Communiquer à l'ère du numérique : comment émerger dans un univers hyper fragmenté ?
2e table ronde animée par Hélène Delpont, Directrice Générale France d’Ipsos Connect, en présence de Louis Dreyfus, Président du Directoire du groupe Le Monde, Ariel Steinmann, Directrice marketing Banque en ligne BNP Paribas et Hello bank!, et Mathieu Morgensztern, PDG de DigitasLBi France et Europe West.
ÉCONOMIE DE L’ATTENTION : LE MONDE D'EMPLOI
Comme le constate Hélène Delpont, « l'explosion des canaux et des contenus est devenue telle que l'émergence pour les marques, annonceurs et médias, devient une priorité absolue. » Chacun à sa manière dans son contexte propre, tente de relever ce défi. À l'instar du Monde qui met en œuvre un certain nombre de stratégies pour tirer partie de la digitalisation de la consommation des médias. L'exercice pour le grand quotidien relève d'une double problématique, comme le souligne Louis Dreyfus, à savoir de « revendiquer notre identité historique de quotidien de référence, synonyme d'exigence, tout en épousant par l'innovation le mouvement de la digitalisation. Création de nouveaux formats à l'appui tels que « la matinale du Monde »(1), l'édition numérique du journal mise en ligne chaque matin à 7 h. L'application qui a enregistré 300 000 téléchargements confirme « l'entrée dans une nouvelle ère pour le Monde qui devient un quotidien numérique du matin, en plus de sa traditionnelle édition de l'après-midi ». Le Monde cherche en outre à coller aux flux de consommation et à s'adapter aux nouveaux usages en organisant le teasing et la diffusion de l'information (alertes sur réseaux sociaux, etc.). Stratégie payante si l'on en juge par les 160 000 abonnés numériques du Monde et les 10 millions d'internautes qui le suivent régulièrement.
UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RELATION CLIENT POUR HELLO BANK!
Autre secteur, autre approche avec Hello bank!, nouvelle marque de banque en ligne créée en 2013. « Nous avons dû très vite attirer l'attention sur un marché installé avec 4 marques concurrentes très fortes, en proposant une expérience bancaire nouvelle qui réponde à de nouveaux usages, explique Ariel Steinmann. Parmi les valeurs sur lesquelles nous nous sommes appuyés, nous avons mis en avant l'aspect humain. Le client Hello bank! peut ainsi appeler directement son conseiller mais aussi chatter avec lui. Le chat représente ainsi 50% des contacts avec nos clients. » Cette nouvelle approche de la relation client a tenu ses promesses. Deux ans seulement après sa naissance, Hello bank! revendique 100.000 clients en France.
« ÉMERGER DANS LES FLUX, CE N'EST PLUS LA MEME ECRITURE... »
Mathieu Morgensztern, artisan du mouvement opéré par Publicis vers le digital, confirme l'importance du flux, « un sujet encore mal appréhendé par les marques qui pourtant correspond à un usage absolument central des individus quand ils sont dans le digital ». Pour l'expert, à la logique du mode classique d'entrée dans Internet qu'est la recherche, en succède désormais une autre qui passe par ces contenus venant à nous sous la forme de flux défilant sur téléphone mobile. « Le gros enjeu pour les marques est d'émerger dans ces flux, ce qui implique une autre écriture publicitaire, une autre façon d'être pertinent au bon moment. Cela, juge Mathieu Morgensztern, très peu de marques l'envisagent aujourd'hui alors que c'est la question centrale parce que le flux est le temps d'attention le plus important des gens dans le digital. L'autre question à laquelle une marque doit répondre, est de savoir si elle peut elle-même être suffisamment légitime en terme de contenu et de service pour inventer un flux qui sera référentiel sur un territoire ou un sujet donné ».
LA MARQUE GÉNÉRATRICE DE FLUX
Ce changement de registre implique une démarche et un temps très différents de ceux de la publicité traditionnelle. « Ces flux sont porteurs d'insights utilisables pour la création de contenus en temps réel. Il s'agit de raconter à cette audience dans les flux où elle parle, ce que ce produit ou ce service a de plus. En terme d'approche de marque, on est beaucoup plus utile et légitime que dans les schémas traditionnels », estime Mathieu Morgensztern. Le mixage des registres publicitaire et éditorial est une des stratégies appliquées par Hello bank! « Acheter de l'audience ne suffit pas, souligne Ariel Steinmann. Quand on lance une nouvelle marque comme c'est notre cas, il faut construire sa notoriété, et pour ce faire engager le consommateur et les communautés afin de générer de la considération et de la préférence. » Hello bank! s'est ainsi attaché à construire une marque life style en lançant des plateformes de contenu pour aller chercher ces communautés et créer ses propres flux. La régie du Monde explore quant à elle plusieurs solutions pour aider ses clients à travailler ces contenus différemment. Le site http://lesclesdedemain.lemonde.fr/ a ainsi été créé avec IBM afin de filtrer et hiérarchiser les contenus sur des thèmes choisis. « Nous avons des chiffres de fréquentation beaucoup plus importants que ceux auxquels nous nous attendions, confie Louis Dreyfus. L'important avec ce genre d'opération, c'est qu'il n'y ait jamais à aucun moment pour l'utilisateur final un doute sur qui est l’émetteur. La signature doit être bien identifiée à tout moment. » Autre exemple, la création d'opérations directement animées par la rédaction pour susciter le débat, à l'image du Monde Festival(2) qui a drainé 18.000 participants. « C'est une demande forte du public. Grâce à cela le Monde rend service. Et dans ce cas-là, nous avons des personnes qui prennent l'habitude de nous lire, qui voient notre originalité dans le paysage médiatique. C'est un système vertueux », se félicite Louis Dreyfus.
LE CONTENU, UNE PREMIERE MARCHE VERS LE SERVICE RENDU PAR LES MARQUES POUR SE RENFORCER DANS LEUR POSITION DE RÉFÉRENCE ET DÉFENDRE LEUR ASPÉRITÉ
« Chez nous aussi le contenu atteint la frontière du service, constate Ariel Steinmann. Nous avons réalisé cet été une opération de brand content pour démontrer que la banque mobile rend un vrai service au consommateur et va devenir incontournable. » « Célébrons la vie mobile » a généré 10 millions de vues sur Youtube avec un budget limitée(3). « La notion de service, avec celle de flux, est bien l'autre paramètre majeur, conclut Mathieu Morgensztern. Le fait par exemple que les objets se connectent de plus en plus ouvre une opportunité considérable pour les marques. C'est l'exemple de Terraillon(4) qui ne vend plus de produit mais un service à travers ses produits connectés. On redonne ainsi de la valeur à la marque via le couple produit/service. Avec cette notion de service, tout à coup l'audience, c'est l'utilisateur du produit. Le digital, ce n'est pas la moindre de ses vertus, permet en effet cela ».