Face au pouvoir, l'opinion en ébullition

L'enquête Ipsos-Le Monde réalisée suite à la nomination de Dominique de Villepin à la tête du gouvernement révèle surtout une défiance de l'opinion face au pouvoir politique. 80% de ceux qui ont vu ou entendu parler de l'intervention de Jacques Chirac lundi soir n'ont pas été convaincu. La nomination du Premier ministre est majoritairement désapprouvée, et l'échec dans sa capacité à redonner confiance aux Français est anticipé par 57% sondés, et 49% des proches de l'UMP. Quant à la gauche, la majorité des Français, des électeurs du Non, des sympathisants socialistes, et même des sympathisants socialistes qui ont voté Non ne souhaitent pas que Laurent Fabius remplace François Hollande comme premier secrétaire du PS.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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A la lecture du sondage Ipsos-Le Monde, on pourrait presque dire que les Français ont jugé la réponse du Président de la République à la victoire du Non hors sujet. Près de 80% des Français qui ont vu ou entendu parler de son intervention mardi soir ne l'ont en tous cas pas trouvé convaincant. La critique est partagée par les deux tiers des électeurs du Oui, par 86% des personnes ayant voté Non, et même par une nette majorité des proches de l'UMP (58%).

L'arrivée de Dominique de Villepin à Matignon se fait ainsi dans un climat d'opinion particulièrement tendu, et sans le moindre état de grâce. Avant même de commencer, la désapprobation de sa nomination l'emporte sur les avis contraires (40%, contre 36% d'approbation et 24% qui ne se prononcent pas). Comme on pouvait s'y attendre, les reproches sont majoritaire chez les sympathisants de la gauche parlementaire (PC-PS-Verts), chez les salariés, et plus largement chez ceux qui ont voté Non. Mais la répartition des réponses selon le niveau de revenu révèle également une majorité de mauvaises opinions dans les catégories plus aisées de la population (46 et 48% dans les deux tranches supérieures, contre 34% d'approbation).

Malgré une popularité plutôt bonne pour le nouveau Premier ministre, surtout comparée à celle de l'Exécutif, (47% d'avis favorables dans la dernière vague du baromètre Ipsos-Le Point, contre 33% d'avis contraire), les Français n'y croient plus. Près de 60% doutent que Dominique de Villepin réussisse "au cours des prochains mois à redonner confiance aux Français". Là encore, le scepticisme est particulièrement fort dans les catégories favorisées en terme de revenu ou de niveau d'études (65% dans les foyers dont le revenu mensuel net est supérieur à 3000€, 70% chez les personnes dont le niveau d'études est "au moins bac +3"). Les avis sont tout juste équilibrés chez les sympathisants UDF-UMP (47% parient sur la réussite, 48% sur l'échec).
Le peu d'enthousiasme qui accompagne cette nomination provient sûrement aussi du décalage entre ce que les Français souhaitent concernant l'évolution de la politique économique et sociale, et ce qu'ils anticipent. Alors que deux personnes sur trois revendiquent un changement "en profondeur", seulement une personne sur cinq y croit ; 33% pense que Dominique de Villepin va "poursuivre la politique menée par Jean-Pierre Raffarin", ce que personne n'espère, et 36% qu'il va simplement "lui donner une nouvelle impulsion", conformément au souhait de seulement 27% de l'échantillon.

Par rapport à la méfiance entourant l'arrivée du Premier ministre, le retour de Nicolas Sarkozy ressemblerait presque à un plébiscite, au moins chez les sympathisants de droite. Avec 83% d'approbation chez les proches de l'UMP, et tout de même près de 40% chez les sympathisants de gauche, le total sur l'ensemble de l'échantillon est favorable (56%, contre 34% d'avis contraire et 10% qui ne se prononcent pas). Mais là encore, le doute subsiste quant à la capacité des deux hommes à s'entendre (43% pensent que oui, la même proportion pensent le contraire).

Dans un tel contexte, plus de 40% des interviewés, la majorité des ouvriers (52%), et les deux tiers des sympathisants de gauche, auraient préféré que le référendum du 29 mai se solde par "une dissolution de l'Assemblée Nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées" (51% d'avis contraire)
Ce qui n'aurait pas forcément simplifier la situation à gauche. Malgré la nette victoire du Non, la majorité des proches de la gauche parlementaire et des sympathisants socialistes ne souhaitent pas que Laurent Fabius devienne secrétaire du PS à la place de François Hollande. Cette avis est majoritaire sur l'ensemble des Français, dans toutes les catégories socio-démographiques testées, quelle que soit la proximité partisane des répondants, et jusque chez les sympathisants socialistes qui ont voté Non dimanche dernier.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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