Jospin distancé comme jamais par Chirac

Pour la troisième fois consécutive, la cote de popularité Ipsos-le Point de Lionel Jospin est orientée à la baisse. Cette faiblesse gouvernementale profite au président de la République et aux dirigeants du RPR.

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Un clignotant orange s'est allumé à l'hôtel Matignon. Pour la troisième fois consécutive, la cote de popularité de Lionel Jospin, mesurée par le baromètre Ipsos-le Point, est à la baisse. Le Premier ministre s'approche dangereusement de la zone de popularité relative avec 51% de jugements favorables. La chute est de cinq points en un mois et de treize points depuis le début de l'année. Son solde de popularité est désormais positif de seulement dix points. Il faut remonter au début 1998 pour trouver une position plus faible de Jospin. Le chef du gouvernement avait alors été secoué par un mouvement des chômeurs à fort retentissement dans l'opinion. En février 1998, Jospin ne comptait plus que 48% d'opinions favorables contre 43% de défavorables. Mais il avait spectaculairement rebondi, le mois suivant, à la faveur du climat d'union national créé par la crise irakienne.

On voit mal, pour l'heure, quel événement international pourrait venir au secours du Premier ministre. Sa situation n'est certes pas dramatique. Près de trois ans après avoir pris possession de l'hôtel Matignon, les indices de popularité de Jospin restent nettement positifs chez tous les instituts de sondages. Le mouvement de rétraction du soutien public dont il est victime dans la dernière période n'en est pas moins inquiétant pour lui. Le Premier ministre semble être entré dans une nouvelle phase plus agitée. Le remaniement du 27 mars, en partie provoqué par les effets à moyen terme de la démission de Dominique Strauss-Kahn et la vague de conflits sociaux dans l'enseignement et chez les agents des impôts, n'a pas fait disparaître comme par enchantement les inquiétudes des Français.

Sur un plan plus étroitement politique, l'entrée de Laurent Fabius et de Jack Lang au gouvernement ne semble pas avoir été du goût de l'électorat de droite. La cote de popularité de Jospin se renforce chez les sympathisants de gauche, mais chute sévèrement chez ceux de droite : moins dix points pour les proches de l'UDF et moins dix-huit points dans les rangs RPR. Le climat de la dernière période a été propice à une polarisation de la popularité du chef du gouvernement. 

Depuis janvier 2000, son solde de popularité dans notre baromètre a plongé de +11 à -32 chez les électeurs de droite. C'est dans les catégories sociales traditionnellement les plus conservatrices - agriculteurs, artisans, commerçants - que les jugements sont devenus les plus sévères. On observe aussi une chute particulièrement accentuée chez les hommes (de +41 à +10 dans la même période) et les plus de 35 ans (+38 à +4). Un mouvement de déception supérieur à la moyenne est encore enregistré dans la tranche de revenus la moins élevée. La structure de popularité de Jospin est centrée sur les professions intermédiaires, où ses performances sont maximales, avec, en seconds rangs, les employés et les cadres supérieurs.

Si Jospin II ne plaît plus beaucoup à la droite, Jacques Chirac continue à profiter de la mansuétude de la gauche. Une majorité d'électeurs socialistes et Verts persiste à juger favorablement le président de la cohabitation. Le président de la République voit sa cote Ipsos se tasser de deux points, mais il peut se flatter de continuer à planer dans les hautes sphères de popularité atteintes, en juillet 1998, dans l'euphorie du Mondial. L'Elysée a un autre motif de satisfaction : Chirac semble enfin creuser l'écart avec Jospin. En solde de popularité, la différence entre les deux chefs de l'exécutif atteint le chiffre record de vingt-deux points. Jusqu'à présent, les courbes de popularité des deux hommes étaient généralement liées.

Les dirigeants de l'opposition profitent du climat plus lourd qui pèse sur le gouvernement. La cote de Philippe Séguin progresse de cinq points et celui-ci décroche la cinquième place de notre " palmarès des leaders politiques ". Le candidat à la candidature de la mairie de Paris atteint le seuil de 50% de jugements favorables. En solde de popularité, le député-maire d'Epinal retrouve le niveau qui était le sien en 1998, lorsqu'il était président du RPR. La poussée de Séguin est plus marquée chez les cadres supérieurs, artisans et commerçants ainsi que parmi les sondés âgés de plus de 35 ans. Un de ses rivaux parisiens, Edouard Balladur, fait un bond en avant plus spectaculaire encore : plus sept points en un mois. L'ancien Premier ministre retrouve un solde de popularité tout juste positif. La présidente en titre du RPR, Michèle Alliot-Marie, donne enfin quelque signe de dynamisme sondagier. Sa cote de popularité reste modeste mais en progrès de dix points. Les personnalités de l'UDF se situent loin derrière celles du RPR.

A gauche, on note surtout le redressement de Laurent Fabius. Gagnant six points par rapport au baromètre précédent, le nouveau ministre de l'Economie et des Finances est sur le point de sortir des affres de l'impopularité. Il revient de loin. En août 1996, seulement 24% des personnes interrogées avaient une opinion favorable de Fabius contre 62% de négatives. En février 1999, sa perception dans l'opinion n'était guère plus fameuse avec 57% de jugements défavorables. Blanchi par la Cour de justice en mars 1999 dans l'affaire du sang contaminé, l'ancien Premier ministre de François Mitterrand a depuis remonté la pente lentement mais sûrement. Sa réhabilitation est plus accentuée chez les cadres supérieurs et les revenus élevés. Aujourd'hui, sa cote de popularité est pratiquement équilibrée. Parions que le numéro deux du gouvernement, ardent défenseur de la baisse des impôts, saura poursuivre le mouvement pour tenter de retrouver la popularité dont il jouissait dans les années quatre-vingt.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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