Extrême-droite : Jean-Marie Le Pen domine Bruno Mégret

Les enquêtes d’opinion indiquent qu’une majorité des sympathisants du Front national ont actuellement l’intention d’être fidèles à Jean-Marie Le Pen et de ne pas suivre Bruno Mégret. Mais la scission du Front national risque de coûter électoralement cher à l’extrême-droite.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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La scission en cours au Front national sonne-t-elle le glas d’une extrême-droite électoralement influente ? La réponse à cette question cruciale est loin d’être assurée tant sont nombreuses les inconnues engendrées par la guerre sans merci que se livrent désormais Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, et mouvante la situation sur ce flanc de l’échiquier politique.

C’est ainsi que les enquêtes d’opinion peuvent se succéder sans se confirmer en tous points. La dernière en date, celle de l’institut CSA Opinion pour " Libération " (1), met l’accent sur la fidélité lepéniste de l’électorat FN. Avec 10% d’intentions de vote contre 4%, la liste conduite par le leader historique de la formation d’extrême-droite écraserait celle emmenée par Bruno Mégret. D’après cette enquête, les deux-tiers des sympathisants ou électeurs du FN demeureraient fidèles, lors du prochain scrutin européen, à Jean-Marie Le Pen. Le président du Front enfoncerait son ancien second dans les catégories traditionnellement les plus favorables au FN : 11% contre 6% chez les hommes, 15% contre 4% chez les 18-24 ans, 15% contre 3% chez les ouvriers, 14% contre 4% chez les non diplômés et enfin 12% contre 3% dans la tranche des plus bas revenus. Sommé de choisir entre une liste Le Pen et une liste Mégret, le noyau de l’électorat frontiste obéit au " fuhrerprinzip ". L’ancien délégué général du FN réalise ses meilleurs scores chez les employés (13%), les agriculteurs (9%), et dans la tranche des revenus la plus élevée (7%). Mis en concurrence avec Le Pen, sa force de frappe électorale semble faible auprès de la cible de l’électorat populaire et protestataire attiré, ces dernières années, par le FN.

Comparée à l’enquête précédente du même institut, les deux listes d’extrême-droite ne perdraient que deux points (14% contre 16%) par rapport à la liste unique Le Pen testée en novembre. Rien n’est toutefois figé. Ce sondage a été réalisé alors que l’éclatement du FN devenait inévitable mais avant qu’il ne soit véritablement acté. Mégret et certains de ses partisans n’ont été exclus du Front que le 23 décembre 1998, soit au lendemain du dernier jour de cette enquête. Il est probable que la réalisation concrète de la scission suivie d’un affrontement fratricide pendant la campagne électorale nuiront aux deux listes d’extrême-droite.

 Une enquête antérieure, réalisée auprès des sympathisants du FN par la Sofres pour " le Nouvel Observateur " (2), montrait que cette violente division risquait de coûter cher à l’extrême-droite. A l’époque, seulement une moitié de proches du Front croyait en son futur éclatement. Mais 41% d’entre eux envisagaient, dans cette hypothèse, de " voter pour une autre liste " plutôt que de soutenir Le Pen (31%) ou Mégret (16%). Notons cependant que 70% des " électeurs réguliers " du FN se déclaraient déjà disposés à suivre le président-fondateur. De même, une nette majorité (58%) de ces fidèles se sentaient plus proches de Le Pen que de Mégret alors que les " électeurs occasionnels " du FN se montraient nettement plus partagés. La division devrait faire perdre au Front une bonne partie des électeurs qui, sans être convaincus par ses thèses, pouvaient à l’occasion se laisser séduire par cette formation.

Cela ne signifie pas que l’extrême-droite va disparaître subitement du paysage politique. Une enquête Sofres-" Figaro Magazine " (3) montre que 61% des sondés pensent que " cette crise n’entraînera pas la fin du Front national ". D’après 54% des sympathisants du FN interrogés, c’est Le Pen qui devait sortir " vainqueur " de son affrontement avec Mégret (sur lequel ne misaient que 35%). L’épreuve de vérité des élections européennes se présente visiblement mal pour l’ancien numéro deux du FN. Mais cela ne signifie aucunement que ce parti ne souffrira pas de la guerre intestine dans laquelle il s’est engagé.


Fiche technique :

1975 électeurs interrogés du 18 au 22 décembre.
300 électeurs tout à fait ou plutôt d’accord avec les idées du FN interrogés du 10 au 12 décembre.1000 personnes interrogées les 11 et 12 décembre

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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