Ipsos Flair “France 2013 : Chocs et sanctuaires”
Chaque année, l’élaboration de cette vision commune fait l’objet de nombreux débats entre nous. En 2012, nous avions souhaité titré ce portait composite de la France d’un « Sociétés sans regrets », renvoyant explicitement à ce grand désir de « tourner la page », que nous pressentions et que la séance électorale a confirmé.
Pourquoi, alors, intituler la livraison 2013 « Chocs et sanctuaires » ? Pourquoi l’illustrer de ce « kilo étalon » dont la double cloche de protection se fissure ? Parce qu’il nous semble bien, en effet, que c’est sur cette ambigüité fondamentale que se structure aujourd’hui la société Française et que de cette tension – sanctuariser ou bousculer, conserver ou abandonner, protéger ou exposer – procède l’ensemble des ruptures qui nous agitent.
Les exemples sont multiples et quotidiens. Une mort in utero aux portes de la Maternité Port Royal à Paris, le drame d’un chômeur en fin de droit s’immolant devant un bureau Pôle emploi à Nantes, un rapport sur le mal logement illustrent brutalement la difficulté à maintenir, à sanctuariser le « modèle français » de services publics et de solidarité, à l’heure des déficits et des efforts budgétaires.
Bribes d’informations choquantes. Chocs qui viennent, les uns après les autres, disloquer nos sanctuaires et nous ramener à ces questions essentielles auxquelles se résument nombre de nos polémiques : quelle place pour la France dans le Monde ? Quelle place pour le Monde dans la France ?
Devons-nous résister aux mouvements mondiaux, rebâtir et renforcer nos frontières à coups de Made in France et de nationalisations ? Nous replier ? Nous « préférer », Nous « protectionner », sortir de l’Euro ?
Devons-nous – pouvons-nous – au contraire, faire le deuil de certaines de nos exceptions pour mieux avancer ? Le CDI est mis en cause, le coût du travail – donc notre système de protection sociale – est décrit comme un handicap, la laïcité façon loi de 1905 peine à intégrer l’islam radical, nos lois de bioéthique sont bousculées par l’évolution des mœurs et des pratiques de nombre de nos voisins. Et, sur tous ces fronts, le débat s’articule selon les mêmes termes : sanctuariser ou changer ? Maintenir ou adapter ?
Champions du pessimisme et de la nostalgie, les Français démontrent aussi, en ces temps de bascule, une autre de leurs caractéristiques : l’inventivité, le système D. Si aucune Solution avec un grand S n’émerge, mille solutions se font jour, potentialisées et amplifiées par des techniques de communication chaque jour plus simples et mieux appropriées. L’entraide, la réinvention d’un voisinage virtuel, le jeu avec le système, sont devenues nos compétences les mieux partagées, l’alternative la plus réaliste aux impasses avérées de l’individualisme à tout crin comme d’un collectivisme passé de mode.
Alors oui, la cloche se fissure, le sanctuaire est menacé ; difficile de dire, en ce début d’année, ce que pèsera dans quelques mois notre kilo étalon. D’une chose, cependant, nous sommes sûrs : la France de 2013 est en déséquilibre mais elle est – surtout – en mouvement. Et ce déséquilibre nous forcera à la remise en cause, à la créativité. Et ce mouvement sera aussi ce que nous en ferons.