A campagne floue, photo floue

La mobilité électorale au 1er tour, au lieu de s’atténuer, s’accentue et la photo est loin d’être cristallisée même si les seconds tours sont beaucoup plus stables. Tel est l’apparent paradoxe de ces 10 derniers jours.A maintenant 3 semaines du 1er tour, les dynamiques de campagne se font plus nettement sentir. Jean-Luc Mélenchon, comme nous l’indiquions il y a 15 jours, poursuit ce qui s’apparente bien à une véritable dynamique : il se situe maintenant à 14,5% des intentions de vote, sans qu’aucun indicateur ne permette de dire à ce jour si ce mouvement va régresser, se stabiliser ou encore s’amplifier.

Sa popularité progresse également significativement : 45% de bonnes opinions, + 11 points, avec notamment deux points forts, «  a des convictions » (78%) et « dynamique » (68%). Même si sa stature présidentielle reste faible (31% oui, 69% non), le leader du Front de Gauche est en passe de réussir 2 de ses objectifs : être le 3ème homme, devant Marine Le Pen et François Bayrou, et s’imposer comme l’une des clés du second tour. Corrélativement, François Hollande continue à baisser : avec 27,5% des intentions de vote, il est maintenant et pour la 1ère fois dans notre baromètre clairement derrière Nicolas Sarkozy (29,5%). Le candidat du PS ne parvient donc pas à relancer sa campagne et à endiguer la poussée de la gauche radicale. Sa popularité ne baisse que légèrement (52% de bonnes opinions, -3), tout comme la plupart de ses items d’image, mais cette érosion est continue. Face à un Nicolas Sarkozy requinqué, le candidat du PS est confronté à deux difficultés majeures : sur ses propositions, il apparaît trop en deçà de la radicalité de Jean-Luc Mélenchon et ne peut aller sur son terrain s’il veut préserver sa crédibilité. Sur sa personne, il semble moins fort que ses concurrents ou adversaires. Or, l’énergie, le dynamisme sont précisément des items d’image sur lesquels Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy ont clairement l’avantage : 45% des Français pensent que F. Hollande est dynamique, 68% pour Jean-Luc Mélenchon et 76% pour Nicolas Sarkozy. Naturellement, le contexte s’y prête aussi. Avec Toulouse et la menace terroriste, les préoccupations des Français n’ont certes pas basculé et restent centrées sur des thèmes comme l’emploi et le pouvoir d’achat mais le thème de la menace et des « loups qui rodent » a resurgi. On se souvient en effet que G. Bush avait fait produire ce film de campagne montrant des loups qui n’avaient pas disparu, prêts à s’attaquer aux Etats-Unis pour mieux souligner les supposées faiblesses de J. Kerry. Mohammed Mera et les islamistes récemment arrêtés viennent réactiver ce thème du danger et de la nécessaire force dans un monde dangereux. Or, en identifiant la présence de réseaux dormants et d’attentats en préparation, on prolonge et on dépasse la brutalité inouïe de ce qui aurait pu rester un fait circonscrit dans le temps, voué à s’atténuer.    

Nicolas Sarkozy enfin progresse nettement. Avec 29,5% des intentions de vote, il se situe aujourd’hui dans une zone nouvelle, au point haut d’un rééquilibrage attendu dans la zone des 28% / 29%. Cette progression se fait à part égale au détriment de Marine Le Pen (14%) et de François Bayrou (10%), tous deux en baisse. Les entretiens qualitatifs réalisés auprès des changeurs montrent que les électeurs de Marine Le Pen qui se rallient aujourd’hui au Président sortant le font parce qu’ils voient en lui un rempart plus solide que la candidate du FN pour lutter contre l’insécurité et l’immigration. On retrouve ici l’idée de force, voire de virilité - et la difficulté sans doute plus grande qu’a une femme à incarner de telles valeurs dans un électorat très masculin. Parallèlement, les électeurs qui passent de F. Bayrou à Nicolas Sarkozy sont également sensibles au thème de la sécurité mais aussi, à une posture de chef qui défend son bilan bec et ongles.* Le président sortant est donc toujours lesté d’un bilan très majoritairement perçu comme négatif (63%) et son image est toujours mauvaise (41% de bonnes opinions, 58% de mauvaises) mais elle s’améliore de 3 points.

Dans ce contexte, la volatilité du 1er tour est extrême au sein des grandes familles politiques et, au lieu d’évoluer vers une cristallisation, a tendance à s’accentuer. Elle est en revanche beaucoup plus stable quand on raisonne par bloc, que ce soit au 1er ou au second tour. Au 1er tour en effet, la gauche a tendance à progresser et à se situer à un niveau particulièrement élevé : 45% des intentions de vote. Au second tour, François Hollande continue à être invariablement donné comme vainqueur, dans une zone centrée autour de 54%. Nicolas Sarkozy a donc pour l’instant considérablement amélioré son 1er tour et un peu son image. Il n’a pas, ou pas encore, déverrouillé le second. Certes, on constate une amélioration des matrices de reports des électeurs de François Bayrou et de Marine Le Pen en faveur du président sortant. Mais plus on atteint le cœur de l’électorat du Modem et du FN et plus chaque nouveau point est par définition difficile à conquérir. Le match n’est donc joué ni pour François Hollande, qui conserve l’avantage, ni pour Nicolas Sarkozy, en phase de reconquête mais cela est déjà une évolution significative.

Auteur(s)

  • Brice Teinturier, Directeur Général Délégué France, Ipsos
    Brice Teinturier
    Directeur Général Délégué France, Ipsos (@BriceTeinturier)

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