De la cuisine-obligation à la cuisine-passion ?
Lorsque, à brûle-pourpoint, nous tentons d'imaginer le portrait-type de la personne qui cuisine, nous avons tous plus ou moins tendance à nous attacher à l'image traditionnelle de la femme au foyer. Quand on pense cuisine, on imagine une femme, qui prépare à manger pour son époux et ses enfants, la ménagère pour qui cuisiner n'est pas un vrai plaisir, mais une corvée ménagère, au même titre que le ménage ou le repassage. A l'opposé, on imagine un homme, un grand chef, qui invente, de temps en temps, des plats raffinés.
Où se situe la vérité par rapport à ces clichés, qu'en est-il réellement ? Que représente la cuisine pour les Français aujourd'hui ? Y a-t-il eu une évolution dans la perception de la cuisine, les pratiques culinaires des hommes et des femmes sont-elles vraiment différentes, les jeunes générations cuisinent-elles comme les précédentes ? Ce sont là les questions auxquelles ont essayé de répondre Ipsos et le magazine Cuisine et Vins de France, à travers un sondage consacré " aux hommes, les femmes et la cuisine ".
La cuisine, un facteur de séduction aussi bien féminin que masculin
L'enquête montre clairement que le fait de savoir cuisiner est un atout pour plaire, aussi bien pour les femmes que pour les hommes. En effet, si deux tiers des femmes (67%) affirment qu'un homme qui cuisine est séduisant, le fait de préparer à manger n'est pas pour autant une marque de " ringardise " chez une femme, puisque ce savoir constitue un atout de séduction d'après 69% des hommes.
Si on n'enregistre pas de différences significatives chez les hommes en fonction de leur âge, on constate que 70% des femmes de moins de 35 ans, contre 65% pour les femmes de plus de 35 ans, jugent la cuisine comme un élément de séduction.
Ainsi, si les Français considèrent en grande majorité que cuisiner est séduisant, c'est encore plus vrai des jeunes femmes. L'homme moderne doit savoir partager les corvées quotidiennes. La génération des 25-34 ans, l'âge auquel on est le plus susceptible d'être en couple chez les moins de 35 ans, est d'ailleurs la plus affirmative à cet égard (73% de oui).
Un engouement trans-générationnel
Autre enseignement de ce sondage, les Français aiment cuisiner : en effet, c'est le cas de deux tiers d'entre eux (67%, contre seulement 23% qui sont de l'avis contraire). Ceci est vrai des hommes comme des femmes, même si celles-ci y sont plus enclines (72% contre 61% pour les hommes).
Si l'effet de l'âge ne joue pas sur les femmes, les hommes les plus jeunes sont plus nombreux que leurs aînés à partager cet avis (66% pour les moins de 35 ans, contre 58% pour les plus de 35 ans). Ainsi, ce sont surtout les jeunes générations d'hommes qui se sont mises à la cuisine, les plus âgés restant davantage attachés au schéma traditionnel.
En effet, s'il y a peu de différences entre les deux sexes chez les jeunes qui avouent ne jamais cuisiner (10% chez les hommes de moins de 35 ans, 7% chez les femmes de cette même génération), les hommes les plus âgés sont sensiblement plus réticents à préparer à manger que les femmes du même âge (20% des hommes de plus de 35 ans ne cuisinent jamais, contre 2% seulement pour les femmes de la même génération).
Les jeunes et la cuisine : un intérêt croissant, une approche plus ludique
Les jeunes sont par ailleurs plus nombreux à déclarer qu'ils s'intéressent de plus en plus à la cuisine (79% contre 57% chez les plus de 35 ans), et les hommes sont également plus nombreux que les femmes (70% contre 59%). Le chiffre d'ensemble est d'ailleurs tiré vers le bas par la catégorie des femmes de plus de 35 ans (seules 50% d'entre elles cuisinent de plus en plus, contre 41% qui cuisinent de moins en moins), ces dernières étant celles qui affirmaient précédemment cuisiner le plus régulièrement.
En réalité, à bien y regarder, ce sont les pratiques qui diffèrent en fonction du sexe et de l'âge, plus que l'intérêt pour la cuisine elle-même.
La fréquence de la pratique culinaire est particulièrement éclairante. Si deux tiers des Français (67%) disent aimer cuisiner, moins de la moitié d'entre eux (45%) le fait régulièrement. Or, ceci est particulièrement vrai chez les hommes (seulement 37% d'entre eux cuisinent régulièrement contre 58% chez les femmes, soit une différence de 21 points). Les Français qui cuisinent régulièrement sont en effet surtout des femmes de 35 ans et plus (64%), un chiffre qui contraste nettement avec celui des hommes de moins de 35 ans (29%). De fait, si les hommes paraissent aujourd'hui prendre plaisir à préparer les repas, en particulier les hommes jeunes, cette cuisine est pour eux assez festive, événementielle. En quelque sorte, ils se font plaisir, et conçoivent la cuisine comme un loisir, et non pas une corvée ménagère. La répartition des tâches culinaires demeure donc, au quotidien, plutôt traditionnelle.
Le plaisir de préparer un repas
Quel est le moment préféré des Français dans le processus culinaire ? Cité par 45% des personnes interrogées, c'est le repas lui-même qui arrive en tête du classement. Signalons tout de même que 37% des répondants penchent en revanche pour " la préparation du repas ", 10% pour " le moment du choix des produits ", 7% pour " le moment du choix de la recette ". Au final, plus de la moitié des enquêtés déclarent préférer un moment autre que le repas lui-même. En d'autres mots, ces personnes prennent finalement davantage de plaisir à penser le repas, à le faire, qu'à le manger. Sans doute le désir de faire plaisir aux autres est-il plus fort que celui qu'on se procure à soi-même.
Sans surprise, plus on aime cuisiner, plus on privilégie tout ce qui se situe en aval du repas lui-même : si 67% des personnes qui n'aiment pas cuisiner préfèrent manger, seuls 34% de ceux qui aiment cuisiner et qui le font régulièrement préfèrent le repas lui-même. Pour ces personnes, cuisine n'est pas synonyme de corvée. Quelles que soient les obligations, on cuisine d'abord parce qu'on aime ça.
Quant aux sources d'inspiration pour choisir les recettes, elles sont très variées : le livre de cuisine arrive en tête (27%), suivi de très près par " les recettes inventées partiellement ou en totalité " (20%). Signalons ici que l'invention de recettes est citée par 25% des hommes de moins de 35 ans, ce qui souligne l'importance chez eux de la notion de cuisine-loisir.
De plus, 15% des enquêtés s'inspirent d'une recette lue dans un magazine. Ce chiffre est important, puisque les personnes interrogées devaient citer la première chose qui leur venait à l'esprit, et que la facilité consistait à se positionner sur le classique livre de recettes. Ce sont surtout les femmes qui cuisinent davantage à l'aide d'un magazine (19%), et en particulier les femmes âgées de plus de 35 ans (21%). Pour elles, le magazine arrive juste après le livre de recettes dans cette hiérarchie.
La fréquence de la pratique culinaire est également un élément clivant sur ce point : plus on aime cuisiner, et plus on varie les sources d'inspiration, plus on se permet de la fantaisie. Ainsi le livre de cuisine arrive en tête pour toutes les catégories d'individus (qu'ils cuisinent ou pas, qu'ils aiment cuisiner ou pas), à l'exception des personnes qui aiment cuisiner et qui le font régulièrement, pour qui l'invention de recettes vient en premier dans la hiérarchie, avec 24%.
De cette enquête, il ressort une typologie des pratiques culinaires d'aujourd'hui. La plupart des gens aiment cuisiner, mais les hommes s'y mettent davantage que par le passé ; les jeunes cuisinent plus par loisir, par passion que par obligation.
La jeunesse se fait plus androgyne dans son mode de vie, les hommes n'hésitent plus à s'approprier ce qui faisait auparavant partie de la " panoplie " de la femme accomplie, et ne s'en cachent pas. On peut se demander si cet effet est purement générationnel, et si cette tendance chez les jeunes s'estompera avec l'âge et la prise de responsabilités familiales et professionnelles, mais il est probable qu'il s'agit d'une tendance de long terme.
Quoi qu'il en soit, qu'on soit un homme et une femme, cuisiner est clairement un atout de séduction. Alors à vos fourneaux !