Et si on faisait quelque chose de nos bonnes résolutions ?
C’est l’histoire habituelle des résolutions de la nouvelle année.En plus d’arrêter de fumer et de faire un peu plus de sport, un consommateur se dit que c’est aussi le moment de faire des efforts pour mieux acheter et consommer : en faisant bien sûr attention aux prix mais aussi, lorsque cela est possible, en achetant plus local, plus bio, plus propre, moins empaqueté,… Cause toujours ?
Pas si sûr. A la fin 2008, alors que le monde sombrait dans la crise, nos analyses soulignaient l’envie d’une consommation plus raisonnable et mesurée, cristallisée par les événements : bien sûr l’inquiétude sur le pouvoir d’achat et les incertitudes financières dominaient, mais alors qu’un système s’écroulait, le retour du bons sens, de la mesure était flagrant dans les intentions du consommateur. Malgré des évidences multiples, on trouvait encore des analystes critiques sur cette thèse qui n’aurait été que l’écume boboïsante et outrée d’une consommation dont les fondamentaux ne pouvaient au fond que très peu bouger : si le prix est juste, la force des marques, destinée à attiser l’envie et le plaisir individuels de consommer, s’imposerait à tout comportement intégrant une quelconque dose d’intérêt collectif.
Le 31 décembre, la campagne de l’enseigne Système U[1] est venue montrer que de grandes enseignes nationales prenaient désormais à leur compte des préoccupations élargies sur la façon dont on consomme. Et avec du très concret. Dans nos observatoires, nous constatons que les consommateurs se sont un peu mis à distance des discours sur le développement durable, pour l’essentiel par manque de solutions concrètes et accessibles et pas par antipathie pour la cause. Ils ne veulent plus porter seuls le poids des efforts à faire. Alors quand une enseigne, plutôt en expansion, propose les « moyens de faire » et pas seulement une injonction à faire, on peut s’attendre à ce que cela fasse mouche. Sous le thème « faire baisser les prix est-ce forcément renoncer à nos valeurs ? », l’enseigne système U propose des adaptations de son offre : favoriser des entreprises locales, favoriser des projets pour l’emploi, développer l’agriculture responsable et les productions bio en allant chercher les produits à la source, travailler avec des matières premières éco-gérées, louer des véhicules électriques, donner une alternative à tous les produits controversés (aspartame, bisphénol A, huile de palme)… Ces adaptations sont évidemment pertinentes, car elles permettent à chacun de choisir, la conscience environnementale (au sens large) étant maintenant disponible sur les rayons, et à prix juste !
Cette campagne presse assez spectaculaire pose au moins deux grandes questions. La première est-celle du passage à l’acte. Pas celui du distributeur, faisons lui crédit d’honorer sa promesse, mais celui du consommateur. A la condition que tout cela se fasse en maîtrisant les prix, ce qui fait partie du « deal », les consommateurs favoriseront-ils effectivement, consciemment et significativement les produits ainsi mis en avant ?
Dans l’affirmative, la seconde question concerne la capacité des marques nationales et internationales à s’adapter à cette nouvelle donne. Pour certaines, travailler « local » relèvera de la gageure. Pour d’autres, la remise en cause de process industriels installés peut s’avérer complexe et peut-être coûteuse. Evidemment, dans cette adaptation de l’offre, Système U favorisera ses marques de distributeurs et on risque ainsi de voir s’amplifier la lutte entre MDD et marques nationales, mais cette fois sur un terrain plus large que celui du prix.
Au final, cet exemple illustre le pouvoir marketing de la distribution. L’assortiment peut lui aussi être porteur de valeurs et d’engagement, au-delà du prix, et ne laisse plus le monopole du sens à la marque des produits. Un équilibre intéressant à observer en 2012.
Bonne année à toutes et à tous.
1. Voir par exemple Le Monde du 31 décembre 2011