Génération amnésique ?

Sommes-nous en train de perdre la mémoire ? En tout cas, les produits et les services censés stimuler l’activité cérébrale se multiplient. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. 5 millions d’unités du programme d’entraînement cérébral du Docteur Kawashima, ont été vendues en Europe par Nintendo en 2007, dont un million en Grande-Bretagne. Dans ce pays, seul FIFA 2008 a réussi à battre le Docteur Kawashima !

Après les 6 millions écoulés au Japon, c’est une belle réussite. Et les innovations apparaissent un peu partout. Citons, pêle-mêle : l’huile Isio Memo de Lesieur, Méno Mémo de Physcience (complément alimentaire « spécifique femme 40+ » est-il écrit sur l’emballage), Adapto-Cébral, complément alimentaire à prendre avant les examens pour augmenter ses capacités de concentration et de mémoire… Il existe même désormais des entreprises de service chargés de vous rappeler les dates clés de votre quotidien (anniversaires, rendez-vous importants, etc.) et un nouveau volume de la collection pour « les nuls » vient de sortir :
« améliorer sa mémoire ». Tout le monde s’y met.
Que se passe t-il ? Vieillissement accéléré de nos sociétés ?

Pour y voir plus clair, Global Life Stages, l’étude sur les modes de vie et de consommation dans le monde que vient de mener Ipsos Marketing, tente de répondre aux questions suivantes : Combien de gens sont concernés ? S’agit-il seulement d’un phénomène « senior » ?
8000 interviews ont été conduites on-line dans 8 pays (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis, Japon et Chine) auprès d’un échantillon représentatif des populations nationales.

Premier enseignement : la proportion de gens concernés par ces problèmes, sans être majoritaire, n’est pas négligeable. En effet, 32% des personnes interrogées avouent avoir « du mal à se concentrer longtemps sur la même activité ». Le Japon et la Grande Bretagne arrivent en tête (avec respectivement 36% et 35%). La France et l’Allemagne recueillent les scores les plus faibles (23% et 22%). Il n’y a pas de différences significatives selon le sexe : hommes et femmes sont également concernés par le manque de concentration. En revanche, l’analyse par classes d’âge révèle une tendance intéressante : c’est la jeune génération qui est particulièrement touchée. Ainsi 47% des lycéens et 41% des étudiants reconnaissent avoir des problèmes de concentration ! Après 30 ans, le chiffre passe à 30% et après 60 ans, il tombe à 28%. Cette donnée contredit l’hypothèse selon laquelle ces marchés seraient avant tout des marchés seniors. C’est presque l’inverse qui est vrai !

Si l’on se projette dans l’avenir et que l’on analyse les craintes sur ces sujets, on notera que la même proportion, 28%, a peur de ces problèmes de concentration et de perte de mémoire. Les femmes sont plus inquiètes que les hommes (30% vs. 25%), notamment les 20-24 ans mais aussi les 60-64 ans. Ces chiffres peuvent paraître modestes en valeur absolue. Ils ne le sont pas en vérité. Sur une liste de 26 maladies ou problèmes de santé, les problèmes de concentration et de mémoire se situent en seconde position au Japon (derrière le cancer) et en troisième aux Etats-Unis (derrière le cancer et la maladie d’Alzheimer). Dans les pays européens, ils atteignent la 5ème place en Grande Bretagne, en Allemagne et en Italie. Autant dire qu’ils font partie des préoccupations de santé majeures aujourd’hui.

On comprend mieux dans ce contexte la multiplication des offres qui leur sont destinées. Une tendance qui pourrait s’accentuer dans les années qui viennent. La poursuite de la fragmentation de l’offre de culture et de media ou l’usage croissant d’Internet risquent de favoriser le phénomène. Rappelons que le « copier coller » est une pratique de plus en plus en vogue dans les écoles. D’ailleurs, les logiciels existent déjà qui permettent aux professeurs de déjouer les petits malins…


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