours introuvable. Un an après les attaques, l'Amérique est partagée entre un sentiment d'impuissance et une certaine résignation. On pense que le gouvernement Bush n'a pas de plan clair pour combattre le terrorisme. On craint de nouvelles attaques. Les Américains doutent plus qu'avant que le gouvernement ait tout fait pour les préserver de telles catastrophes.
Un an après les attentats, la crédibilité de Bush est sur une pente descendante.
Avec les élections en point de mire, les préoccupations sociales et économiques resurgissent dans la hiérarchie des préoccupations des citoyens américains. Or sur ces questions aussi, les Américains sont à nouveau plus critiques envers le gouvernement Bush. Sur tous les aspects évoqués, la crédibilité de Bush et de son gouvernement reste tout de même largement supérieure à ce qu'elles étaient avant les attentats. La menace terroriste focalise toujours l'attention, même si elle n'occulte plus le reste. Pour la première fois depuis février 1998, la majorité des Américains estime aujourd'hui que le pays "va dans la mauvaise direction" (54%, contre 43% d'avis contraire, selon le TNS/Washington Post). En fait, le maintien ou non de Bush et de son équipe à de hauts niveaux de popularité dépendra très certainement beaucoup de l'évolution des tensions avec l'Irak.
Ipsos-Reid, aux Etats-Unis
et notamment le baromètre politique réalise pour Cook Political Report
Tous les sondages d'opinion réalisés aux Etats-Unis sont publiés sur le site Polling Report:
Le site Public Agenda a également consacré un dossier très complet analysant sur la base d'enquêtes d'opinions les attentats aux Etats-Unis
Mondage vidéo des évènements du 11 septembre
MSNBC : The Darkest Day
Les archives de Newsweek : un an d'articles sur les attentats du 11 septembre