Bien-être corporel et image de soi : des adolescents équilibrés et conscients des normes véhiculées par la société

Physionomie du visage, pilosité, développement de la poitrine... En pleine croissance organique, les adolescents sont confrontés pendant plusieurs années à un corps changeant, parfois déstabilisant. L’étude « Bien dans sa tête, bien dans son corps » menée par Ipsos Santé pour la Fondation Pfizer dresse un état des lieux du rapport qu’entretiennent les garçons et les filles de 15 à 18 ans avec leur corps. Voici les résultats de la 3e partie de l’enquête Fondation Pfizer / Ipsos Santé - Vivre son corps et Baromètre Bien-Être.

Auteur(s)
  • Luc Barthélémy Directeur de Clientèle, Public affairs
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Les résultats de cette enquête montrent que 9 adolescents sur 10 s’estiment bien dans leurs corps sans chercher dans leur majorité à le transformer. Quand 52% des garçons font de la musculation, 27 % des filles font des régimes. Sensibles au regard d’autrui et à l’influence socio-médiatique, les jeunes de 15-18 ans voient dans le poids un sujet de préoccupation physique majeur. Plus d’1 adolescent sur 2 (55%) affirment ainsi qu’être mince est essentiel pour eux. Cette tendance se révèle d’autant plus vraie chez les adolescents en situation de mal-être : « l’adolescence est ce continent aux formes non univoques avec à l’un de ses pôles des adolescents bien dans leur peau et heureux, et à l’autre des garçons et filles en détresse, enfermés dans leur corps et prêts à l’abimer », analyse David Le Breton, anthropologue et sociologue, professeur à l’Université de Strasbourg. Le Pr Philippe Jeammet, pédo-psychiatre et Président de la Fondation Pfizer, poursuit : « tout oppose les adolescents entourés, grandissant dans des familles aimantes et ceux délaissés vivant dans l’indifférence, voire la maltraitance. L’adolescence se divise en termes de conditions sociales, culturelles et surtout “affectives”».

DES ADOLESCENTS  QUI SE SENTENT MAJORITAIREMENT BIEN DANS LEUR CORPS

C’est le premier constat positif révélé par le 3ème volet de l’étude Fondation Pfizer/Ipsos Santé dédié au rapport des adolescents avec leur corps. 9 adolescents sur 10 s’estiment bien dans leurs corps, 1 adolescent sur 3 (37%) s’estime même très bien dans son corps. En outre, 77% des adolescents déclarent aimer leur corps, les garçons (84%) encore plus que les filles (69%). Le sentiment de bien-être ressenti par les adolescents va même plus loin pour certains. Spontanément, 40% se déclarent à l’aise avec leur corps, 21% contents, 13% épanouis et 10 % même fiers (14 % chez les garçons). « Nous vivons dans une culture adulescente qui s’est juvénilisée ces dernières décennies », déclare David Le Breton. « Les ados en quête de “trop bien, trop génial” évoluent comme des poissons dans l’eau dans cet univers cocooning qui leur est dédié et que le marketing leur façonne sur mesure. Tout est fait en leur faveur et tourné vers eux, impliquant une certaine forme de narcissisme. Il n’est pas surprenant que la majorité d’entre eux soit bien dans leur peau, dans leur corps et dans leur tête ! ». Il rappelle que « dans notre société, l’enfant tend à devenir unique. Jamais on ne s’est autant préoccupé d’accompagner nos enfants ».

La spontanéité positive et encourageante de la jeunesse reste à nuancer chez une frange d’adolescents qui s’estiment pudiques (25%), complexés (19%), jusqu’à 1 sur 3 (29%) chez les adolescentes ou encore timides (14%). L’estime de son corps se révèle grandement conditionnée par le sentiment de bien-être (1) exprimé par les adolescents. La différence entre ceux qui vont bien et ceux qui souffrent d’un mal être est frappante : 93% des adolescents qui vont bien déclarent aimer leur corps, tandis que seulement 55% des adolescents qui vont mal sont d’accord avec cette affirmation.

LE CORPS, OBJET DE TRANSFORMATIONS ADOLESCENTES OU L’AMBITION D’AFFIRMER VIRILITÉ ET BEAUTÉ

Dans leur majorité, les jeunes de 15 à 18 ans n’imposent pas de transformation à leur corps. La musculation, pratiquée par un peu plus d’un tiers des adolescents (37%) est plutôt une activité masculine (52% des garçons) et l’envie de perdre du poids, exprimée par moins d’un quart des adolescents (23%), se révèle être un souhait plutôt féminin (29% des filles). Selon David Le Breton, « le garçon va chercher à être le meilleur. Il se met à l’épreuve, se mesure aux autres, les défie, affichant des valeurs de virilité. En cela, la musculation joue aujourd’hui un rôle essentiel dans la construction de soi au masculin. En se fabriquant un “surcorps”, sorte de bouclier, on peut conjurer une image de soi parfois dépréciée et négative. Les filles, quant à elles, soucieuses d’être belles, sont attentives à leur corps à l’extrême, prêtes à lutter contre leurs soi-disant kilos en trop. La fille grandit avec le sentiment que sa qualité de séduction ne vaut qu’à travers la qualité de son corps. Ces valeurs de masculinité et de féminité, à nuancer dans la réalité de nos classes sociales et culturelles calquent les différences hommes-femmes rencontrées plus tard dans la société ».

« Bien ou mal dans sa peau », les expériences diffèrent grandement selon le niveau de bien-être. 17% des adolescents qui vont mal ont déjà infligé des scarifications à leur corps, une proportion presque trois fois plus importante que chez l’ensemble des adolescents (6%), 8% ont pris des médicaments pour augmenter leur performances physiques ou intellectuelles (vs 3%), 5% ont vomi volontairement après un repas (vs 2%). « Les jeunes en souffrance vivant leur corps comme un lieu malencontreux qui ne leur correspond pas, veulent soit l’abimer en l’attaquant, le scarifiant, ou en lui imposant des formes de toxicomanie et d’alcoolisation ; soit se réconcilier avec lui en le réparant à travers par exemple le tatouage ou le piercing. Ce genre de modifications corporelles peuvent se montrer efficace pour faire renaître à eux-mêmes certains de nos adolescents qui vont parfois jusqu’à évoquer un rite de passage », déclare David Le Breton. Ainsi, 12% ont déjà fait un piercing (19% des filles contre 5% des garçons), 7 % un tatouage (7% des filles, 6% des garçons). « Pour les adolescents bien dans leur peau, modifier son corps par le tatouage contribue à davantage de mieux-être », souligne-t-il. Quand on s’attache aux pratiques des 17-18 ans, les pourcentages relatifs aux tatouages et piercing notamment se révèlent plus élevés : 13% des adolescents de 18 ans ont déjà fait un tatouage, 21% un piercing contre respectivement 1% et 6% à 15 ans, « probablement parce que les jeunes de cette tranche d’âge gagnent en autonomie, échappent moins à la culture de classe d’âge et sont moins sous l’emprise de l’autorité parentale », analyse l’anthropologue.

LE POIDS, PRÉOCCUPATION CORPORELLE MAJEURE DES ADOLESCENTS

Les adolescents en sont persuadés : pour être bien dans sa tête et dans son corps, il ne faut pas avoir de kilos en trop ! 1 adolescent sur 2 (48%) considère que c’est important (note entre 8/10 et 10/10) et 1 sur 3 (27%) que c’est très important (note entre 9/10 et 10/10). 1 adolescent sur 5 se déclare même obsédé par son poids (22%) et notamment 1 adolescente sur 3 (30%). Dans le détail, 55% déclarent qu’être mince pour eux est essentiel, affirmation partagée aussi bien par les filles (58%) que par les garçons (51%), cette proportion atteignant 66% chez les adolescents avec un niveau de bien-être faible. Cette préoccupation de la minceur se retrouve dans les perceptions que les adolescents ont de leur corps : seul 1 adolescent sur 4 (26%) estime avoir le rapport poids/taille idéal et 7 sur 10 (69%) se voient comme étant plus maigres qu’ils ne le sont. En effet, l’IMC moyen calculé des adolescents est de 20,8, soit un IMC « normal ».

L’influence sociale, marketing et médiatique est clairement évidente pour les adolescents dans sa fonction d’identification des jeunes et dans l’imposition d’une norme physique. 91% pensent que les medias leur imposent une certaine image du corps, cette idée étant encore plus ancrée chez les filles (95%) que chez les garçons (86%). 8 adolescents sur 10 (76%) considèrent même que pour réussir dans la vie il vaut mieux être beau, 20% le pensent tout à fait. Cette affirmation est là encore plus partagée par les filles (81%) que par les garçons (71%). L’image renvoyée à travers son corps est d’autant plus importante qu’elle s’ancre dans la réalité et la réussite sociale et ne se limite plus à une volonté de ressembler aux stars que l’on aime : seuls 18% des adolescents sont d’accord avec cette affirmation. « Un phénomène nouveau a émergé dans les années 80, réévaluant les critères du passé qui valorisait d’autres formes corporelles », explique le sociologue David Le Breton. « Jusque-là, les filles grandissaient sans trop se soucier de leur poids et de leur apparence. Puis le marketing s’est emparé progressivement de l’adolescence, réussissant à convaincre des millions de jeunes que les filles n’avaient de salut qu’en termes de minceur. Nombreuses sont celles à avoir intériorisé l’idée qu’elles ne pouvaient être aimées que suffisamment minces, comme si l’amour était une question de poids ». Il ajoute : « Du côté des garçons, il faut avoir l’air d’un homme, d’un “vrai mec”. Cette forme de virilisme réapparaît notamment chez les adolescents de milieux populaires où les muscles, la violence, le harcèlement deviennent la seule manière de se valoriser souvent en réponse à un échec scolaire ou social radical ».

DE LA « DRAMATISATION » ADULTE : UNE PERCEPTION BIAISÉE DE LA RÉALITÉ ADOLESCENTE

Dans quasiment tous les domaines de l’adolescence les parents voient en leurs ados des individus moins bien dans leur tête et dans leur corps qu’eux-mêmes ne l’avouent. Ils sous estiment leur sentiment de bien-être physique, estimant que seulement 6 adolescents sur 10 se sentent bien dans leurs corps - contre 90% des adolescents l’exprimant-, mais aussi psychologique pensant que seuls 58% des adolescents se sentent bien dans leur tête alors qu’ils sont 92% à le déclarer ! Les questions relatives au poids et à l’image de soi n’échappent pas à ce décalage de perception. 85 % des adultes pensent que les adolescents estiment que pour réussir dans la vie il vaut mieux être beau (vs 76 % des adolescents) ; 80 % qu’il est essentiel pour les jeunes d’être minces (vs 55 %), 69 % que les adolescents sont obsédés par leur poids (vs 22 %) ! Pour David Le Breton, « le surcroit d’attention et d’inquiétude envers les adolescents est d’autant plus exacerbé par la surmédiatisation des faits divers et conduites radicales. Les adultes, à la fois responsables, tuteurs et compagnons de route de leurs enfants craignent de mal faire ou de passer à côté de quelque chose ».

Il poursuit : « Pour trouver un équilibre harmonieux, chacun doit être à sa juste place, les parents d’un côté dans leur rôle d’aînés et d’éducateurs, de l’autre ces grands enfants dans la peau d’individus libres, conscients d’être un parmi d’autres. L’adolescence est ce moment où l’on gagne peu à peu son autonomie mais sans encore suffisamment de lucidité sur toutes les données de la société pour pouvoir assumer aveuglément cette liberté ».

Le Pr Jeammet conclut : « Pour réduire ce décalage de regards parfois excessif et pour encore mieux épauler garçons et filles et notamment ceux en souffrance, adultes et adolescents doivent ensemble tenter de renforcer et améliorer leur dialogue pour analyser, comprendre, orienter, rectifier. Les y aider et trouver des leviers relève de la raison d’être de la Fondation Pfizer à travers les actions concrètes qu’elle mène depuis 10 ans. Continuons à veiller au bien-être de nos jeunes en quête de bonheur, pour les accompagner dan s leur progression de vie au cœur de leur environnement social, affectif, scolaire, médical… »

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Focus sur le Baromètre Bien-Être annuel des adolescents

Dans leur grande majorité, nos adolescents sont positifs ! S’estimant bien dans leur corps (90%), bien dans leur tête (92%) et en bonne santé (93%), les jeunes continuent à surfer sur une vague d’optimisme. Une proportion constante des 15-18 ans exprime cependant toujours un sentiment de mal-être important. Ils sont autour de  16% sans réelle évolution depuis plusieurs années. Dans la continuité des précédentes vagues, les tendances observées depuis 2005 dans le Baromètre Bien-Être des adolescents Fondation Pfizer/Ipsos Santé se confirment, sans évolution significative depuis l’an dernier.
Au pôle positif, 86% des adolescents savent à qui s’adresser en cas de difficultés personnelles, 84% déclarent pouvoir parler facilement avec leurs parents, 72% estiment se sentir bien à l’école et 72% sont le plus souvent satisfaits de ce qui leur arrive.
Reste l’expression de ce monde adolescent aux formes hétérogènes. À l’autre pôle, des adolescents qui vont mal, et qui sont chez les 15-18 ans entre 15 et 25 % selon l’intensité du niveau de mal-être mesuré, expriment des difficultés à aller vers les autres pour 25% (mais en baisse de 5 points). 47% se sentent souvent sous pression et 30% se sentent souvent mal dans leur peau, sans évolution significative par rapport à l’année dernière.
Bien que leur opinion soit exprimée de façon moins négative au fil des années et que l’écart avec l’opinion des adolescents se réduise, les adultes continuent à poser un regard en décalage sur les adolescents, en particulier sur le sentiment de bien-être des jeunes à l’école (43%vs. 72% chez les 15-18 ans) et sur la satisfaction de ce qui arrive aux adolescents (41 % vs. 72% chez les 15-18 ans).

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Depuis 10 ans, la Fondation Pfizer initie et soutient des projets qui donnent la parole aux adolescents, permettant ainsi de faire valoir leurs opinions sur des sujets de santé qui les concernent directement. Initié en 2014 sur les comportements à risque et mené en partenariat avec le Ministère de l’Éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche, « Prévention ados : tout un scénario » en est l’une des illustrations concrètes.
L’édition de cette année a mis l’accent sur la prévention santé des adolescents. Encadrés par une équipe pédagogique, environ (2) 150 élèves de 15 lycées volontaires de 8 académies (3) ont réfléchi et échangé autour du thème « Bien dans sa tête, bien dans corps » décliné en trois sujets de prévention : le sommeil, les relations amoureuses et le rapport au corps. Le fruit de leur travail a donné naissance à des scénarios de prévention, dont 8 ont été présélectionnés et soumis aux votes d’un Jury Adultes et d’un Jury Adolescents.

Parmi eux, 3 ont reçu une mention et 3 ont été plus spécifiquement primés :
Coup de ❤ des jurys : « Les moutons »
Prix des Ados : « Trop tard ! »
Prix des Adultes : « À l’intérieur »

Découvrez leurs réalisations ici.

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Découvrez les résultats de la 2e partie baromètre bien-être des adolescents : l'éveil de la sexualité
 

(1) Par niveau de bien-être on entend le score mathématique (compris entre 0 et10) obtenu par les adolescents suite à leurs réponses aux questions du baromètre de bien-être des adolescents élaboré par Ipsos en partenariat avec l’Inserm et auquel les adolescents répondent chaque année depuis 2005. Chaque réponse donnée à chaque question du baromètre permet d’attribuer des points en positif ou en négatif puis l’addition de ces points permet d’obtenir un score de bien-être pour chaque adolescent regroupé ensuite en tranches : faible, moyen, élevé.
(2) 10 lycéens par lycée environ participent au projet, soit 150 lycéens.
(3) Amiens, Caen, Lille, Lyon, Orléans-Tours, Poitiers, Strasbourg et Toulouse

Fiche technique :
Enquête Fondation Pfizer/Ipsos Santé réalisée en regards croisés auprès de 801 adolescents âgés de 15 à 18 ans et de 802 adultes âgés de 25 ans et plus interrogés par internet du 14 octobre au 23 octobre 2014 et constituant des échantillons nationaux représentatifs des populations interrogées selon la méthode des quotas (données INSEE et de l’Éducation Nationale).

Auteur(s)
  • Luc Barthélémy Directeur de Clientèle, Public affairs

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