Histoires de banques

Dans un contexte de défiance vis-à-vis des institutions financières, qui pèse sur la relation au client, à quels types de discours les banques et organismes financiers ont-ils recours ?

Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect
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Vous distinguez deux catégories d’annonceurs : les banques et organismes financiers institutionnels, d’une part, et virtuels, d’autre part. Usent-ils des mêmes leviers publicitaires ?

Le type de discours va être différent du fait même que le client ne se situe pas à un niveau identique dans la relation à sa banque. Par ailleurs, en parallèle de l’émergence des banques virtuelles, les communications bancaires ont évolué. On peut distinguer chez les banques institutionnelles trois principaux types de discours. Le premier d’ordre émotionnel, parfois dramatisant, est fait pour rassurer. C’est le cas d’AXA et de sa campagne sur le retour d’hospitalisation. Le second illustre une relation facilitée avec un client valorisé. C’est le crédo de LCL avec son offre de contrat de reconnaissance qui met le client au centre de la relation. C’est vrai aussi du Crédit Agricole et de sa saga du banquier chanteur. L’analyse du discours de fond montre que l’on essaie toujours de remettre le client au centre, de lui proposer des choses rassurantes, des produits en adéquation avec les difficultés financières d’aujourd’hui. On reste dans un cadre créatif avec un territoire de communication fort, qui décliné, permet de survivre à cette crise.

Que faites-vous de Sofinco et sa signature : « La vie a parfois besoin d’un crédit » ?

C’est une communication qui marque une certaine rupture et la volonté pour un organisme de crédit de communiquer, de plaire et de parler sur un ton émotionnel. Jusqu’ici l’organisme de crédit, c’était souvent la mise en avant d’un taux ; il n’y avait pas de volonté affichée de séduire. Or Sofinco a été l’un des premiers à atteindre, sur nos critères d’agrément, des scores dignes d’autres catégories de produits alors que traditionnellement, l’organisme de crédit est accueilli plutôt frileusement.

Quelle autre forme de discours voit-on ?

Il y a des discours de rupture, tel le discours onirique développé par la Banque Populaire à travers sa saga publicitaire sur les contes, ou le CIC qui s’est très habilement déconnecté de l’offre traditionnelle en se lançant dans la téléphonie mobile. Cela leur permet d’avoir d’autres opportunités de communication à leur disposition.

C’est un peu surprenant de parler d’onirisme. Les banques n’ont rien de doux rêveurs...

C’est vrai mais on est loin du discours des années 80-90 ou « l’argent » était au cœur du propos. Souvenez-vous de campagnes du type « Votre argent m’intéresse ». Aujourd’hui, on parle « d’Homme à Homme ». Le banquier et la relation au client sont au centre à travers du conseil, du soutien, de la connivence.

Et du côté des banques virtuelles ?

Là encore, les axes de discours sont multiples. On peut discerner les cas où le client prend le pouvoir. Pas de structure classique à subir : ce sur quoi jouent des acteurs comme Monabanq ou Binck Bank à l’opposé du banquier à l’ancienne. Pas de frais appliqués : c’est le message d’ING Direct. Dans d’autres cas, on mise sur l’argument low cost. C’est la banque la moins chère avec Boursorama, ou le « arrêtez de banquer » de Fortuneo. Enfin, on assiste à l’apparition de nouvelles marques déculpabilisées dans la relation à l'argent. C’est le cas d’ING Direct et de BforBank,

Ces discours sont-ils toujours bien perçus par les Français ?

La crise a clairement impacté l’opinion qu’ils ont de la publicité du secteur. Nous observons ainsi une baisse tendancielle de nos normes d’agrément depuis le début de la dépression. Á tel point du reste, que nous avons été amené à concevoir une « norme crise » spécifique. Cela étant, certains acteurs parmi ceux dont nous avons parlé ici présentent un niveau qui se maintient très bien. Cela s’explique par le fait que leur communication date de bien avant la crise, leurs territoires de communication étaient très établis et la crise n’a pas forcément beaucoup impacté leur façon de communiquer. Reste qu’effectivement l’érosion de cet agrément sur le secteur des banques est un effet direct de la crise financière et de la défiance à l’égard des institutions. Je note par ailleurs que la pression publicitaire dans le secteur ne se dément pas. Les banques n’ont pas arrêté de communiquer avec la crise.

La défiance dont vous parlez affecte-t-elle autant les banques spécialisées ?

Il faut rappeler qu’elles sont la plupart du temps des émanations des banques institutionnelles comme c’est le cas de LCL Banque Privée ou de BforBank lancé par les caisses régionales du Crédit Agricole. On a ici affaire à des acteurs qui ont besoin de se faire leur place rapidement en répondant à une demande émergente, en marge des banques généralistes mais dans un contexte où les frais bancaires se doivent d’être transparents. Ces besoins, quels sont-ils ? De la souplesse, de la personnalisation, de la rapidité et du low-cost.

Ce qui se traduit par ?

Tout le travail de communication de ces nouveaux acteurs, est de se montrer à la fois différent, déculpabilisant et surtout rassurant pour le consommateur. Ils doivent rassurer parce que, dans le cas des banques en ligne, il n’y a pas de personne physique en face de vous. D’où le fait de voir émerger des communications telles que celle de Monabanq (1) où l’on joue sur un argument de non disponibilité du banquier traditionnel. D’autres vont plutôt miser sur les frais bancaires. C’est le cas de Fortuneo et de son claim « Arrêtez de banquer » (2). On a également ING Direct qui fait remarquer sans détours : « Payer pour son fric, c’est pas logique » (3). Sur BforBank, c’est l’idée que l’on est jamais mieux servi que par soi-même avec « Ma banquière, c’est moi » (4). Ces communications ont ceci d’intéressant que l’on n’hésite pas à jouer les codes du haut de gamme. Or ce qui pourrait apparaître comme antipathique ou même dangereux pour une banque traditionnelle en temps de crise, est ici valorisé. On est totalement décomplexé.

Et ça plaît ?

On est sur quelque chose qui plaît beaucoup à la cible concernée mais qui peut parfois déplaire lorsque l'on cherche à élargir son public. Ce parti pris de communication, à la fois rupturiste, audacieux, interpellant, est important car il faut se différencier. Mais il comporte comme toujours une prise de risque. Le tout est de savoir si on l’assume ou pas.

  1. http://blogopub.tv/monabanq+camera+cachee+banque
  2. http://www.votreargent.fr/services-bancaires/fortuneo-vous-offre-votre-carte-bancaire_116178.html
  3. http://www.strategies.fr/actualites/marques/109607W/ing-direct-se-met-en-frais.html
  4. http://www.dailymotion.com/video/xbficd_bforbank-publicite-2009-ma-banquier_creation
Auteur(s)
  • Hélène Delpont Directrice Générale, Ipsos Connect

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