Des publicités très « tendances »

Comme chaque année depuis plus de 20 ans, Ipsos ASI vient de dévoiler le palmarès de la publicité, qui couronne les campagnes de publicités télé et affichage qui ont le plus marqué les Français. Marie-Odile Duflo, directrice générale d’Ipsos ASI, décrypte ce palmarès.

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Le grand prix Ipsos a été attribué à Orangina, pour le film où les animaux parodient la publicité. Les Français ont récompensé l’audace du décalage, dans ce film qui se moque des autres registres publicitaires (lessives, déodorants…). Jouant également la carte du second degré, les spots foot et rugby pour les paris en ligne du PMU prennent la seconde place du classement. Dans un style diamétralement opposé, le choix de Bonduelle de se situer dans la véracité, au cœur de la vie des gens, est également gagnant : ses scénettes de la vie familiale complètent le podium.

En affichage, la première place revient à la campagne Mc Do et principalement à  son affiche « Astérix », un rien provocatrice : le petit gaulois face a l’empire américain Mc Do. Plus classique, l’image épurée et esthétique de la pub Lancôme pour le parfum Trésor est récompensée par une deuxième place. Enfin troisième, l’affiche de la Vache Qui Rit traitée en « 3D » marque un changement d’image réussi ; ce n’était pas évident, on touchait quand même à une icone...

Ipsos a également cette année attribué un prix spécial « jeunes », récompensant la campagne Haribo pour les fraises Tagada. Produits « doudou » de l’enfance, phénomène de l’adulescence... En télé comme en affichage, ces publicités ont obtenu des scores exceptionnellement hauts sur la cible des 18-35 ans.

Ce palmarès s’inscrit-il dans la continuité des précédents, ou marque-t-il au contraire une rupture avec les deux dernières années de crise ?

Si le terme de rupture est sans doute un peu fort, on a tout de même l’impression que la crise est moins présente, ou qu’en tous cas on cherche à relâcher quelque peu la pression. On note un retour au positif dans les comportements, qui se traduit par une sorte de lâcher prise dans la pub. Kinder maxi nous envoie dans les nuages, Coca Cola fabrique du bonheur, Suchard nous promet carrément un moment torride. On cherche à respirer (Décathlon), on plébiscite le calme et la lenteur (TGV)... On assiste à l’émergence d’une nouvelle tendance à la déconnexion, au retour du plaisir. Après deux ans de crise le consommateur se sent moins coupable, et veut profiter davantage. Il n’hésite plus à reprendre le contrôle, revendique une certaine liberté vis-à-vis des marques. Dès lors celles-ci ont du s’adapter à cet ajustement des comportements.

La rupture est peut-être plus net au niveau du ton employé par les publicitaires. Alors que l’année dernière on misait plutôt sur l’authenticité et la simplicité, la tendance est aujourd’hui au ton critique, décalé, à la distanciation. Là encore la crise est passée par là, et cette tendance résonne avec la façon dont les gens se sont détachés petit à petit des institutions, ont descendu les autorités de leur piédestal. Prenant le contre-pied du sens populaire, la pub PMU n’hésite ainsi pas à désacraliser les sportifs. Dans le même esprit, le spot Orangina se pose en complet décalage, s’autorisant à tourner en dérision la pub elle-même.

En marge de ces deux nouvelles tendances une troisième se confirme, le vintage, dans la continuité de ce que nous relevions déjà l’année dernière. Toujours mainstream, un certain nombre de publicités surfent avec réussite sur la nostalgie : Fraises Tagada, Bic avec Eric Cantona, France Soir qui décline le thème des 50’s, voire MacDo/Astérix. Le retour en arrière est peut-être une autre façon de se cacher la crise, que l’on ne retrouve finalement que dans les publicités jouant sur les ajustements de consommation et le moindre gaspillage (cf. Leclerc qui décline le concept de discount intelligent).

La crise n’aura donc finalement pas freiné la créativité des publicitaires ?

Non, au contraire. On est toujours étonnés, les lauréats de cette année prouvent une nouvelle fois que les marques savent prendre des risques et que les agences ne connaissent pas de limite à l’imagination. L’investissement créatif est toujours très présent mais doit s’exercer et s’adapter à un consommateur multimédia, multi-visions, de plus en plus avide de nouveautés.

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