Hollande s'érode mais reste au centre du jeu
La grande enquête réalisée par Ipsos pour Le Monde, La Fondation pour l’innovation politique, la Fondation Jean-Jaures et le CEVIPOF auprès de 6000 électeurs constitue une mine d’informations venant compléter les nombreuses autres études existantes. Elle permet de faire le point sur les forces et les faiblesses de François Hollande, au-delà des commentaires médiatiques qui jamais, s’agissant des rapports de force, n’ont été aussi éloignés des réalités.
La domination de François Hollande dans l’opinion est en effet extrêmement forte. En termes de popularité, il l’emporte ainsi très nettement sur tous ses autres concurrents ou adversaires. 60% des Français ont une bonne opinion de lui, 38% une mauvaise. A titre indicatif, ces scores sont de 45% et de 50% pour le second, François Bayrou. Nicolas Sarkozy arrive en 3ème position, avec un retard de 23 points : 37% de bonne opinion et 62% de mauvaise, soit un différentiel négatif de 27 points alors que celui de François Hollande est positif de 22 points.
La popularité de François Hollande varie relativement peu selon l’âge et la profession ; il est populaire aussi bien chez les jeunes que chez les actifs et les plus de 60 ans, aussi bien chez les employés et les ouvriers que chez les professions intermédiaires et les cadres supérieurs. Ses seuls points de faiblesses sont les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (46%), les agriculteurs (45%) et les catholique pratiquants réguliers (47% mais qui constituent une minorité dans la société). Il est également presque aussi fort chez ceux qui déclarent que leurs revenus leur permettent difficilement de s’en sortir au quotidien que chez ceux qui déclarent s’en sortir facilement, alors que ce point est très discriminant s’agissant du Président. Enfin, lorsque l’on croise la popularité du leader socialiste avec les préoccupations des Français, elle reste forte et ne varie pas fondamentalement selon la plupart des enjeux sauf chez ceux qui font de la sécurité et de l’immigration une question majeure - et qui ont alors majoritairement une opinion négative de François Hollande.
Au-delà de la popularité globale, la première des qualités associées à François Hollande est d’avoir des convictions : 74% des Français le jugent ainsi. Seule Marine Le Pen fait un peu mieux tandis que Nicolas Sarkozy est à 69%. François Hollande est aussi sympathique (67%, contre 33% seulement pour Nicolas Sarkozy) ; compétent (59%, contre 49% s’agissant de Nicolas Sarkozy) ; honnête (62% contre 32%) ; sincère (56% contre 31%) ; comprenant les problèmes des gens comme vous (55% contre… 24%) ; ayant la stature présidentielle (53% contre 57%). Il n’est en revanche dynamique que pour 47% des Français alors que 73% reconnaissent cette qualité à Nicolas Sarkozy. 43% « seulement » pensent également qu’il tiendra ses engagements (et 30% s’agissant du Président). En résumé, le candidat socialiste l’emporte nettement sur pratiquement toutes les dimensions sauf le dynamisme.
Ses données sont très largement corroborées par l’analyse électorale : suivant les instituts, François Hollande obtient 34% ou 35% des intentions de vote au 1er tour et ne s’est que très peu érodé depuis les primaires. Il écrase toujours Nicolas Sarkozy au second tour (entre 57% et 59% des intentions de vote). Il l’emporterait nettement dans toutes les classes d’âge et il faut avoir plus de 60 ans pour choisir un peu plus souvent Nicolas Sarkozy. Le constat est le même sociologiquement : chez les cadres supérieurs, intermédiaires, les employés et plus encore les ouvriers, l’avance est de 15 à 20 points. En réalité, Nicolas Sarkozy ne l’emporte que chez les agriculteurs, les artisans / commerçants, les retraités et les catholiques pratiquants réguliers, ceux qui s’en sortent très facilement en terme de revenus et ceux qui font de l’immigration et de la sécurité un enjeu central. Sur la question des déficits publics, les choses sont à égalité quand on considère que c’est un problème important pour la France et en faveur du président quand on en fait un enjeu d’inquiétude personnelle (mais ce dernier cas ne correspond qu’à une minorité de Français).
L’analyse des données fait donc apparaître une réelle force de François Hollande, au moins à ce stade de la campagne. C’est en réalité moins lui qui, au cours des dernières semaines, a baissé – mais il s’est érodé - que Nicolas Sarkozy qui a remonté dans l’opinion : un peu en intentions de vote, davantage en popularité et surtout en leadership. De fait, le seuil véritable point faible de François Hollande concerne cette dimension : mis en concurrence, 60% des Français estiment que c’est le chef de l’Etat qui est le plus capable de prendre des décisions difficiles, 39% François Hollande. En cas de crise diplomatique et militaire, il en va de même (61% contre 37%) et dans une moindre mesure, s’il s’agit de diminuer l’insécurité (54% contre 44%). Le dynamisme et la capacité à trancher sont donc une des forces majeures de Nicolas Sarkozy. Ce n’est pas pour autant un signe d’efficacité absolue aux yeux des Français sur la crise actuelle : 50% considèrent ainsi que le chef de l’Etat est le plus capable de faire face à la crise économique et financière actuelle, 48% que c’est François Hollande, soit une quasi égalité. Et 55% font même du leader socialiste celui qui peut le plus « protéger les Français des conséquences de la crise économique », contre 44% qui optent pour Nicolas Sarkozy. Le Président protecteur n’a donc pas encore convaincu, d’autant que 78% estiment que François Hollande est le plus capable de réduire les inégalités sociales et 20% seulement que c’est le chef de l’Etat.
L’enjeu central de François Hollande, dans une campagne qui en réalité a déjà commencé, est donc de maintenir l’avance considérable qu’il a sur toute une série de dimensions ainsi que la capacité de rassemblement dont il a fait sa marque de fabrique tout en envoyant des signes forts sur sa capacité à prendre des décisions difficiles. Tout dépendra donc des mesures qu’il proposera et de l’évolution de la crise, qui déconstruit tout autant qu’elle permet à Nicolas Sarkozy de se reconstruire, au moins partiellement.