Au-delà des préjugés : la réalité est souvent loin d'être ce que l'on croit

Après une première expérience en 2014(1), Ipsos reconduit son étude internationale Perils of Perception dont l'objectif est de mesurer l'ampleur de la différence entre les perceptions des citoyens et la réalité objective des faits. En effet, alors que suite au référendum britannique et à l'élection présidentielle américaine, le mot « post-truth » (post-vérité) a été désigné comme le mot de l'année 2016, mieux comprendre les perceptions des citoyens est un objectif plus que jamais d'actualité.

Auteur(s)
  • Guillaume Petit Directeur Corporate Reputation
  • Mathieu Gallard Directeur d'Études, Public Affairs
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LA FRANCE, PAYS DU MONDE OU L'ON SURESTIME LE PLUS LE NOMBRE DE MUSULMANS

Parmi les 40 pays dans lesquels l'enquête a eu lieu, la France se distingue par une surestimation massive du nombre de musulmans sur son territoire : les Français pensent que 31% des habitants du pays sont de cette religion alors que, selon une étude réalisée par le Pew Research Center datant de 2011, ils ne représenteraient qu'environ 7,5% de la population. L'écart entre la perception de la population et la réalité est donc de 24 points, alors qu'elle est nettement moins massive dans d'autres pays européens où les partis populistes mettent l'Islam au centre du débat politique : 17 points en Italie, 16 points en Allemagne, 13 points d'écart aux Pays-Bas, 11 points au Danemark... De même, les Français pensent que 40% de la population du pays sera de religion musulmane d'ici à 2020, un chiffre très nettement supérieur aux estimations du Pew Research Center qui évalue cette proportion à 8,3%. Un écart de 31 points, là encore très supérieur à celui de nos voisins européens.

LES FRANÇAIS S'IMAGINENT PLUS CONSERVATEURS QU'ILS NE LE SONT EN REALITE

Ipsos a aussi interrogé les citoyens sur le pourcentage de personnes qui, selon eux, jugent l'homosexualité « moralement inacceptable » dans leur pays. Sur cette question, les Français se croient nettement plus conservateurs qu'ils ne le sont en réalité : alors qu'ils évaluent à 35% la part de la population qui désapprouve l'homosexualité, ce chiffre n'est en réalité que de 14%, selon une étude du Pew Research Center de 2015. Les sondés de la plupart des pays surestiment le conservatisme de leurs compatriotes, avec des écarts très marqués aux Pays-Bas (31 points), en Espagne (28 points) ou en Allemagne (25 points). On retrouve ce décalage d'évaluation du conservatisme moral en France comme dans la plupart des pays sur des sujets comme les relations sexuelles hors mariage ou l'avortement.

DES INEGALITES SOCIALES ASSEZ BIEN PERÇUES PAR LES FRANÇAIS

Les Français sont un peu plus proches de la réalité en ce qui concerne les inégalités sociales, même s'ils la surestiment encore nettement. Interrogés sur la part de la richesse des ménages possédés par les 70% de ménages les plus pauvres, les Français répondent 26%. Une estimation qui ne prend pas tout à fait la mesure des inégalités de répartition des richesses, puisque ces ménages ne détiennent en fait que 19% de l'ensemble des richesses. C'est dans les pays où les inégalités sont les plus importantes que l'évaluation des habitants est la plus éloignée de la réalité : Inde, Afrique du Sud... et Etats-Unis. De même, les Français pensent que seuls 44% de leurs concitoyens sont propriétaires de leur logement, alors que ce chiffre est en fait de 58%.

LES FRANÇAIS SONT CONSIDERABLEMENT PLUS HEUREUX AU NIVEAU INDIVIDUEL QU'ILS NE LE PENSENT

Le décalage le plus large concerne toutefois l'état d'esprit des personnes. Au niveau mondial, les sondés pensent que 44% de leurs propres compatriotes sont « heureux ». Or, les études du World Values Survey montrent que 86% des citoyens disent être eux-mêmes « heureux » dans leur vie. On retrouve cet écart de 42 points en France, confirmant le décalage traditionnel dans notre pays entre un certain optimisme au niveau individuel, mais une grande morosité collective.

Cette vague de Perils of Perception confirme que les citoyens de nombreux pays, notamment occidentaux, partagent un regard très sombre sur leur pays et leurs compatriotes. A de nombreuses reprises, quand sont évoquées la perception de l'avenir, le degré de tolérance ou d'intolérance de la société ou encore le niveau des inégalités sociales, le jugement des sondés est presque toujours plus négatif que la réalité. Des éléments qui, combinés à une crise économique persistante et à une méfiance à l'égard des institutions, ont connu des traductions électorales retentissante en 2016 avec l'élection de Donald Trump et le vote en faveur du Brexit.

(1) Perils of Perception 2014

Auteur(s)
  • Guillaume Petit Directeur Corporate Reputation
  • Mathieu Gallard Directeur d'Études, Public Affairs

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