La communauté homosexuelle se construit sur la souffrance des discriminations mais son existence fait débat.
A l’occasion du lancement de la nouvelle formule, le magazine TETU a souhaité interroger ses lecteurs sur l’homosexualité et sa place dans la société. Le constat est rude : un sur cinq a déjà été victime d'une discrimination homophobe, le plus souvent dans la rue ; et 46% constatent que la situation n'a pas évolué e depuis cinq ans. Pour 39% des répondants, ces situations difficiles contribuent à souder les homosexuels au sein d’une véritable communauté, mais les lecteurs de Têtu demeurent néanmoins assez partagés sur l’existence de cette « communauté homosexuelle » : 54% y croient mais ils sont 45% à juger qu’elle n’existe pas vraiment, compte tenu de l’hétérogénéité de la population qu’elle englobe.
Les lecteurs de Têtu ne cachent pas leur homosexualité, mais une minorité non négligeable d’entre eux a déjà expérimenté le rejet, voire la haine des autres en raison de sa sexualité
La quasi-totalité des lecteurs de Têtu a fait son coming-out
Les lecteurs de Têtu ne cachent pas leur homosexualité : ils ont quasiment tous fait leur coming-out (91%), seuls 8% n’ayant pas encore franchi le pas. Les répondants semblent donc suffisamment en confiance pour révéler leur sexualité au grand jour. Toutefois, le détail des réponses vient nuancer cette première constatation. En effet, si près de quatre répondants sur cinq ont fait leur coming-out auprès de leur famille (78%) ou de leurs amis (80%), ils ne sont plus que 54% à avoir franchi le pas auprès de leur entourage professionnel. Le monde de l’entreprise reste donc encore un lieu où les tabous semblent plus difficiles à briser, et où afficher son homosexualité est nettement plus délicat. A l’inverse, les amis semblent être des interlocuteurs plus ouverts que la famille, surtout pour les plus jeunes : s’il n’y a guère de différence selon l’âge des répondants dans le fait de révéler son homosexualité à sa famille, il semble que les plus jeunes soient plus enclins que leurs aînés à en parler à leurs amis. Ainsi, 85% des moins de 35 ans ont fait leur coming-out auprès de tout ou partie de leur famille, contre 77% des plus de 35 ans, signe peut-être d’une tolérance un peu plus grande au sein du cercle d’amis parmi les plus jeunes lecteurs.
Une proportion importante de lecteurs a déjà victime de discrimination, voire d’agression homophobe
Si la quasi-totalité des lecteurs de Têtu ne souffre pas de devoir cacher son homosexualité à son entourage, une proportion non négligeable d’entre eux a déjà été victime de discrimination homophobe au cours des 12 derniers mois. C’est le cas d’un répondant sur cinq (20%) dont 9% qui ont expérimenté ces discriminations à plusieurs reprises. Ce pourcentage est certes minoritaire mais loin d’être négligeable, surtout en ce qui concerne les plus jeunes. Ainsi, 27% des répondants âgés de moins de 35 ans affirment avoir été victimes de discrimination homophobe, contre 16% de leurs aînés. Les jeunes, sans être forcément plus touchés par le phénomène, sont probablement plus enclins à parler des discriminations qu’ils subissent, dans un contexte où la création de structures comme la Halde et la médiatisation de certains fait-divers contribue probablement à délier les langues sur le sujet.
Ces discriminations ont essentiellement lieu dans la rue (44%) et dans des espaces publics comme les gares, les magasins, les restaurants (33%), mais aussi au travail (33%) et dans une moindre mesure – mais le chiffre n’en demeure pas moins impressionnant dans la mesure où il s’agit de proches – au sein de leur propre famille (16%). Ces discriminations ont également lieu à l’école ou à l’université (11%) et même dans le cadre de soin comme à l’hôpital (6%).
Plus grave, 5% des lecteurs de Têtu déclarent avoir déjà été victimes d’agression homophobe, une proportion qui, pour minoritaire qu’elle soit, est très préoccupante, d’autant que les lecteurs étaient invités à se prononcer sur une période récente (au cours des 12 derniers mois). Là encore, c’est essentiellement dans la rue (54%) et dans les espaces publics (28%) que ces agressions se sont produites. A nouveau, certains chiffres surprennent : parmi les répondants ayant été victimes d’agression homophobe, 11% l’ont été au travail et 11% dans leur famille, signe que certains homosexuels, en plus de subir des attaques dans les lieux publics, sont parfois victimes d’un rejet violent de la part de leurs propres proches.
Phénomène préoccupant, une majorité d’homosexuels victimes de ces agressions (51%) ne fait rien du tout après cet épisode violent. Un tiers (32%) alerte des amis, mais seuls 17% portent plainte au commissariat, et ils ne sont que 11% à contacter une association ou la Halde. Ces chiffres montrent à quel point les homosexuels victimes d’agressions sont réduits au silence face à de tels actes et se retrouvent démunis, impuissants, estimant probablement que cela ne servira à rien ou allant peut-être même jusqu’à intérioriser leur agression en refusant d’en parler.
Des situations de rejet qui, pour partie, définissent une éventuelle « communauté homosexuelle »
Une proportion non négligeable de lecteurs a donc eu à subir des situations de rejet en raison de sa sexualité. Ces situations, vécues par beaucoup, contribuent ainsi à réunir les homosexuels autour d’un socle commun de souffrance, du moins selon les dires d’une partie d’entre eux. En effet, interrogés sur ce qui pourrait définir une éventuelle « communauté homosexuelle », 39% répondent que c’est essentiellement les situations difficiles vécues par beaucoup (coming-out, homophobie, exclusion, sida). Les personnes ayant eu à subir des discriminations (48%) ou des agressions (54%) homophobes sont encore plus nombreuses à l’affirmer. Certes, 36% des répondants indiquent que c’est avant tout l’orientation sexuelle qui définit cette communauté potentielle, mais au-delà de ce signe distinctif évident, c’est donc bien le rejet des autres et la solitude qu’il entraîne parfois qui fonde la cohésion du groupe, bien plus qu’une culture ou des goûts en commun (15%).
La communauté homosexuelle, souvent décrite comme une manière de se comporter, de s’habiller ou de sortir, n’est donc guère représentative d’une véritable réalité, d’autant que son existence même est remise en question par nombre de répondants. Ainsi, lorsqu’on leur demande de but en blanc s’ils ont le sentiment qu’il existe une communauté homosexuelle, une majorité de lecteurs répond par l’affirmative (54%) mais sans que cette position ne trouve non plus un écho très massif parmi les répondants, 45% estimant à l’inverse qu’elle n’existe pas. Et au sein même des personnes jugeant que cette communauté existe, « seuls » 81% ont le sentiment d’y appartenir, 19% estimant n’en pas faire partie, signe que les éléments fondateurs d’une telle communauté ont même du mal à s’imposer auprès de tous ceux qui pensent pourtant que ce groupe existe en tant que tel. C’est peut-être également le signe d’une plus forte intégration de leur part dans la société, au point de refuser d’intégrer une communauté « à part ».
Confrontés à des situations personnelles parfois difficiles, et ayant du mal à se définir comme « communauté », et encore moins comme « communauté de valeurs et de culture », quelle est leur perception de la situation des homosexuels au sein de la société, au-delà de leur expérience personnelle ?
Pour une petite majorité de lecteurs, les homosexuels sont aujourd’hui mieux acceptés dans la société, mais l’élection de Nicolas Sarkozy semble synonyme pour beaucoup de détérioration pour l’avenir
Une acceptation un peu plus grande des homosexuels dans la société...
Invités à mettre en perspective, au-delà de leur expérience personnelle, leur perception de l’évolution des actes et attitudes homophobes dans la société, le constat des lecteurs de Têtu sur ce point est plutôt pessimiste : seuls 17% estiment que ces actes sont en diminution. Les autres jugent au mieux que le statut quo prévaut (46%), au pire que la situation se détériore et que ces actes sont en augmentation (36%). Logiquement, les personnes ayant elles-mêmes été victimes de discrimination (46%) ou d’agression (55%) homophobe jugent davantage que la moyenne que ces actes sont en augmentation.
Pour autant, globalement, les répondants ont majoritairement (55%) le sentiment d’être plutôt mieux acceptés par la société qu’il y a cinq ans, contre 42% qui ne perçoivent guère d’évolution significative sur ce point, et 3% qui jugent à l’inverse qu’ils sont plutôt moins bien acceptés. Ce constat est partagé par l’ensemble des lecteurs, même si les plus jeunes sont un peu plus nombreux que leurs aînés (58% contre 52%) à percevoir une évolution positive sur ce sujet. Il peut paraître paradoxal de constater une augmentation des violences à l’égard des homosexuels et dans le même temps déclarer que ces derniers sont mieux acceptés dans la société. Il est possible en fait que cette intégration plus importante génère de la part des personnes homophobes une violence encore plus importante mue par le refus de cette insertion sociale.
L’influence de personnalités connues affichant leur homosexualité sur l’acceptation des homosexuels dans la société semble assez limitée, du moins selon les lecteurs de Têtu. Ces derniers affirment ainsi majoritairement que c’est « important mais pas fondamental » (56%). Pour 22% des répondants, c’est quelque chose au contraire de fondamental, mais une proportion similaire de lecteurs (21%) jugent à l’inverse que c’est quelque chose de secondaire, tandis qu’1% estime même cela contre-productif. En fait, il est probable que pour les homosexuels, la médiatisation du coming-out de certaines personnalités connues représente un élément parmi d’autres contribuant à une plus grande acceptation par la société de leur orientation sexuelle, mais nul doute que l’acceptation par ses proches – et notamment par sa famille réagissant parfois avec violence comme on l’a vu – compte bien davantage que la médiatisation de quelques personnalités publiques connues. D’ailleurs, les répondants qui n’ont pas fait leur coming out sont encore moins nombreux à juger cela fondamental ou même important : 40% d’entre eux jugent cela secondaire, signe que cela ne les incitera guère à faire leur propre coming out, ou du moins que cela ne représente pas un véritable pas vers plus d’acceptation.
… mais jusqu’à quand ?
Si les lecteurs semblent relativement optimistes sur la manière dont la société les accepte, ils semblent en revanche assez circonspects quand à l’avenir que leur réserve le nouveau président de la République. Interrogés, pour partie avant l’élection de Nicolas Sarkozy, sur les conséquences sur la situation des homosexuels en France de l’élection de ce dernier, les personnes ayant participé à la consultation se montrent largement pessimistes. Seuls 13% jugent que la situation des homosexuels s’améliorera avec l’élection de Nicolas Sarkozy. 30% anticipent le statut quo tandis qu’une large majorité (57%) estime à l’inverse qu’elle va se détériorer. Ils sont même 36% à juger qu’elle va « beaucoup » se détériorer, signe que le leader de l’UMP, qui s’est prononcé contre le mariage homosexuel et a proposé à la place un contrat d’union civile, ne semble pas avoir convaincu les répondants que ses propositions iraient dans le bon sens pour leur situation. Les personnes victimes de discrimination ou d’agression homophobe sont encore plus pessimistes, respectivement 67% et 69% d’entre elles anticipant une détérioration à venir.
Force est de constater que Ségolène Royal, longtemps réticente à l’égard du mariage homosexuel mais s’étant prononcé en sa faveur au cours de la campagne, suscitait nettement plus d’espoir de la part des répondants. Les deux tiers (67%) voyaient en effet dans sa victoire le signe d’une amélioration de leur situation tandis que 30% anticipaient le statut quo mais seulement 3% une détérioration.
Têtu, un magazine lu avec régularité, dont on apprécie le contenu
Cette consultation avait enfin pour objectif de comprendre les habitudes de lecture de Têtu. Si l’aide apportée par les médias homosexuels dans leur vie de tous les jours apparaît comme modérée pour 43% des répondants, ils sont tout de même 13% à affirmer recevoir une aide « très importante », ce qui n’est pas négligeable compte tenu du fait qu’un magazine a essentiellement pour vocation de distraire. D’ailleurs, même si 37% des répondants lisent Têtu par habitude, 29% mentionnent l’importance du contenu et 23% l’importance des titres et thèmes annoncés en couverture, loin devant la photo de couverture (5%). Plus généralement, la majorité des lecteurs se procurent Têtu parce qu’ils sont abonnés (51%) et le lisent tous les mois (62%). En moyenne, un exemplaire est lu par 2,3 personnes