Etats-Unis : Al Gore contre George W. Bush
Les votes du Super Tuesday ont confirmé les enquêtes des instituts de sondages. Al Gore chez les Démocrates et George W. Bush chez les Républicains se disputeront la présidence des Etats-Unis
Les sondages n'ont pas été démentis par les électeurs. Il n'y a pas eu, comme l'espérait John Mc Cain de retournement de situation de dernière minute. George W. Bush est bien le grand gagnant du "Super Tuesday". Il bat son rival dans neuf des treize Etats où se déroulaient des primaires républicaines, et dispose à présent d'une confortable avance sur Mc Cain, qui devrait lui assurer l'investiture du parti républicain pour briguer en novembre prochain la présidence des Etats-Unis. Bush a remporté hier les primaires les plus importantes. En Californie, l'Etat le plus convoité, il bat son adversaire de près de 25 points (60%, contre 36% pour Mc Cain), et emporte ainsi les 162 délégués dédiés au vainqueur. A New York, où les deux protagonistes étaient au coude à coude d'après les sondages, Bush gagne avec huit points d'avance (51% contre 43%). Bush triomphe encore avec plus de vingt points d'avance dans les Etats du Middle-West (Ohio, Missouri), et dans le seul Etat du sud qui votait hier, la Géorgie. Le héros de la guerre du Vietnam ne parvient finalement à l'emporter que dans quatre Etats de Nouvelle-Angleterre (Massachussetts, Connecticut, Rhode Island, Vermont).
Les sondages sortis des urnes donnent à penser que John Mc Cain a payé cher sa fin de campagne plus agressive. Alors que depuis le début il basait son discours sur une ligne morale et éthique (il a commencé sa campagne en critiquant l'opacité du financement de la campagne électorale), son discours des dernières semaines est devenu plus polémiques, envers la droite chrétienne notamment et son rival (il a traité de "force du mal" deux leaders de la droite chrétienne Pat Robertson et Jerry Falwell). Ce changement de conduite a, semble-t-il, surpris les électeurs. A New York par exemple, quatre électeurs sur dix ont déclaré que les déclarations de Mc Cain sur les deux prêcheurs ont influencé leur vote, au moins "quelque peu". D'autre part, la moitié des électeurs républicains de l'Ohio ont trouvé injustifiées les dernières attaques de Mc Cain envers George Bush, contre un tiers seulement des électeurs qui ont jugé exagérés les propos de Bush sur Mc Cain.
Le fils de l'ancien président a su profiter des dérapages du sénateur de l'Arizona pour rassembler autour de sa candidature le cœur de l'électorat républicain. Les deux tiers des électeurs "conservateurs" ont finalement choisi Bush plutôt que Mc Cain. Ce dernier n'a vraiment bénéficié que du soutien des électeurs "indépendants" ou "modérés", qui n'étaient pas invités à voter dans les primaires les plus importantes (Californie et New York notamment). En revanche, la réussite de Bush est éclatante, même dans des Etats où l'issue du scrutin était incertaine. Dans l'Ohio et le Missouri par exemple, "W" a réussi à séduire tous les groupes démographiques. Il sort vainqueur chez les femmes, les hommes, les jeunes, les vieux, haut et bas niveaux d'étude.
Quelle que soit la stratégie qu'adoptera Mc Cain, le calendrier des prochaines primaires, et notamment le déroulement prochain d'élections au Texas et dans le Sud, est favorable à Bush. Ce dernier ne semble d'ailleurs pas se faire beaucoup de souci, puisqu'il semble d'ores et déjà avoir changé d'adversaire. Après avoir commenté sa victoire, le gouverneur du Texas n'a pu s'empêcher de s'en prendre au vainqueur chez les démocrates Al Gore, marquant ainsi le début d'une nouvelle campagne.
Al Gore sera en effet son adversaire démocrate pour la Maison Blanche. Le Super Tuesday n'a fait que confirmer un succès attendu devant un pâle Bill Bradley. Al Gore l'a emporté dans toutes les primaires depuis le début de la campagne, à chaque fois avec une avance confortable. Il a gagné avec plus de trente points d'avance à New York, (où Bradley jouait pourtant dans l'équipe de basket), et dans le Missouri (où Bradley est né et a grandi). Al Gore a devancé son rival chez tous les groupes démographiques (hommes/femmes ; Noirs/Blancs…) et a remporté toutes les primaires. Bill Bradley devrait dans les prochaines heures annoncer son retrait de la course à l'investiture démocrate.
On s'achemine donc vers un duel Bush-Al Gore pour la Maison Blanche. La lutte s'annonce particulièrement serrée. Le dernier sondage du Wall Street Journal donne les deux hommes à égalité, avec 46% des intentions de vote. Les premières déclarations agressives de Bush envers son adversaire après les résultats des primaires laissent déjà présager de l'âpreté du débat. "Gore est le candidat de l'immobilisme ", a-t-il lancé. Nul doute que l'actuel vice-président des Etats-Unis lancera, aussi, quelques flèches empoisonnées à celui qui est désormais son seul véritable adversaire.
Dans tous les cas, le réseau Internet sera fortement surveillé le jour de l'élection générale, le 7 novembre prochain. En toute illégalité, des sondages "sortis des urnes" ont été diffusés hier sur plusieurs sites web, bien avant l'heure de fermeture des bureaux de vote. Les résultats partiels des élections ("the worst kept secret in politics"), distribués régulièrement aux organes de presse pendant la journée mais censés rester secrets jusqu'à la fermeture des bureaux de vote sont apparues entre autre sur le site Drudge Report, spécialisé dans les rumeurs. Pour l'heure, cependant, aucune plainte officielle des différents candidats n'a été déposée.