Ici, maintenant, et sans regret
Le futur fait peur, le passé rassure mais il n'apporte qu'un plaisir cosmétique et éphémère... Vive le présent ! Cette nouvelle donne alimente toutefois l'infidélité envers les marques de consommateurs-citoyens en attente d'un "vivre mieux". Interview de Thomas Tougard, Directeur Général adjoint d'Ipsos France, réalisée pour le dernier numéro d'Ipsos Flair.
Les conclusions de la version 2011 étaient claires et sans appel : face aux peurs exprimées par les Français, plusieurs stratégies de refuges étaient envisagées : le local, le réenchantement et le coaching. Autre fait marquant, le refuge dans les aspirations du passé avait marqué la fin de la décennie, relançant le goût pour le vintage.
Plus qu’un épiphénomène, et au fil des mois, cette tendance est devenue mondiale. Son point culminant a récemment été atteint en observant le « street style » des mégalopoles. A New York, les dernières boutiques à la mode, non seulement reprennent les codes des 50’s ou des 60’s, mais tentent des remontées dans le temps vestimentaire des années 30 et 40. Les vendeurs, dans leur accoutrement, sont directement sortis d’un livre de John Steinbeck. Les codes vestimentaires, showroom des tendances de consommation, sont devenus si expressifs qu’ils tournent parfois à la caricature.
Un an après, on ne peut pas dire que la situation se soit améliorée. Les Français sont toujours les champions du monde du pessimisme quand il s’agit de regarder le futur économique de leur pays (Ipsos « Global Advisor » - novembre 2011). Ils sont toutefois plus optimistes quand il s’agit du leur, grâce à la mise en place de stratégies d’adaptation, et de ce qu’on appelle communément la smart attitude : nous sommes tous devenus quelque part des « smart shoppers », des « smart cooks », des « smart housewives » et demain pourquoi pas des « smart drivers » ou encore « smart citizens ».
Quel bilan dresser en ce début 2012 ?
Le futur fait peur, oui, le constat est implacable. Le réenchantement par la consommation ou les aspirations pour le passé constituent toujours des palliatifs, car ils font office de compensation et de réassurance. Mais ils n’apportent que des réponses partielles à des consommateurs-citoyens en attente d’un vivre mieux.
Face à cette situation, les attitudes émergentes tournent autour de la résilience, l’hyper-réalisme, le pragmatisme, et l’adaptabilité. Les versions précédentes d’Ipsos Flair identifiaient l’émergence d’une infidélité aux marques sans culpabilité. Elle est devenue généralisée, mais aussi raisonnée, réfléchie, organisée, faite de compromis, de choix et donc de renoncements. Ce qui laisse parfois perplexe le regard que l’on porte sur le pouvoir d’achat des Français, face à la premiumisation de l’offre, qui coexiste de plus en plus avec le développement du low-cost.
Qui aurait pu parier qu’en pleine crise économique, les ventes du dernier iPhone se porteraient si bien, alors que 85% des Français exprimaient une dégradation de leur pouvoir d’achat ? (source Ipsos novembre 2011).
Au même moment, suite à une désaffection des consommateurs à l’égard des marques nationales d’eaux minérales, associée à une baisse historique des ventes de bouteilles d’eau en France, les Français se remettaient à acheter ces marques pourtant si désavouées. Celles-ci avaient su répondre à leur besoin d’accessibilité en termes de prix, tout simplement grâce à la mise en place plus régulière de promotions. Les Français ne regrettent pas leurs actes quand il s’agit de consommation.
Le futur fait peur. Le passé rassure, mais il n’apporte qu’un plaisir cosmétique et éphémère. Vive le présent !
« Dans la vie, au début on naît, à la fin on meurt. Entre les deux, il se passe des trucs, bref c’est l’histoire d’un mec entre les deux… ». C’est le leitmotiv de la série « Bref » sur Canal +, qui explose les compteurs (près de 2 millions de fans sur Facebook) car elle parle à un public en phase avec une forme d’idéalisation d’un quotidien simple, humain, et déconnecté des peurs du futur et des fausses aspirations pour le passé.
C’est ici et maintenant, et c’est sans regret.