Ipsos Flair : Jusqu’où la sanctuarisation des valeurs et des pratiques peut-elle aller en France ?
Depuis la « crise » de 2007/2008, le local, le traçable, la nostalgie, le fait maison ont apporté des réponses rassurantes et renforcé les parois du village gaulois, frontières et « made in France » à l’appui, incarnés dans les stratégies de marques ou les projets politiques.
En parallèle, les débats sur la compétitivité, la flexisécurité, la réindustrialisation sont nés des secousses créées par :
- Les conséquences des choix précédents,
- L’impact des déficits et de la dette sur les équilibres financiers,
- Les mutations intérieures démographiques, culturelles et sociologiques,
- Les objectifs industriels des grands groupes,
- La capacité à anticiper ou pas l’impact réel de perspectives globales comme la Chine, puissance économique n°1 en 2016, ou l’indépendance énergétique des Etats-Unis en 2020.
La mythification des 30 Glorieuses et la muséification des années heureuses ne suffisent plus ; certes, les sanctuaires sont là pour préserver, mais avec un sérieux risque de contretemps et d’anachronisme. Tantôt, c’est l’opinion qui sanctuarise ses valeurs et résiste aux chocs des changements ; tantôt, ce sont les Autorités qui sanctuarisent des notions qui ne sont plus celles de l’opinion et le malentendu commence.
Maintenant, les chocs disloquent les sanctuaires : le CDI est mis en doute, les coûts horaires de production sont perçus comme un handicap, au même titre que le taux de change de l’Euro, les lois de 1905 ne semblent pas adaptées pour encadrer l’Islam radical, les amortisseurs sociaux posent la question de leur coût collectif, les choix stratégiques de l’Inde ou de la Chine inversent les rapports de force.
Conséquence de ces mouvements tectoniques, un pays tendu entre envie de ne rien changer, exutoires, mutations subies, désir individuel de s’en sortir.
2013 exploite toutes les ruptures :
- Technologiques, avec l’accès universel et la mobilité des systèmes de réseaux on line,
- Culturelles, avec le décalage entre les critères des consommateurs-citoyens et le discours des acteurs de la société (politiques, médias, entreprises...).
Deux exemples :
- Quand le Président de la République appelle aux efforts, IKEA incite à « Profiter » (Njut) ! ; il ne faut donc pas s’étonner que les Français soient de moins en moins nombreux à accepter l’idée de faire des sacrifices.
- Quand la plupart des annonceurs raisonnent en termes de pouvoir d’achat, les CSP supérieures n’ont aucun tabou à déclarer : « il ne s’agit pas d’être riche ou pauvre, mais pigeon ou pas ». Ce ne sont pas non plus les dernières à profiter des circuits alternatifs de vente ou de distribution, à adopter des pratiques à contre-courant de leurs ressources, à jongler entre les comparateurs de prix pour acheter moins cher.
Dans ce contexte, jusqu’où la sanctuarisation des valeurs et des pratiques peut-elle aller dans l’anachronisme et le dogmatisme, le « normal » ou le normatif, la disruption et la création ?