La bonne image des généralistes

Ipsos Public Affairs a réalisé pour « Ca m’intéresse » une étude sur l’image que les Français ont des médecins en général et des généralistes en particulier. Figurant toujours en tête des métiers que les Français souhaiteraient pour leur enfant, la profession de médecin généraliste bénéficie d’une très bonne image et ne souffre en tous cas d’aucun discrédit par rapport aux spécialistes ou aux médecins hospitaliers. Certes, la vision humaniste que beaucoup de médecins ont de la relation avec leur patient se heurte à la vision assez technique qu’a une majorité de Français de la médecine. Mais d'une manière générale, les Français ne partagent pas l’idée selon laquelle les médecins connaitraient une lente dégradation de leur statut et de leurs conditions de travail.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
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Médecin, un métier qui incarne toujours la réussite sociale…

Invitant les Français à se prononcer sur l'avenir professionnel qu'ils souhaiteraient pour leur enfant, l'enquête révèle que le métier de médecin représente toujours un modèle de réussite sociale.

Certes, la volonté d'être indépendant – artisan, commerçant, chefs d'entreprise – arrive en tête de ces souhaits d'avenir professionnel, juste devant la profession d'ingénieur (15%). Mais arrivant en troisième position (11%), le métier de médecin devance des professions aussi recherchées que celles d'enseignant (10%), chercheur (9%) ou avocat (6%). Appartenant à la catégorie des métiers de notables traditionnels comme celui de notaire ou d'avocat, le métier de médecin cristallise sans doute de forts désirs de mobilité sociale. Mais notons qu'il suscite plus de désir chez les femmes que chez les hommes (13% contre 7%), chez les jeunes que chez les personnes âgées (15% chez les moins de 35 ans, 7% chez les plus de 60 ans) et chez les cadres (12%) que chez les ouvriers (8%).

Des professionnels de santé qui bénéficient d'une grande considération

Alors qu'un des éléments du mal-être actuel de la profession est le sentiment d'une dégradation du statut des médecins dans la société, l'enquête montre qu'ils sont très loin d'être déconsidérés par les Français.

En effet, qu'ils soient généralistes, spécialistes ou hospitaliers, ils bénéficient d'une excellente image : plus de quatre Français sur cinq ont une bonne opinion de la façon dont ils exercent leur métier actuellement. Et les différences d'image entre médecins sont infimes : 88% de bonnes opinions envers les spécialistes, 87% envers les généralistes, 85% envers les médecins travaillant dans les hôpitaux (85%). Mais il faut relever le fait qu'ils suscitent moins de « très bonnes » opinions que de « plutôt bonnes » opinions.

L'insatisfaction à l'égard de l'ensemble des médecins est donc très limitée : entre 10 à 12% de mauvaises opinons dont très peu de « très mauvaises ». Cependant, de légères différences apparaissent selon le type de médecin : les généralistes suscitent un mécontentement sensiblement plus élevé que la moyenne chez les personnes les moins favorisées (revenu net du foyer inférieur à 1 200 € par mois) et les moins diplômées (absence de diplômes), les spécialistes chez les plus aisées (revenu net du foyer supérieur à 3 000 € par mois) et les plus diplômées (au moins bac plus 3).

Des Français plutôt satisfaits des relations patients-médecins…

Si les médecins bénéficient d'une telle considération, c'est sans doute parce que les Français sont plutôt satisfaits de la manière dont se déroulent les consultations.

Par exemple, le temps qu'ils leur consacrent lors d'une consultation est jugé suffisant par près des trois quart des Français (72%) : seul un quart (26%) juge que leur médecin va plus vite qu'il ne faudrait lorsqu'il les examine. Au regard du discours des généralistes qui se plaignent d'être contraints d'accélérer les consultations du fait de la surcharge de travail liée à une démographie médicale déclinante, l'insatisfaction des patients sur ce plan est donc limitée.

D'ailleurs, les médecins leur paraissent même avoir le temps pour aborder des questions comme l'hygiène de vie (diététique, vaccinations, examens préventifs, etc…). En effet, 32% des Français estiment qu'ils abordent « plus souvent » ces questions qu'il y a 10 ans, contre seulement 11% qui trouvent qu'ils les abordent « moins souvent ». Une majorité n'en reste pas moins sur l'idée d'une absence d'évolution sur ce plan : 54% estiment qu'ils abordent « ni plus, ni moins souvent » ces sujets qu'il y a 10 ans.

Mais globalement, la relation patient-médecin leur paraît s'inscrire dans un climat de confiance. La preuve en est que plus des trois quart d'entre eux (78%) ont le sentiment qu'ils peuvent aborder facilement des sujets intimes avec leur médecin généraliste (par exemple la sexualité ou encore la violence conjugale). Notons que ceux qui ne partagent pas cette impression (20%) ne sont pas surreprésentés chez les femmes (20%) ou les ruraux (18%) mais plutôt chez les jeunes (28% chez les moins de 35 ans).

… mais marqués par une vision assez technique de la médecine

Dans l'ensemble, il est intéressant de noter combien les Français sont marqués par une vision technique et scientifique de la médecine.

Certes, ils s'avèrent assez partagés lorsqu'on leur demande s'ils font plus confiance à un médecin qui a une longue expérience pratique ou à un docteur qui est au fait des derniers progrès de la médecine : 43% déclarent avoir plus confiance dans un jeune médecin familier avec les progrès de la science, 39% déclarent avoir plus confiance dans un médecin âgé qui semble avoir une longue expérience.

Mais dans leur grande majorité, ils s'en remettent plus aux résultats scientifiques issus d'examens sanguins ou radiographiques (à 62%) qu'à un diagnostic basé sur de simples examens corporels (26%). Dans le détail, la confiance dans les examens complémentaires (radio, laboratoires, etc.) apparaît d'autant plus forte que la personne interrogée a des diplômes et des revenus limités.

Des Français plutôt fidèles à leur médecin généraliste mais qui peuvent être tentés par des alternatives

Cette confiance envers les médecins favorise une certaine fidélité des patients envers leur médecin généraliste : seuls 1% des personnes interrogées ne consultent jamais le même médecin généraliste.

Naturellement, la mise en place du système du médecin traitant favorise ce lien de fidélité mais la part de patient volatile était déjà faible avant sa mise en place il y a près de deux ans. Il faut d'ailleurs relever que l'instauration du système en 2005 n'a pas provoqué beaucoup de changements : seuls 16% des Français ont changé de médecin depuis moins de deux ans. Sinon, une majorité n'a pas changé depuis au moins 6 ans (52%) et un sur dix n'a jamais changé (10%).

Caractéristique somme toute logique, l'ancienneté de la relation avec son médecin généraliste augmente avec l'âge : 65 % des personnes âgées de 60 ans et plus n'ont pas changé depuis au moins six ans, contre 59% des 35-59 ans et 30% des moins de 35 ans. A noter que les patients les plus " volatiles " – c'est-à-dire ayant changé il y a moins de deux ans – sont particulièrement surreprésentés chez les cadres supérieurs (22%), les jeunes (22% chez les moins de 35 ans), les Franciliens (22%) et les plus diplômés (24% chez les titulaires d'au moins un bac plus 3).

Cependant, il est important de souligner qu'une part importante de Français – trois sur dix – ont remplacé ou sont disposés à remplacer leur médecin généraliste par un praticien de médecine douce comme un homéopathe, un acuponcteur ou un phytothérapeute : 6% l'ont déjà fait et 24% sont tentés dont 9% « tout à fait tentés ».

Une telle proportion n'est pas négligeable d'autant que si ceux qui ont franchi le pas sont surtout des personnes âgées (13% chez les 70 ans et plus, 9% chez les retraités) et non diplômées (11%), ceux qui sont tentées sont plutôt des jeunes (29% chez les moins de 35 ans) et des femmes (28%).

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

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