De l’éveil de la sexualité à la rencontre de l’autre : des adolescents amoureux et plutôt sérieux

Les résultats de l’enquête Fondation Pfizer / Ipsos Santé « Bien dans sa tête, bien dans son corps » réalisée auprès de 801 adolescents de 15 à 18 ans révèlent qu’à l’adolescence les relations filles-garçons sont empreintes de sentiments. Même lorsque les adolescents découvrent les plaisirs du corps, cela se fait en gardant le contrôle. 

Auteur(s)
  • Luc Barthélémy Directeur de Clientèle, Public affairs
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Premier constat, 91% des adolescents déclarent que ce n’est pas le sexe qui est important, mais d’aimer et d’être aimé en retour. Deuxième constat, les adolescents ne manquent pas de sérieux : ce qui est important pour eux, c’est de se protéger des MST (76%), de ne pas tomber enceinte ou ne pas mettre enceinte (66%), de mettre des préservatifs (65%). D’autre part, l’amour virtuel que l’on pourrait penser fort présent dans leur quotidien se révèle relativement marginal pour les « digital natives ».
« Le relationnel garde beaucoup d’importance pour les adolescents. Ils restent même très fleur bleue. La façade qui consisterait à “faire comme dans le porno”, cède le pas face à la réalité. Ils ont beaucoup plus envie d’aller à la rencontre de l’autre, même s’ils évoquent souvent que “cela ne sera pas facile” », déclare Laurence Communal, formatrice et référente pédagogique sur l'éducation à la sexualité pour l’Education nationale. « Pour tout être humain, découvrir l’amour est une expérience inédite au cœur de la vie. Les craintes qui peuvent y être liées sont souvent à la mesure de l’attente, mais l’amour reste une rencontre essentielle avec la potentialité fondatrice d’une relation à l’autre », poursuit le Pr Philippe Jeammet, pédo-psychiatre et Président de la Fondation Pfizer.

LES "PREMIÈRES AMOURS" ET LES ADOS / MOTIVATION ET APPRÉHENSIONS

La découverte de l’Amour avec un grand A concerne une large majorité d’adolescents : 78% des jeunes de 15 à 18 ans déclarent être déjà tombés amoureux. Mais ils sont moins nombreux à déjà être allés « plus loin » : 33% déclarent avoir déjà eu un rapport sexuel avec pénétration, l’âge moyen du premier rapport dans cette classe d’âge étant de 16 ans pour les garçons et 15,6 ans pour les filles.[1]

L'AMOUR TOUJOURS...

C’est l’un des faits marquants de l’enquête Fondation Pfizer/ Ipsos Santé : l’amour prévaut! 91% des adolescents déclarent que ce n’est pas le sexe qui est important, mais d’aimer et d’être aimé en retour et 74% qu’il faut être amoureux pour sa première fois. « Les jeunes nous disent ici que la relation d’amour n’est pas l’élément sexuel avant tout », analyse le Pr Jeammet. « En cela, ils expriment qu’elle est une ouverture formidable sur nos attentes et notre intériorité. Pour aller plus loin et derrière tout cela, c’est le petit enfant qui sommeille en nous qui est mis à nu. Les émotions vécues nous ramènent ainsi au plus profond de nous-mêmes. L’expérience amoureuse est tout sauf neutre. »
En pratique, 83% des adolescents déclarent avoir eu leur premier rapport sexuel parce qu’ils étaient amoureux et pour 95% d’entre eux c’est l’envie qui en a été à l’origine. Cette quasi-unanimité reste toutefois à nuancer si l’on s’intéresse aux adolescents qui expriment un niveau de bien être faible[2]. Ceux-là évoquent un premier rapport sexuel soit pour « suivre le rythme » des amis (28%), soit parce qu’ils étaient dans un état second (13%) ou parce que leurs ami(es) les y avaient poussés (13%).
« J’aime assez employer le terme de “sexualisation” qui reflète un processus qui envahit l’ensemble de l’individu, de la tête aux pieds et pas seulement les organes génitaux », déclare Laurence Communal. « A la puberté, les copains et copines deviennent des êtres sexués avec une potentialité de désir et de relations sexuelles, impliquant une difficulté nouvelle pour lier une relation avec l’autre. Le trac entre en jeu ».

…LE SEXE TOUT EN CONTRÔLE

En effet, si les adolescents priorisent majoritairement l’amour dans la relation à l’autre, ils expriment une relative appréhension à la découverte intime de l’autre. Plus d’un tiers d’entre eux (35%) déclarent avoir peur d’avoir des relations sexuelles, qu’ils en aient déjà eu ou non. En outre, la maîtrise de leur sexualité est primordiale. Le sexe, c’est une affaire sérieuse.
Ainsi pour les adolescents, il est important de se protéger des MST (76%), ne pas tomber enceinte si l’on est une fille ou ne pas mettre enceinte si l’on est un garçon (66%) et mettre des préservatifs (65%).

« Dans les séances d’éducation à la sexualité, les filles comme les garçons expriment leur peur de ne pas trop savoir comment s’y prendre. L’autre regarde mon corps, je dois me déshabiller…, la pudeur qui est extrêmement envahissante se voit dans le regard de l’autre. Toutes les inquiétudes autour de l’acte sexuel sont également abordées et questionnées de façon très pragmatique : crainte de la pénétration, préservatif, contraception… Il s’agit ensuite de savoir comment s’approprier les informations reçues au-delà du seul champ biologique. Nous essayons d’accompagner les élèves en ce sens », relate Laurence Communal.

Concernant les pratiques sexuelles, une modification de comportement s’observe chez quelques adolescents depuis une dizaine d’années. « Certains entrent dans la sexualité par des pratiques de fellation », constate la formatrice. « Je suis gênée par la forme de soumission des filles que cette pratique engendre. Elles pensent que cela permet d’entrer dans la cour des grands, qu’il faut le faire à la fois pour leur petit copain, mais aussi pour le garder. Les ados abordent ce sujet très facilement alors qu’on n’en parlait jamais il y a 20 ans ».

Autre évolution peu surprenante, 8 adolescents sur 10 (83%)  pensent qu’il est plus facile aujourd’hui d’avoir un rapport sexuel qu’à l’époque de leurs parents.. Référents, les parents jouent un rôle essentiel auprès de leurs enfants, puisqu’ils arrivent en deuxième position des sources d’information des jeunes (52%), derrière leurs amis (69%) et devant Internet (44%), les professionnels de santé (19%) ou les professeurs (18%). Cependant, l’échange avec les parents concerne moins les adolescents qui ont un niveau de bien-être faible (32%) que ceux qui vont bien (70%). De même, les adolescents avec un niveau de bien-être faible sont plus nombreux à s’informer sur Internet en matière de sexualité (60%).

GARÇONS-FILLES MODE D'EMPLOI : DIFFÉRENCES ET MALENTENDUS

Les adolescents sont au moins unanimes sur une chose : être une fille ou un garçon ça change beaucoup de choses ! Près de 8 adolescents sur 10 (79%) sont d’accord avec cette affirmation. « Il est vrai que les attentes sont différentes », déclare le Pr Jeammet. « Le garçon est beaucoup plus dans l’acte, la décharge, la conquête tandis que la fille est plus dans la réceptivité, l’accueil des émotions. Cette différence est d’autant plus exacerbée que les adolescents ont peur les premières fois de ne pas être à la hauteur, de livrer ce qu’ils ont de plus intime. Cette peur est inductrice de comportements de fermeture qui nous protègent. Elle peut entraîner la déception chez la fille et des réactions violentes chez le garçon, liées au fait qu’il ne puisse pas y arriver ».
Dans le détail, les filles et garçons de 15 à 18 ans expriment leurs différences sur leur appréhension de l’amour et leur rapport au sexe. Elles et ils pensent que :

Aujourd’hui 1 adolescent de 15 à 18 ans sur 3 (33%) déclare avoir déjà eu un rapport sexuel avec pénétration. Cela concerne 38% des garçons et 27% des filles. Les adolescents associent fortement le 1er rapport sexuel à l’amour : 83% déclarent avoir eu leur premier rapport sexuel parce qu’ils étaient amoureux, sans différence significative entre les garçons (79%) et les filles (88%) ou simplement parce qu’ils en avaient envie pour 95% d’entre eux (98% pour les garçons et 92% pour les filles).
1 adolescent sur 4 (24%) déclare cependant avoir eu un premier rapport sexuel pour parce que c’est quelque chose qu’il faut avoir fait à leur âge et 14% voulaient « suivre le rythme » et ne pas être en retard par rapport à leurs amis. Une proportion qui passe à 28% chez les adolescents avec un niveau de bien-être faible.

ZOOM SUR L'AMOUR VIRTUEL : LES ADOS À TRAVERS LE PRISME DES ADULTES ET DE LA SOCIÉTÉ

Alors que la montée en puissance de l’hypersexualisation de la société et de la pornographie pourrait laisser imaginer des pratiques de « digital sexe » intensives chez  les adolescents, les chiffres tendent à prouver le contraire. Une distorsion se dessine entre le vécu exprimé par les adolescents et la pensée des adultes. Dans le détail :

  • 26% des 15-18 ans ont déjà vu des films pornographiques, contre 51 % des adultes qui le pensent
  • 22% ont déjà envoyé des sextos[3] versus 47 % des adultes
  • 6 % ont déjà échangé des photos/vidéos sexys, versus 30 %
  • 1% a déjà fait une sextape[4] versus 17 % des adultes qui le pensent !

L’attitude des garçons vis-à-vis du digital sexe se distingue aussi de celle des filles par un niveau de pratique plus élevé. Elles et ils ont déjà :

L’imaginaire adulte a tendance à  surestimer les pratiques des jeunes. Cette « dramatisation » se révèle d’autant plus étonnante que les adultes eux-mêmes déclarent avoir peu recours à ce type de pratiques sexuelles : 19% d’entre eux ont déjà envoyé des sextos, 5% ont déjà réalisé une sextape. Selon le Pr Jeammet, « le décalage entre l’imaginaire et la réalité exprime une inquiétude plus générale de la part des parents qui ne maîtrisent plus le comportement de l’adolescent qui leur échappe. Il est normal qu’ils s’interrogent et cherchent à freiner leurs enfants, mais en même temps les jeunes doivent pouvoir s’exprimer. Ce jeu est assez naturel : les parents perdent la maîtrise, mais cela n’empêche pas qu’ils restent importants aux yeux de leurs grands enfants. »
Il conclut en apportant son point de vue sur l’espace digital. « Celui-ci a ouvert des horizons considérables sur le plan des rencontres et du sexe, potentiellement sans limite. L’un de ses dangers majeurs réside dans l’illusion de maîtrise qu’il donne, car nous ne sommes pas dans la rencontre directe avec l’autre. Ce qui est envoyé et diffusé peut être utilisé n’importe comment. Il est normal que les parents s’en inquiètent, mais en même temps il ne faut pas diaboliser à outrance. Nous devons en parler, dédramatiser et aider les jeunes à conjurer les risques. »


[1] Rappel : l’âge médian pour le premier rapport sexuel est de 17,4 ans pour les filles et de 17,6 ans pour les garçons (source : INED 2010, adolescents de 18 à 24 ans)

[2] Par niveau de bien-être on entend le score mathématique (compris entre 0 et10) obtenu par les adolescents suite à leurs réponses aux questions du baromètre de bien-être des adolescents élaboré par Ipsos en partenariat avec l’Inserm et auquel les adolescents répondent chaque année depuis 2005. Chaque réponse donnée à chaque question du baromètre permet d’attribuer des points en positif ou en négatif puis l’addition de ces points permet d’obtenir  un score de bien-être pour chaque adolescent regroupé ensuite en tranches : faible, moyen, élevé.

[3] Texto à caractère sexuel

[4] Vidéo érotique ou pornographique amateur

Auteur(s)
  • Luc Barthélémy Directeur de Clientèle, Public affairs

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