Innovation agricole : que pensent les agriculteurs et les Français ?

Ipsos a réalisé pour Terrena une étude sur l'innovation dans l'agriculture. Cette enquête porte sur le respect de l’environnement ainsi que sur la qualité et la traçabilité des produits. Elle révèle que la façon de percevoir les agriculteurs a nettement évolué. La société leur fait désormais confiance pour veiller à l’amélioration de la qualité des matières premières, notamment en limitant le recours aux intrants.

Auteur(s)
  • Guillaume Petit Directeur Corporate Reputation
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UNE CERTAINE MÉCONNAISSANCE DU GRAND PUBLIC, MAIS LE SECTEUR AGRICOLE EST GLOBALEMENT PERÇU COMME INNOVANT, NOTAMMENT PAR LES AGRICULTEURS

L’agriculture, secteur économique traditionnel par excellence, n’est pas restée à la marge des innovations technologiques. Cette modernisation des activités agricoles est ainsi parfaitement perçue par les principaux concernés puisque 73% des agriculteurs considèrent que le secteur agricole est innovant. Le regard assurément positif qu’ils portent sur la modernisation de leurs activités n’est pas observable dans les mêmes proportions chez les Français. S’ils sont 44% à estimer que le secteur agricole est innovant, presqu’un quart des Français (37%) avoue ne pas avoir d’avis sur la question. 

L’INNOVATION AGRICOLE ÉVOQUE AVANT TOUT LE MACHINISME ET LES TECHNOLOGIES POUR LES AGRICULTEURS, ALORS QUE C’EST PLUTÔT L’ASPECT ENVIRONNEMENTAL ET QUALITÉ DES PRODUITS AUXQUELS FONT REÉFÉRENCE LES FRANÇAIS

Pour les agriculteurs, ces innovations prennent avant tout la forme d’évolutions technologiques, d’amélioration de leurs outils de travail. Ils sont ainsi 55% à rapprocher spontanément innovation et machinisme. Si les progrès techniques sont également cités par les Français (25%) lorsqu’ils évoquent spontanément l’innovation agricole, ils sont plus prompts à aborder la question sous l’angle de l’agriculture raisonnée (33%). L’agriculture biologique et les préoccupations environnementales sont ainsi particulièrement présentent dans les réponses spontanés chez le grand public. Ces résultats démontrent deux visions différentes mais non contradictoires du rôle que doit jouer l’innovation dans la production agricole. Les consommateurs rapprochent davantage l’idée d’innovation de considérations environnementales et qualitatives alors que les professionnels agricoles associent plus facilement l’innovation et le progrès technique.  

UNE IMAGE PLUTOT NEGATIVE DE L’INNOVATION AGRICOLE AU COURS DE CES 40 DERNIÈRES ANNÉES AUPRÈS DES FRANÇAIS, ALORS QUE LES AGRICULTEURS Y VOIENT DE MULTIPLES EFFETS POSITIFS

Il est ainsi assez logique de constater que pour les agriculteurs, l’impact le plus positif de l’innovation réside dans l’amélioration de leurs conditions de travail (71% considèrent que l’innovation a eu un impact plutôt positif). Ils sont la même proportion à estimer que les progrès techniques ont permis d’améliorer la traçabilité et la connaissance de l’origine des produits. Pour 54% des Français, ces améliorations techniques ont avant tout permis aux agriculteurs d’augmenter leur capacité de production. Le grand public se montre cependant plus mesuré que les professionnels agricoles sur les éventuels  bénéfices de l’innovation. Ainsi plus d’un Français sur deux (54%) ne considère pas que l’innovation ait eu des conséquences positives pour l’environnement. Ils sont également 49% à ne pas observer d’amélioration gustative et qualitative des produits grâce aux innovations. Notons cependant que les agriculteurs se montrent également plus circonspects sur ces deux items. Les différents acteurs s’accordent néanmoins pour dire que l’innovation a peu joué sur la performance économique des exploitations agricoles (39% de plutôt positifs pour les agriculteurs et 37% chez les Français). Les Français se montrent également plus critiques sur la possibilité d’améliorer la sécurité alimentaire et d’assurer la santé des consommateurs à travers l’innovation (44% d’entre eux ont un avis négatif).  L’innovation au sein du monde agricole dispose donc d’une image plutôt négative auprès des Français. Les progrès techniques semblent ainsi avoir favorisé l’émergence d’une logique productiviste de l’agriculture pour le grand public. 

EN REVANCHE LES FRANÇAIS FONT PREUVES DE PLUS D’OPTIMISME QUAND ILS SE PROJETTENT DANS L’AVENIR

Ainsi les Français se montrent plus confiants dans la possibilité d’améliorer la sécurité alimentaire et la santé des consommateurs (42%, +11 points par rapport à la perception de l’impact de l’innovation durant les 40 dernières années).  L’image productiviste dont pâtie l’innovation dans l’agriculture semble ainsi moins impacter les questions touchant à la santé. Ils sont également plus optimistes (35%, +12pts) dans la possibilité de diminuer l’impact environnemental de l’agriculture. Cependant, sur ces deux derniers items, les Français sont partagés puisqu’ils sont aussi nombreux à prévoir une amélioration qu’à prévoir une dégradation.

A contrario, les agriculteurs semblent avoir davantage de difficultés quand on leur demande de se projeter dans l’avenir et de juger les effets des innovations et des nouvelles pratiques. Ils ne sont ainsi plus que 53% (-18 pts) à penser qu’une amélioration de leur condition de travail est possible. L’amélioration de la traçabilité et de la connaissance des produits demeure un item où les agriculteurs pensent que l’innovation peut avoir des effets positifs dans l’avenir même s’ils ne sont plus que 65% (-6 points) à l’envisager. Notons cependant que, comme les Français, ils sont davantage confiants dans la possibilité de diminuer l’impact environnemental des productions agricoles (58% imaginent un impact plus positif dans l’avenir contre 55% sur les 40 dernières années). Plus qu’un scepticisme dans l’avenir, c’est avant tout une difficulté à se projeter dans l’avenir qui s’exprime ici pour les agriculteurs. On remarque ainsi que pour l’ensemble des items la part des répondants ne sachant pas répondre est plus élevée que lorsqu’ils expriment des jugements sur les quarante dernières années. 

LES AGRICULTEURS UTILISENT AVANT TOUT LES INNOVATIONS AGRICOLES POUR AMÉLIORER LEURS CONDITIONS DE TRAVAIL ET LEURS REVENUS, MAIS AUSSI POUR DES CONSIDÉRATIONS ENVIRONNEMENTALES

Quand on interroge les agriculteurs sur les principales raisons qui les poussent à recourir à l’innovation, la motivation principale est l’amélioration de leurs conditions de travail pour 49% d’entre eux. Il est intéressant de rappeler que c’est également sur cet élément que la perception de l’innovation est la plus positive. Il y a donc une adéquation entre l’appréciation des effets de l’innovation et les bénéfices qui en sont attendus. Plus d’un quart des agriculteurs espère ensuite que les progrès techniques auront un impact positif sur leur revenu (45%). Nous pouvons ensuite observer que la dimension environnementale n’est pas absente des motivations poussant les agriculteurs à recourir à l’innovation. Ils sont ainsi 40% à souhaiter par-là préserver la qualité de l’eau et des sols.

Si la réduction des gaz à effet de serre n’arrive pas en tête de leurs motivations (elle n’est citée spontanément que par 7% d’entre eux), ils sont une majorité (66%) à considérer que l’innovation peut jouer un rôle important dans la réduction de ces gaz à effets de serre.

Faisant preuve d’un certain pragmatisme, ils recherchent avant tout dans l’innovation un moyen d’améliorer leur quotidien et d’assurer la performance de leurs exploitations. S’ils sont donc conscients du rôle bénéfique que peut jouer l’innovation dans la lutte contre les gaz à effets de serre, ils privilégient avant tout des considérations pratiques. 

LES AGRICULTEURS SONT LES PREMIERS CONCERNÉS POUR PROPOSER DES INNOVATIONS AGRICOLES

Premiers concernés, les agriculteurs se perçoivent également comme les principaux acteurs de l’innovation. Ils sont effectivement 53% à déclarer que ce sont les professionnels agricoles qui agissent le mieux pour l’innovation agricole. En raison de leur connaissance des besoins et des rouages de leur activité, les agriculteurs semblent en effet les mieux placés pour orienter le développement de nouvelles techniques et de nouveaux matériels. Les agriculteurs sont ensuite 29% à considérer que les chambres d’agriculture sont celles qui agissent le mieux pour l’innovation. Les organismes publics de recherche tels que le CIRAD ou l’INRA jouent aussi un rôle important pour 25% des agriculteurs. Ces centres de recherche et de développement apportent effectivement leurs expertises techniques et organisent l’utilisation du financement public en faveur de l’innovation agricole. On remarque au contraire que les acteurs privés (les coopératives agricoles : 17% et les entreprises de l’agrofourniture : 12%) ne sont pas perçus comme des centres d’innovations importants par les agriculteurs. 

ET C’EST D’AILLEURS EN EUX QU’ILS ONT LE PLUS CONFIANCE POUR QUALIFIER UNE INNOVATION. LES FRANÇAIS Y AJOUTANT LES ASSOCIATIONS DE CONSOMMATEURS

Lorsqu’on demande aux agriculteurs et aux Français à qui ils accordent le plus leur confiance pour juger de la qualité d’une innovation on remarque que les résultats diffèrent sensiblement entre les acteurs. Les agriculteurs se font majoritairement confiance pour juger des innovations (47%), suivent ensuite les organismes publics puis privés. Notons cependant que, tout comme les Français, ils ne sont que 2% à porter de l’importance à l’avis des responsables politiques. 42% des Français considèrent également que les agriculteurs sont les mieux placés pour dire si une innovation est « bonne » ou « mauvaise ». Ils se distinguent cependant des professionnels agricoles en étant 40% à estimer que les associations de consommateurs sont bien placées pour juger de la qualité d’une innovation. Ils démontrent par-là l’attention qu’ils portent à la défense d’une agriculture tournée vers la qualité des produits et le respect du consommateur.

LES INNOVATIONS LES MIEUX PERÇUES DOIVENT ÊTRE PLUS AU SERVICE DE L’ENVIRONNEMENT, NOTAMMENT POUR LES FRANÇAIS QUI NE SOUHAITENT PAS DE ROBOTISATION A OUTRANCE, CONTRAIREMENT AUX AGRICULTEURS QUI Y VOIENT UNE AIDE NON NÉGLIGEABLE

Cette aspiration des Français à une agriculture davantage tournée vers le respect environnemental et la qualité des produits s’illustre également lorsqu’on leur demande leur perception de certaines innovations. La quasi-totalité des Français (95%) considère ainsi l’utilisation de capteurs d’humidité dans les cultures afin de réguler la consommation d’eau est une bonne innovation. L’agriculture biologique excluant les pesticides est également plébiscitée par le grand public avec 90% de bonnes opinions. Le recours à des chaudières biomasse utilisant l’énergie renouvelable pour chauffer les élevages de volailles remporte également 82% de bonnes opinions. Il est ainsi intéressant de remarquer que les innovations qui sont les plus appréciées par le grand public touchent à la diminution de l’impact environnementale des cultures soit à l’amélioration de l’expérience des consommateurs à travers la diminution de l’utilisation des pesticides.

Les agriculteurs partagent cet attrait pour les solutions permettant une culture moins gourmande en eaux ou en énergie (91% apprécient l’utilisation des capteurs d’humidités et 86% ont une bonne opinion des chaudières biomasse). En revanche, les professionnels agricoles accordent une importance plus forte que l’ensemble des Français dans l’utilisation de nouveaux moyens technologiques afin de faciliter l’exercice de leur activité. Ils sont ainsi 80% à avoir une bonne opinion du recours aux drones ou aux images satellite pour l’amélioration de la connaissance des cultures. L’utilisation de robots, que ce soit pour le désherbage ou la traite des vaches sont appréciés par les professionnels (avec respectivement 72% et 70% de bonnes opinions) alors que chez l’ensemble des Français cette proportion tombe à 56% et 43% de bonnes opinions. Pour le grand public, le développement agricole ne doit ainsi pas passer par une robotisation à outrance, l’élément humain devant rester la composante essentielle. La mécanisation semble donc être associée par les Français à la logique productiviste, qu’ils rejettent.

Alors que l’agriculture biologique est plébiscitée par les Français, les agriculteurs se montrent quant à eux plus sceptiques à son sujet. Ils ne sont que 64% (contre 90% chez l’ensemble des Français) à trouver que c’est une bonne innovation. Ces résultats plus mauvais peuvent sans doute s’expliquer par une rentabilité plus aléatoire et par les contraintes plus nombreuses qui pèsent sur l’agriculture biologique.

Tous les acteurs sont enfin d’accord pour voir dans les plantes génétiquement modifiées des innovations néfastes à l’agriculture et donc à ses produits. La notion de « génétiquement modifiée » apparait comme étant répulsive et anxiogène pour les Français, qui ne sont que 22% à l’approuver. Les agriculteurs sont eux plus partagés puisque l’utilisation de plantes génétiquement modifiées est approuvée par 45% d’entre eux alors que 51% des professionnels considèrent que c’est une mauvaise chose. 

Fiche technique :
Enquête réalisée par téléphone du 3 au 13 avril 2015 :
 - auprès de 400 agriculteurs Français 
 - auprès de 961 Français représentatifs de la population française âgée de 18 ans et plus

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  • Guillaume Petit Directeur Corporate Reputation

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