Cadres : un malaise tangible

En dépit de l'amélioration de la conjoncture économique, et notamment de la baisse du chômage, l'étude réalisée par Ipsos pour le magazine Rebondir montre que bon nombre de cadres ressentent comme un malaise face à une situation professionnelle qui semble s'être parfois dégradée. Si un mouvement social de renvendication sur leur statut se développait, les trois-quarts d'entre-eux y participeraient.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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Aujourd'hui, près de deux cadres sur troix estiment avoir plus fréquemment qu'avant le sentiment d'être confrontés à "des délais de plus en plus courts entre le moment où on leur demande quelque chose et celui où ils doivent apporter leur solution aux problèmes" (64%). Parallèlement, plus de quatre cadres sur dix ont plus souvent qu'avant l'impression que leur direction "contrôle plus attentivement la rentabilité de leur performance" (44%) ou qu'ils n'ont "pas le droit à l'erreur" (44%). Les cadres interrogés estime encore plus fréquemment qu'ils auront "beaucoup de mal à remplir les objectifs que leur a assigné leur direction". Pour bon nombre de cadres, les conditions de travail semblent donc s'être déteriorées ces dernières années.

Face à l'intensification du rythme de travail, la mise en place des 35 heures ne semble pas apporter de véritable solution. On peut même se demander si, à terme, la réduction du temps de travail n'aggrave pas la situation : seulement 16% des cadres interrogés estiment qu'avec sa mise en place, ils vont travailler moins qu'aujourd'hui. En revanche, 53% pensent qu'ils travailleront autant et 21% considérent même qu'ils seront obligés d'en faire plus... Par ailleurs, les conditions de travail apparaissent aujourd'hui aux yeux des cadres d'autant plus difficiles qu'ils se retrouvent pris entre les feux de leur hiérarchie d'une part, de leur base d'autre part. Ainsi, une large majorité d'entre eux déclare avoir du mal à "comprendre accepter les décisions de la direction qui concernent leur équipe" (62%) et estime qu'il est difficile "d'expliquer et de faire comprendre aux personnes qu'ils encadrent les décisions de la direction qui les concernent" (65%).

Les difficultés semblent encore plus fortes dans l'autre sens, puisque 69% des interviewés ont le sentiment d'avoir plus de mal à "expliquer et à faire comprendre à leurs dirigeants les problèmes auxquels leur équipe et eux-même sont confrontés dans le cadre de leur activité".

Alors même que les cadres sont et restent les intermédiaires entre leur direction et leurs équipes, il semble bien qu'ils se retrouvent de plus en plus isolés, leur rôle de médiateur leur apparaissant tout du moins de plus en plus compliqué à gérer.

Tout n'est pas sombre pour autant. La grande majorité des cadres dit éprouver "souvent" ou "parfois" dans le cadre de leur activité professionnelle de "l'enthousiasme" (87%) et de "la confiance" (86%). Il reste que, parallèlement, émergent de forts sentiments mécontentement: la majorité des cadres déclare ainsi ressentir "souvent ou parfois de la résignation" (51%), du "malaise" (54%), voire même du "ras le bol" (76%).

Si la majorité des personnes interrogées estime que les choses se sont plutôt améliorées sur le plan des responsabilités qui lui sont confiées (49%), a contrario, "l'ambiance de travail" se serait, de l'avis de la majorité, plutôt dégradée (39% contre 22% qui estiment qu'elle s'est plutôt améliorée et 37% que rien n'a changé).

Globalement enfin, sur la plupart des indices de satisfaction professionnelle testés, les cadres considèrent que depuis quelques années les choses sont restées en l'état : que cela concerne "la reconnaissance de leur performance par leurs supérieurs", "les possibilités d'avancement", "l'évolution de leur niveau de rémunération" ou "l'équilibre vie privée, vie professionnelle", c'est à chaque fois le status quo qui emporte la majorité des suffrages. Peut-être que le malaise que vivent aujourd'hui les cadres se trouve ainsi aggravé par ce sentiment de relatif immobilisme.

La notion de "malaise des cadres" n'est pas nouvelle, mais celle-ci était habituellement toujours reliée au temps de travail : les cadres "travaillaient trop", "n'en pouvaient plus" … La situation est aujourd'hui plus complexe, tant les problématiques relatives au statut, à la situation professionnelle de façon plus globale, semblent également entrer en jeu. Même si près de 60% des cadres se déclarent à l'heure actuelle "moins stressés qu'auparavant", plus des trois-quarts d'entre eux prendrait part à "un mouvement social de revendication sur le statut des cadres" s'il se développait. Un tiers y participerait même "certainement". Bien que le marché du travail soit aujourd'hui nettement moins tendu qu'il y a quelques années, le "malaise des cadres" reste donc bel et bien toujours d'actualité.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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