De la confiance à la défiance : mesurer le risque
Seul un tiers (32%) des 23000 personnes interrogées par Global Advisor déclare faire confiance aux dirigeants des grands groupes pour dire la vérité sur leur entreprise. Ils ne sont que 12% en France ! Et 7 personnes sur 10 (72%) considèrent que leur Gouvernement devrait être plus agressif en matière de régulation des activités des entreprises nationales ou internationales exerçant leur activité sur leur sol. Voici quelques éléments issus de la vague 2 de Global @dvisor, l’outil de veille Corporate développé par Ipsos Public Affairs dans 23 pays.Joachim Soëtard, Directeur du Département Corporate et Stratégies d’Entreprise, nous en dit plus sur cet outil.
En juin 2007, vous nous annonciez le lancement de Global Advisor, nouvel outil d’identification des risques liés à la réputation de l’entreprise. Que mesure exactement cette étude ?
Joachim Soëtard : Global @dvisor®, c’est, en quelques mots, un outil qui combine d’une part des données de cadrage relatives au contexte socio-économique dans lequel évoluent les individus, et de l’autre des éléments qui permettent de comprendre quels sont les enjeux en matière de risque d’image pour les entreprises.
Prenons un exemple très concret pour illustrer cette double approche : le secteur de la grande distribution qui a largement investi dans l’ancienne Europe de l’Est. Pour eux, deux paramètres sont à surveiller. En tant que vendeur de produits ou de biens de consommation, il est nécessaire pour ces acteurs de suivre le moral du consommateur. On est ici dans ce que l’on pourrait appeler une corrélation « mécanique ». Mais parce que ces entreprises sont également des acteurs économiques en situation d’investisseurs dans un pays étranger, d’autres dimensions interviennent dans la perception du consommateur-client : Comment la globalisation – dont je suis de fait un acteur – est-elle perçue ? Quel est le statut accordé aux investisseurs étrangers ? Comment évalue-t-on mon apport en matière de responsabilité sociale d’entreprise ? Nous parlerons ici de corrélation sensible, instinctive.
Et l’on aurait tort de négliger ces dimensions. Lorsque Nokia ferme ses usines allemandes, le boycott de la marque, relayé par le gouvernement allemand lui-même, est la réponse instinctive à une démarche froidement rationnelle, économique. Or Global @dvisor® n’est pas uniquement un outil de mesure de l’ambiance économique et, disons, du rapport de l’individu au monde de l’entreprise. Plus de 30 entreprises sont testées (notoriété et image). Parmi les entreprises françaises, on citera Air France, Airbus, Auchan, Carrefour, Leclerc ou encore Danone. Ces entreprises sont testées en propre, mais également comparativement à leurs principaux concurrents, et plus largement encore en relation avec l’image du secteur économique dans lequel elles évoluent. Si l’entreprise ne prend pas en compte cette dimension liée à la sensibilité, elle met à mal sa réputation. Or la réputation n’est pas un concept purement intellectuel. Même s’il est difficile d’évaluer l’impact économique d’une érosion de la réputation, il est évident que cet impact n’est pas neutre, loin s’en faut. Et il est surtout durable.
C’est justement cet argument d’impact durable qui vous fait préférer le terme « réputation » au terme « image » ?
J.S. : Cette notion de durabilité est fondamentale. Concevoir une opinion publique sans mémoire relève de l’erreur. C’est la raison pour laquelle le concept d’image d’une entreprise est aujourd’hui délaissé au profit de celui de réputation. La réputation prend en compte la dimension historique, mémorielle, là où l’image peut être comprise – et traitée – comme un élément superficiel. Il faut que les entreprises passent d’une gestion de l’image à celle de la réputation, autrement dit qu’elles conçoivent leur réputation comme un capital.
Quels sont les citoyens les plus à même de jouer un rôle dans la construction d’une réputation ?
J.S. : Au sein de la population des interviewé(e)s, nous avons isolé une catégorie spécifique, que nous avons appelé les « news Influencers ». Jeunes, plus éduqués que la moyenne, aisés, ils représentent en moyenne 13% de l’échantillon total. Mais au-delà de ces éléments socio-démographiques, ce sont aussi des « faiseurs d’opinion ». Ils aiment parler politique, économie, entreprises, marques, et exercent une influence directe sur les pratiques de leur entourage proche. Connaître leurs attitudes et leurs comportements, c’est anticiper ce que seront les attitudes et comportements de l’ensemble de la population dans le futur.
Par exemple ils déclarent choisir d’acheter un produit ou un service plutôt qu’un autre en fonction de la réputation éthique, sociale ou environnementale de l’entreprise ou de la marque ; ils sont 43% à juger très importante la dimension « Responsabilité Sociale », au moment de la décision d’achat d’un produit ou d’un service, contre 31% pour l’ensemble des répondants.
Lancement de la prochaine vague de Global @dvisor ® : mars 2008