La confiance politique ne suit pas le moral économique

En cette fin d’année, le climat économique dans les cinq principaux pays européens s’améliore nettement, selon le baromètre Ipsos-AFP "Tendances des opinions publiques européennes". Mais les opinions, soucieuses des problèmes de société, restent sévères à l’égard de leurs dirigeants politiques.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs
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Les Européens s’apprêtent à passer le réveillon de l’an 2000 avec un moral résolument orienté à la hausse. Le retour de la croissance atténue lentement mais sûrement le légendaire pessimisme des habitants du Vieux Continent. La dernière vague du baromètre Ipsos-AFP "Tendances des opinions publiques en Europe" fait état d’une amélioration concomitante de la confiance économique et de l’image de l’euro.

Si une majorité des personnes interrogées dans les cinq pays concernés par cette enquête demeure plutôt "inquiète" de la "situation économique et sociale" de la contrée dans laquelle elles vivent, le camp des "confiants" se gonfle de cinq points en deux mois. L’amélioration du moral est particulièrement spectaculaire (plus huit points) au Royaume-Uni, seul pays où la confiance économique franchit le seuil de la majorité absolue des personnes interrogées. Très maussades pendant la dernière période, les Allemands se ressaisissent également (plus sept points). Les progrès sont moins marqués en France et en Italie, et surtout en Espagne.

La perception de la monnaie européenne profite de cette hausse du moral économique. Après le décrochage survenu lors de la précédente enquête de ce baromètre, l’euro reprend du poil de la bête. Globalement, près des deux tiers des Européens interrogés en ont désormais une opinion "positive". Le gain est de quatre points. L’évolution est la plus marquée au Royaume-Uni : dans ce pays qui demeure à l’écart de l’Euroland, la monnaie unique progresse de six points et, pour la première fois, le solde des opinions à son égard est positif (d’un seul point, il est vrai). L’image de l’euro se redore aussi surtout en Italie (plus cinq points). Les opinions des quatre principaux pays de la zone euro adhèrent à une nette majorité à cette construction monétaire. Les plus réservés restent toutefois les Allemands.

La perception plus rose de l’avenir économique des Européens contraste avec leur sévérité vis-à-vis de leurs dirigeants politiques. La France est le seul de ces cinq pays où les sondés font majoritairement "confiance" au gouvernement "pour faire face aux principaux problèmes du pays" et où cet indicateur est orienté vers le haut (plus quatre points). La confiance politique ne progresse ailleurs qu’en Italie, mais la Botte compte une majorité absolue de citoyens "défiants". C’est en Espagne que la chute du moral politique est la plus accentuée (moins cinq points), ce qui ne laisse qu’une courte majorité de soutien au pouvoir en place. Le gouvernement de Tony Blair en Grande-Bretagne entre dans la zone périlleuse d’un solde légèrement négatif. Quant à celui de Gerhard Schröder en Allemagne, il continue sa descente dans les bas-fonds de l’impopularité.

A l’exception de l’Italie, le souhait d’alternance progresse dans tous les pays. La position de force du New Labour au Royaume-Uni s’érode, tout comme celles de la gauche en France et de la droite en Espagne. En Allemagne, l’hostilité croissante à l’égard de la coalition "rouge-verte" aux affaires ne profite pas à l’opposition CDU-CSU mais génère un scepticisme généralisé.

L’explication de ce divorce entre l’optimisme économique et le pessimisme politique des Européens se trouve du côté de leur hiérarchie de préoccupations. Partout, "l’insécurité et la délinquance" sont des soucis qui gagnent du terrain. Ce problème est cité parmi les trois plus "préoccupants" par 66% des Britanniques (plus trois points), 57 % des Allemands (plus huit), 54% des Français (plus trois), 53% des Italiens (plus sept) et 39% des Espagnols (plus neuf). Première préoccupation Outre-Manche, l’insécurité talonne désormais le chômage en France, en Italie et en Allemagne. Les craintes liées à l’emploi sont en recul dans tous les pays à l’exception du Royaume-Uni. Le souci du chômage baisse spectaculairement en France (moins treize points) et en Allemagne (moins sept). Par son existence mais aussi ses caractéristiques, l’embellie économique rend plus aiguë l’appréhension des problèmes de société.

Auteur(s)
  • Etienne Mercier Directeur Opinion et Santé - Public Affairs

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