Jacques Chirac progresse sans convaincre
L'officialisation de la candidature de Jacques Chirac et l'intervention télévisée le soir même sur TF1 ont fait progresser les intentions de vote premier et second tour en sa faveur. Pour autant, l'enquête Ipsos-Vizzavi-Le Point-France 2 montre que la majorité de ceux qui ont vu ou entendu l'interview restent dubitatifs quant aux explications du chef de l'Etat sur les grands axes de son projet, le bilan de son septennat, la dissolution ou les affaires ; ils ont en revanche mieux compris les raisons de sa candidature.
Les deux enquêtes réalisées avant et après la déclaration de candidature de Jacques Chirac à la présidentielle mettent en évidence la progression des intentions de vote en sa faveur. Si le scrutin avait lieu dimanche prochain, il recueillerait 27% des suffrages exprimés au premier tour (contre 23 % dans l'enquête réalisée les 8 et 9 février).
L'entrée de Chirac en campagne marque le début d'une cristallisation de l'électorat autour des deux têtes de l'exécutif. Les sympathisants de droite sont à présent 56% à choisir le président sortant dès le premier tour (+ 3 points), au détriment de Madelin (qui passe de 10% à 7% dans cet électorat), Bayrou (de 7 à 6%), ou Pasqua (de 5 à 3%). L'effet d'annonce est également sensible chez les proches de la gauche plurielle, qui symétriquement se concentrent au premier tour derrière la candidature potentielle de Lionel Jospin. Ce dernier obtient 47% des suffrages exprimés par les proches de la gauche plurielle (contre 42% auparavant), en mordant sur l'électorat de Noël Mamère et Jean-Pierre Chevènement (qui passent chacun de 12 à 9% d'intentions de vote à gauche). Grâce au soutien stable d'une partie de l'électorat de droite, Chevènement conserve une solide troisième place, avec 11% des suffrages exprimés (-1), tandis que Jean-Marie Le Pen redescend sous la barre des 10% d'intentions de vote (8%, -2). Tous ces scores sont bien entendus à considérer avec prudence, tant le taux d'indécis est encore fort. Pour autant, ces derniers deviennent pour la première fois minoritaires : 47% des personnes ayant exprimé une intention de vote premier tour estiment pouvoir encore changer d'avis, mais 53% déclarent leur choix définitif.
La progression de Chirac au premier tour et de meilleurs reports de voix des électeurs de Chevènement, Le Pen et des candidats de la droite parlementaire, lui vaut de retrouver une avance plus confortable au second. Il devancerait maintenant Lionel Jospin de 6 points (53% / 47%), contre deux points seulement à la veille de sa candidature (51% / 49%). Pouvant toujours compter sur un soutien presque unanime de proches du RPR et de l'UDF (96% le choisiraient au second tour), Chirac progresse dans l'électorat plus âgé (il passe de 53 à 58% chez les 35 ans et plus), et dans les catégories de revenus modestes. Inversement, l'électorat potentiel de Lionel Jospin au second tour se rajeunit (de 53 à 57% d'intentions de vote chez les moins de 35 ans, de 47 à 42% chez les plus de 35 ans) et progresse dans les catégories supérieures de revenu.
Même si les intentions de vote vers Jacques Chirac ont progressé suite à l'annonce de sa candidature au premier comme au second tour, l'intervention télévisée du chef de l'Etat n'a pas vraiment convaincu. A peine la moitié de ceux qui ont vu ou entendu parler de l'interview l'ont jugé "convaincant sur les raisons de sa candidature" (49%, contre 31% d'avis contraire). Dans leur majorité, ils n'ont pas été convaincu lorsqu'il a abordé "les grands axes de son projet" ou "son bilan" (42% contre 34% qui l'ont jugé convaincant), et encore moins quand il s'est expliqué sur "les affaires de financement des partis politiques" (45% contre 26%) ou "les raisons de la dissolution" (42 contre 25%). Notons tout de même qu'à chaque fois, ceux qui ont vu l'émission se montrent davantage convaincu que ceux qui en ont simplement entendu parler.
Bien qu'en tête dans les intentions de vote, Jacques Chirac souffre aujourd'hui d'un déficit de crédibilité personnelle par rapport à ses principaux rivaux dans la course à l'Elysée. Les deux tiers des Français considèrent Jospin ou Chevènement "honnêtes", quand ils ne sont que 41% à être de cet avis concernant Jacques Chirac, avec même plus d'un Français sur deux d'avis contraire (54%). S'il y a autant de gens qui font "confiance" à Jospin ou Chevènement que de personnes qui ne leur font pas vraiment confiance, ces deux camps sont plus déséquilibrés concernant Chirac : 39% lui font confiance, contre 58% de méfiants. Respectivement 57 et 55% de Français jugent enfin Jospin et Chevènement crédibles, alors qu'ils ne sont que 48% à être de cet avis concernant Chirac (un Français sur deux d'avis contraire). Reste à établir si la perception des personnalités des candidats peut, d'ici le 21 avril, modifier le rapport de force électoral, pour l'heure favorable à la droite.