En tweetant, les politiques se dévalorisent

Alors que Cécile Duflot dit vouloir freiner son usage du réseau social, en raison des insultes reçues, deux spécialistes de l'opinion analysent l'impact des réseaux sociaux et de la « twittomania » sur l'image de la classe politique.

Depuis que les réseaux sociaux sont entrés dans la vie des politiques, certains de ces nouveaux moyens sont devenus de véritables outils de communication. La ministre Cécile Duflot vient d'expliquer sur Twitter qu'elle freinait ses interventions à cause d'une multiplication d'insultes auxquelles elle ne souhaite pas prêter attention. Christine Boutin, ex-présidente du Parti démocrate, lui a répondu en estimant qu'elle était «trop sensible». Mais quelle image de telles discussions ou commentaire publiés en cascade sur Twitter donnent-ils de la vie politique?

«Les hommes et les femmes politiques suivent la mode et la tendance» explique Stéphane Zumsteeg, directeur du département Opinion chez Ipsos. Il estime que de tels instruments, avant d'être une «nouvelle façon de faire de la politique», seraient plutôt de «véritables accélérateurs de gaffes et des couacs, ministériels ou autres.» En observant qu'une grande partie de la classe politique semble céder à la tentation des réseaux sociaux et à l'image «jeune» qu'ils véhiculent, le spécialiste souligne également la même tendance du côté des professionnels de l'information: «Un certain nombre d'observateurs politiques, journalistes ou autres, semblent rivés sur la moindre petite phrase. C'est d'ailleurs presque pour cela que l'on va sur Twitter aujourd'hui. On y cherche plus le bon mot que des idées de politique générale.» 

Twitter ou la négation de la politique

Il est sans doute difficile de mesurer l'impact du spectacle permanent offert par Twitter sur l'opinion. Mais on peut se demander, en ces temps de forte abstention et de grande méfiance des électeurs vis-à-vis du monde politique, si la place accordée à ces modes d'expression brève et superficielle, n'est pas finalement un facteur aggravant. La question est encore plus aigüe si l'on imagine que l'opinion est sans doute en droit d'attendre, de la part des politiques, un niveau de débat plus élevé sur des questions complexes de société. La brièveté du tweet n'est-elle pas finalement une forme de négation de la politique? «Les gens qui suivent ces tweets politiques sont déjà politisés, souligne Stéphane Zumsteeg, mais cela concourt à désacraliser l'image des responsables politiques qui sont dans la réflexion. Ces politiques, devenus des gens comme les autres, cèdent eux-aussi à la petite phrase.» L'analyste reconnaît ainsi un affaiblissement de la parole politique en devinant une disparition du «respect de la parole ou de l'intelligence.»

«Pessimisme record»

Selon Stéphane Rozès, directeur du cabinet CAP (Conseils, Analyses, Perspectives), cette tendance place le personnel politique dans «l'instantanéité et l'immédiateté.» Au-delà du risque de se «laisser submerger par l'émotion», le chercheur remarque que l'usage de ces médias sociaux provoquent une «dévalorisation symbolique» car selon lui, le politique semble être lui-même une variable du présent alors que le pays aspire au contraire à pouvoir être éclairé et porté par le politique.

«Le danger essentiel est la perte de perspective et de projection, précise Stéphane Rozès, cette inversion des choses explique notre pessimisme record. Les individus ont le sentiment que la France n'est pas maîtresse de son destin.» En une décennie, le spécialiste se dit également «frappé par la perte de réflexion du point de vue de la stratégie politique.» Son constat est accablant pour ceux qui nous gouvernent et pour la classe politique dans son ensemble: «L'Etat est plus dans l'instant et le «comment» alors que le pays attend le «pourquoi».

Enfin, les médias n'échappent pas à la critique du directeur de CAP: «Ce qu'est devenu le journalisme politique, sous la pression des chaînes continues d'information et des réseaux sociaux, entretient et accélère l'inquiétude des Français.»

Source : Le Figaro.fr - 28/10/2013 

Auteur(s)

  • Stéphane Zumsteeg - Directeur Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
    Stéphane Zumsteeg
    Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

Articles liés

  • Ipsos | Sun'Agri | Agrivoltaïsme
    Energie Evènements

    Événement 24/02 | Ipsos et Sun'Agri au Salon de l'Agriculture 2025

    A l'occasion du Salon de l'Agriculture, Ipsos et Sun'Agri présenteront les résultats du Baromètre Agrivoltaïsme 2025.
  • Ipsos partenaire du Forum du Commerce Durable
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 21/01 | Ipsos partenaire du 1er Forum du Commerce Durable 2025

    Le mardi 21 janvier, le Palais de la Bourse à Lyon accueillera la première édition du Forum du Commerce Durable. Cet événement rassemblera 250 marques et plus de 50 experts du commerce durable. Ipsos, partenaire de l'événement, tiendra à cette occasion une conférence sur l'accompagnement stratégique en matière de développement RSE et business.
  • Ipsos Médias en Seine
    Société Evènements

    ÉVÉNEMENT - 14/01 | Ipsos partenaire de Médias en Seine 2025

    Ipsos participe à la 7ème édition de Médias en Seine qui se tiendra le 14 janvier à la Maison de la Radio et dans les locaux des Echos-Le Parisien. Cet événement rassemble experts, journalistes et spécialistes des médias pour débattre autour des enjeux du secteur. Cette année, le thème "Médias : l'ère des défis" interroge ses acteurs sur le rôle qu'ils jouent dans les dynamiques démocratiques, économiques et technologiques.