Au-delà des sondages, l'historique du vote et la mécanique des sièges
La série de sondages publiée à l'occasion des municipales aura été l'une des plus impressionnantes de ces dernières années tant par le bouleversement qu'elle décrit que par l'impact qu'elle a entraîné sur le climat de campagne. A ce titre, il est toujours intéressant de s'interroger sur ce qu'il serait advenu de la campagne, de la stratégie des acteurs, de la position de favori des uns et de la perception de la mauvaise campagne des autres, s'il n'y avait pas eu de publication de sondage. On se serait alors attardé sur l'historique du vote parisien de ces dernières années. Même si la question de la surestimation supposée de la gauche reste en suspens, les sondages d'intentions de vote ne font que décrire une tendance électorale qui plaide ces dernières années en faveur de la gauche. De la fin des années 80 aux élections municipales de 1995, la domination de la droite parlementaire a été pour la première fois mise à mal par la bonne santé électorale du Front National. Le double rendez-vous électoral de 1995 constitue la dernière référence dominatrice de la droite chiraquienne. Elle ne peut empêcher la gauche d'entamer alors sa progression, en témoignent les six arrondissements enlevés au 2ème tour. Depuis, c'est une lente érosion à laquelle on assiste. Le rapport entre gauche plurielle et droite parlementaire n'a jamais été aussi proche de l'inversion : 5 points d'écart au premier tour des législatives de 1997, 2,5 points aux élections régionales de 1998, à peine plus d'un point lors du scrutin européen de juin 1999. Bien sûr on objectera qu'un scrutin municipal peut garder sa spécificité, notamment au regard de la capacité de résistance des maires sortants. Mais la tendance est lourde. Paris ressemble d'abord à l'image d'une France urbaine qui depuis 6 ans a vu la gauche progresser. Ses nouveaux habitants, pour beaucoup actifs salariés issus des classes moyennes viennent à la marge renforcer le potentiel électoral de la gauche plurielle. Enfin, et c'est l'une principales inconnues du rendez-vous du 11 mars : plus les affaires seront au cœur du choix des Parisiens, plus le coup de fouet pourrait s'avérer brutal pour la droite, surtout dans l'hypothèse d'une forte abstention d'un électorat RPR-UDF, et au-delà chiraquien, qui, naguère participa au grand chelem de l'ancien maire de Paris (les deux victoires dans les 20 arrondissements de la capitale en 1983 et 1989).
Evolution du rapport de force à Paris depuis 1989
Du fait d'un mode de scrutin certes proportionnel mais qui sur-prime la liste vainqueur dans chaque arrondissement, le total des gains potentiels des XIIème, XIIIème et XIVème arrondissements aujourd'hui détenus par la droite est exactement équivalent au capital dont a besoin Bertrand Delanoë pour obtenir les 19 sièges (+6 dans les XII et XIV et + 7 dans le fief de Jacques Toubon) qui lui permettrait de donner à la gauche la majorité absolue au Conseil de Paris (82 sièges sur 163, contre 63 actuellement à gauche). Si un seul de ces 3 arrondissements décisifs bascule, la droite retrouve toutes ses chances. Jean-François Pernin, Jaques Toubon et Nicole Catala, maires sortants sont bien pour cette raison les acteurs décisifs d'un éventuel sauvetage de Philippe Séguin. La gauche peut en réalité gagner Paris avec au moins deux de ces trois arrondissements dans lesquels elle est devenue majoritaire en voix lors des consultations électorales ces dernières années. Elle dispose en effet d'autres réserves pour rattraper son retard actuel : des victoires possibles dans les IXème, Ier ou IVème arrondissements et même sans prétendre l'emporter dans des quartiers traditionnellement acquis à la droite, elle peut simplement se contenter de récupérer ici ou là quelques sièges consécutivement à sa seule présence au second tour (Vème, VII ème, XIII ème , XVème, XVII ème). Enfin si, au soir du 11 mars prochain, Pierre-Christian Taittinger était lui aussi obligé d'affronter la gauche au second tour dans le XVIème arrondissement, il y à fort à parier alors que tous ces comptes soient superflus : la gauche serait probablement alors en train de gagner à Paris une victoire historique.