Entre contraintes et volontarisme, quel rêve français ?
La France traverse une crise économique d’une intensité jamais connue depuis l’après guerre. Elle limite – c’est indiscutable – les marges de manœuvre de l’exécutif. Près de dix mois après le changement de majorité, cette situation conduit à s’interroger sur la capacité des pouvoirs publics à améliorer la situation du pays. Mais au-delà de ce débat, quelle doit être la direction à prendre pour la France ? Comment concilier les attentes de la population et œuvrer à la mise en place d’un modèle de société dans lequel chacun se retrouve ? Et quels sacrifices les Français sont-ils prêts à consentir pour y arriver ? Autant de questions auxquelles l’enquête réalisée par Ipsos apporte des éléments de réponse.
Si une majorité de Français est circonspecte, nombreux sont ceux qui continuent de croire que la politique peut améliorer les choses en profondeur.
Nouvelle illustration de la crise de confiance que traverse actuellement la société française : pour près d’une personne interrogée sur deux (47%), la politique ne peut pas changer grand-chose à la situation générale du pays. Dans le contexte actuel, ce résultat était attendu. Pour autant, il est frappant de constater que sur cette même question, près d’un tiers des Français (30%) affirme que la politique peut améliorer les choses en profondeur (le quart restant - 23% - se positionne sur l’item médian : la politique peut améliorer les choses, mais seulement à la marge).
Toute une partie de l’opinion publique française continue donc de nourrir des attentes à l’égard de la politique. Pour beaucoup, l’action publique peut changer les choses dans de nombreux domaines. Elle peut améliorer le système éducatif (pour 49%), le système de santé (pour 48%), la situation en matière d’insécurité et de délinquance (pour 46%) ou le financement des retraites (pour 42%).
Les domaines économiques, qui sont pour des raisons évidentes au cœur des préoccupations de la population, ne sont pas en reste. 35% des Français pensent que la politique peut améliorer les choses en profondeur en matière de pouvoir d’achat (contre 30% seulement qu’elle ne peut pas faire grand-chose). C’est également très équilibré en ce qui concerne le chômage : pour 32%, l’action politique peut changer la donne dans ce domaine, contre 34% pour qui elle ne peut pas faire grand-chose.
Forte insatisfaction à l’égard de l’exécutif. A droite, on pense que l’opposition ferait mieux. A gauche, on doute.
La situation économique de la France renforce les attentes de la population. Et dans ce contexte, le sentiment que l’exécutif ne fait pas face à l’enjeu est dominant et traverse l’ensemble des catégories de la population. Pour 63% des Français, la situation du pays s’aggrave depuis le changement politique intervenu en France en mai 2012, contre 33% pour qui elle ne change pas vraiment et seulement 4% qu’elle s’est améliorée. Parallèlement, un tiers des Français (33%) pensent que l’opposition ferait mieux que le gouvernement actuel.
Dix mois après le changement de majorité, le doute semble s’être emparé des sympathisants socialistes. Une nette majorité d’entre eux (57%) pensent que depuis mai 2012, la situation de la France ne change pas vraiment. A l’opposé, les sympathisants de l’UMP sont unanimes. Pour eux, la situation de la France s’aggrave (à 95%) et l’opposition ferait mieux que le gouvernement actuel (à 82%).
Les Français sont prêts à accepter des sacrifices pour améliorer la situation, mais en désaccord sur le modèle de société à privilégier
Pour redresser la situation du pays, les Français sont prêts à faire des efforts. Les actifs surtout. Même si l'on sait combien il faut prendre avec prudence de telles déclarations d'intentions, il n’en reste pas moins qu’ils se disent prêts à accepter d’avantage de flexibilité sur le marché du travail (à 64%), à renoncer à 3 ou 4 jours de congés payés par an (à 57%) ou à travailler jusqu’à 65 ans (à 46%). A gauche, on est également prêt à partager son travail avec ceux qui n’en ont pas (72% au Front de Gauche, 59% au PS, mais seulement 40% à l’UMP et 24% au FN). En revanche, l’opinion n’est pas du tout prête à accepter des mesures qui menaceraient son pouvoir d’achat. 84% des personnes interrogées refusent une baisse de 10% de leurs revenus et 85% rejettent une augmentation de 10% des impôts et des taxes.
L’opinion serait sans doute davantage prête à accepter ces sacrifices si elle était mobilisée dernière un projet politique commun. Or, les Français sont loin d’être unanimes sur ce point. A droite, on valorise une société qui permet à chacun de s’élever par le travail et le mérite (58% de citations chez les sympathisants de l’UMP, 50% au FN, mais seulement 33% au PS et 30% au Front de Gauche) et qui préserve ses valeurs et son identité (36% de citations à l’UMP et 49% au FN, contre seulement 18% au PS et 13% au Front de Gauche). A gauche, on met en avant une société plus humaine, moins dominée par les valeurs marchandes (64% de citations au Front de gauche, 50% au PS, mais seulement 23% à l’UMP et 19% au FN) et une société qui protège des risques liés au chômage, à la maladie et à la vieillesse (46% de citations au Front de Gauche, 44% au PS, et seulement 27% à l’UMP).
C’est sans doute le principal enseignement de l’enquête : les aspirations de l’opinion sont aujourd’hui extrêmement fragmentées et les Français ne semblent pas en mesure de se rassembler autour d’un projet politique commun. C’est pourtant une condition nécessaire au redresser du pays.