Etudes de lettres : on reparle du marché du livre
Sophie Martin est une lectrice assidue avec, précise-t-elle, « une préférence pour la littérature anglo-américaine… quand elle est bien traduite ». Sophie Martin est surtout Directeur Général du département Culture d’Ipsos MediaCT, qui réalise chaque semaine des classements des meilleures ventes de livres. Parlons donc chiffres.
Quels sont les livres que vous nous conseillez d’emporter en vacances ?
Sophie Martin : Notre rôle n’est pas de prescrire des ouvrages. Nous pouvons en revanche vous indiquer les livres les plus vendus qui ont les meilleures chances d’être mis en évidence dans les rayons. Vous échapperez difficilement à L’Elégance du hérisson de Muriel Barbery (Gallimard), aux derniers romans de Marc Levy (Toutes des choses qu’on ne s’est pas dites, éd. Robert Laffont) et d’Anna Gavalda (La Consolante, éd. le Dilettante). Le roman de Katherine Pancol, La Valse lente des tortues, sorti chez Albin Michel, est très bien parti, à l’instar du dernier roman policier de Fred Vargas (Dans les bois éternels, éd. Viviane Hamy). Ensuite, il faudra attendre les sorties littéraires à la mi-août pour voir comment le classement des meilleures ventes peut évoluer.
Sur quels panels vous appuyez-vous pour déterminer chaque semaine les classements des meilleures ventes de livres ?
S. M. : Nous utilisons un panel distributeur large et dispersé. Nous travaillons en continu avec 1 500 points de vente de livres - sur les 25 000 à 30 000 existants en France. Notre échantillon regroupe 500 librairies professionnelles auxquelles s’ajoutent les grandes surfaces spécialisées (GSS) telles que la FNAC, Virgin, etc…, plus les hypermarchés et supermarchés. Il faut savoir qu’un livre sur quatre est vendu en grande distribution. Aujourd’hui, un hypermarché Carrefour, c’est 30 000 références de livres !
Comment collectez-vous les données ?
S. M. : Nous travaillons en direct avec les centrales d’achat qui nous fournissent un relevé complet des codes barres des livres vendus dans la semaine dans chaque magasin. Nous recueillons également les données aux sorties de caisse des librairies. Un système rapatrie automatiquement les ventes tous les lundis pour nous permettre de fournir les données statistiques aux maisons d’édition. Nous fournissons également ces chiffres aux libraires et aux distributeurs pour leur permettre d’effectuer leur réassort avant le samedi qui est le plus gros jour de ventes de la semaine.
« Un livre sur quatre est vendu en grande distribution »
Ces résultats sont-ils médiatisés ?
S. M. : Nos classements des meilleures ventes de livres sont publiés chaque semaine dans les pages du Nouvel Observateur et de Livre Hebdo, le magazine destiné aux libraires, aux bibliothèques et aux éditeurs.
La publication des classements a-t-elle une influence sur les ventes ?
S. M. : C’est certain mais nous ne sommes pas les seuls à proposer un classement. Vous avez également celui qui est réalisé par l’institut Gfk pour le Figaro Magazine ainsi que le palmarès Tite-Live publié dans l’Express. Encore que ce dernier ne soit réalisé qu’à partir des ventes en librairie alors qu’un quart des livres aujourd’hui est vendu en grande distribution et 30 % en GSS.
Les différents classements se recoupent-ils ?
S. M. : On voit des ouvrages qui sont très bien classés dans le palmarès de l’Express et plutôt mal chez nous. Or il est impossible que ces ouvrages là nous aient échappés. Comme ils n’ont pas pu échapper à notre confrère Gfk. Le classement Tite-Live est sans aucun doute le plus fragile du lot. Il fait néanmoins encore autorité parce qu’il est le plus ancien.
« Nous mesurons les ventes aux sortie des caisses. »
Le classement est-il unique ?
S. M. : Nous rangeons les livres par catégories : poche, beau livre, jeunesse, parascolaire, etc. 12 segments sont ainsi analysés chacun en termes de volume, de valeur, de date de parution et de genre (cuisine, bricolage, pratique…).
Est-ce qu’un succès littéraire peut se prévoir ?
S. M. : Rien n’est jamais sûr. « Avoir recours au marketing dans l’édition, c’est faire du marketing fantasmatique », ironisait un jour un éditeur. Les professionnels sont, c’est vrai, régulièrement surpris du succès comme de l’échec d’un livre ou d’un auteur. Le bouche à oreille peut donner des résultats magnifiques. Voyez la réussite de la trilogie Millenium du suédois Stieg Larsson (dont vient de paraître chez Actes Sud le 3ème volume, La reine dans le palais des courants d’air, ndlr). Cela étant, il y a des rythmes dans ce marché. Des rythmes qui sont parfaitement respectés depuis la dizaine d’années que nous les étudions. Vous avez, par exemple, un pic de ventes à la fête des mères suivi d’un autre un peu moins haut à la fête des pères. La courbe peut remonter en novembre si le Goncourt a du talent. Mais le grand rendez-vous, c’est à la fin de l’année puisque 20 % des ventes ont lieu pour les fêtes de Noël.
Cela représente combien de livres vendus chaque année en France ?
S.M. : On atteint bon an mal an les 300 millions d’exemplaires. C’est un marché assez stable mais qui dépend de plus en plus des best-sellers.