Europe : le soutien à l'Union l'emporte sur la souveraineté nationale

A partir de jeudi, les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, rejoints par les représentants des dix futurs membres, vont tenter pendant trois jours, à Salonique, d’effacer leurs divisions et de panser les plaies laissées par les six mois de crise irakienne, tout en donnant un nouvel élan à la construction européenne avec la présentation d’un projet de constitution. A cette occasion, IPSOS et LE FIGARO MAGAZINE ont souhaité interroger les Français sur l’Europe, cerner la façon dont ils envisagent et souhaitent voir évoluer la construction de l’UE, son élargissement et son mode de fonctionnement.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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Des Français encore partagés sur les modalités de la prise de décision au sein de l'Union européenne mais qui se montrent de plus en plus attachés à un renforcement des pouvoirs de l'Union au détriment de la souveraineté nationale

La crise irakienne et les déchirements qui en ont résulté entre les grandes capitales européennes sont-ils en train de pousser les Français à de plus en plus considérer qu'il faut désormais privilégier la voix de l'Union à celle de la souveraineté nationale ? C'est la question que l'on peut se poser au vu des résultats de l'enquête. Alors qu'en mai dernier ces derniers étaient encore très partagées sur les modalités de la prise de décision au sein des instances européennes, on observe aujourd'hui un léger décalage de l'opinion au bénéfice d'un système où les décisions seraient prises à la majorité des Etats membres, même si cela signifie dans certains cas que la France pourrait se trouver en minorité. Entre mai et juin, le camp de ceux soutenant le système de la majorité à gagné 6 points (54% contre 48%). A l'inverse, les Français ne sont désormais plus que 41% à dire préférer que les décisions soient prises à l'unanimité des Etats membres, même si cela risque de les bloquer ou de les retarder (contre 46% en mai). On retrouve là encore les clivages traditionnels quand sont abordées les questions relatives à l'avenir de l'Europe : les hommes, les cadres supérieurs, les hauts revenus et les personnes ayant suivi des études supérieures se révèlent plus favorables que les autres au système majoritaire.

La majorité des Français estime même aujourd'hui que le système de la majorité doit être préféré à celui de l'unanimité dans la plupart des domaines, que ce soit en matière de politique culturelle (64% préféreraient que les décisions soient prises à la majorité), fiscale (58%), étrangère (56%), d'immigration (56%), de défense (54%) ou encore en matière de mondialisation (52%).

Autre illustration de ce phénomène, l'enquête IPSOS / LE FIGARO MAGAZINE mesure également un léger décrochage de l'attachement des Français à la souveraineté nationale. Certes, la majorité estime toujours qu'il faut maintenir la souveraineté de la France même si cela doit conduire à limiter les pouvoirs de décisions de l'Europe (49%) mais le camp de ces défenseurs enregistre une baisse de 4 points par rapport à novembre 2000. A l'opposé, 44% des personnes interviewées considèrent aujourd'hui qu'il faut renforcer les pouvoirs de décision de l'Europe, même si cela doit conduire à réduire la souveraineté de la France (+ 5 points par rapport à novembre 2000). Logiquement, on note que les sympathisants de la gauche parlementaire se montrent toujours plus favorables au renforcement des pouvoirs de décisions de l'Europe (53%) que ceux de droite (44%).

L'élargissement de l'Union Européenne, une décision de plus en plus approuvée mais qui ne bénéficie toujours pas à la Turquie

L'élargissement de l'Union Européenne à 25 membres en 2004, à la suite de l'adhésion de 10 nouveaux Etats membres ne semble pas être aujourd'hui un motif d'euroscepticisme pour les Français. 64% d'entre eux approuvent cette décision (contre 56% en décembre 2002). A l'opposé, la proportion de personnes interviewées estimant que c'est une bonne chose est plutôt en diminution (33% contre 39% en décembre 2002). Reste que même si le niveau d'approbation vis-à-vis de l'élargissement est aujourd'hui en augmentation, ce " mouvement " ne bénéficie pas à la Turquie puisque comme en décembre 2002, les Français restent majoritairement opposés à son adhésion à l'Union Européenne et ceci, dans des proportions identiques (56% en décembre 2002 comme en juin 2003). Ils ne sont aujourd'hui que 38% à être favorables à son entrée et, parmi eux, seulement 8% y sont tout à fait favorable.

Dans un tout autre domaine, un an après sa circulation, l'adoption de l'euro n'apparaît pas non plus comme un motif d'euroscepticisme dans l'esprit des Français. 73% d'entre eux estiment désormais que c'est une bonne chose (dont 31% considèrent même que c'est une très bonne chose) tandis qu'à l'opposé 26% pensent que c'est une mauvaise chose.

La Constitution européenne, un texte qui pour la majorité devra avoir une force juridique supérieure à la Constitution française

Majoritairement, les Français estiment que si une constitution européenne était adoptée, son contenu devrait être au-dessus de la loi fondamentale française (60%). Seulement 32% des personnes interviewées s'y disent opposés. Reste qu'il convient de nuancer quelque peu ces résultats puisque dans le même temps, seulement 12% des Français disent savoir aujourd'hui ce que propose Valéry Giscard d'Estaing dans son projet. Les autres, avouent en avoir entendu parler mais ne pas en connaître le contenu (42%) ou ne pas en avoir du tout entendu parler (45%). C'est donc essentiellement sur l'idée d'une Constitution européenne et de sa force juridique et non pas sur son contenu que les Français se sont prononcés.

En revanche, ils se montrent beaucoup plus partagés sur la nécessité d'organiser un référendum quant à l'adoption de cette Constitution européenne, idée notamment défendue par Valéry Giscard d'Estaing. Si 44% des personnes interrogées considèrent que c'est indispensable, 45% estiment que c'est souhaitable mais pas indispensable, tandis que 9% pensent que ce n'est pas nécessaire. On note que les personnes défendant l'idée de l'adoption par référendum sont aussi plus fréquemment des personnes défavorables à l'élargissement (50%).

Défendre leurs idées en Europe, une tâche que les Français ne confieraient pas en priorité aux hommes politiques de l'hexagone

Lorsque l'on demande aux Français à qui ils feraient le plus confiance pour défendre leurs idées en Europe, ces derniers citent d'abord, loin devant tous les autres, Valéry Giscard d'Estaing ex æquo avec Jacques Delors (35%). Il semble que les Français privilégient aujourd'hui les hommes politiques ayant ou ayant eu de fortes responsabilités au sein de l'Union Européenne pour aller soutenir leurs opinions sur la scène européenne. Les autres, et plus spécifiquement les leaders politiques des grands partis nationaux se retrouvent loin derrière. François Bayrou et José Bové arrivent en troisième et en quatrième position (avec respectivement 21% et 19%) devant Alain Juppé (16%), François Hollande (15%), Jean-Marie Le Pen (11%), Jean-Pierre Chevènement et Arlette Laguiller (10%) et enfin Philippe Seguin (8%).

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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