La consommation progresse en Italie et en France mais recule en Allemagne
L’indice européen de la consommation Sofinco-Ipsos progresse fortement en Italie et enregistre une deuxième baisse consécutive en Allemagne. En France, le dynamisme de la consommation est freiné par la perception croissante, chez les consommateurs, des faibles marges de manœuvre financières.
Un an après sa création, au moment où les statistiques économiques indiquent dans plusieurs pays d’Europe des signes significatifs d’embellie, l’Indice Européen de la Consommation Sofinco-Ipsos connaît des évolutions nationales inégales : hausses en Italie, en France, en Belgique et aux Pays-Bas, stabilité à un niveau élevé Outre-Manche, baisse en Allemagne et en Espagne. De 1997 à 1998, à la lecture des résultats détaillées des quatre vagues d’enquêtes, le regain de confiance économique des consommateurs européens est incontestable. Mais les contrastes nationaux empêchent, depuis le mois de juin dernier, la naissance d’une véritable tendance homogène et régulière d’amélioration de l’indice global, aujourd’hui situé à 107, soit en progression d’un seul point par rapport au second semestre 1997.
S’il fallait analyser l’Europe des consommateurs comme un ensemble homogène, on serait en mesure de distinguer quelques traits majeurs de cette première année d’investigation. L’indice Sofinco évolue à la hausse dans pratiquement toutes les tranches d’âge. Il connaît ses plus fortes progressions chez les cadres supérieurs européens et les indépendants. Ces hausses apparaissent plus limitées parmi les employés, alors que l’indice ne connaît aucune évolution tangible chez les ouvriers et les retraités. Mais la lecture comparative des tendances de l’indice dans les principaux pays d’Europe apporte une nouvelle fois la preuve de l’hétérogénéité des contextes économiques et de l’impact variable des éléments de climat. Dans un ensemble où l’indice français poursuit sa lente progression lui permettant de prétendre rejoindre le niveau de l’indice global, c’est bien la confrontation des " cas " italien et allemand qui marque de son empreinte cette quatrième vague du baromètre.
En ce début d’année cruciale pour l’Europe, l’Allemagne est créditée d’un indice inférieur à la base 100, comme lors de la première vague. Il est désormais, avec le Portugal - qui intègre pour la première le dispositif Ipsos - le seul pays à être dans cette situation particulièrement inquiétante. La baisse d’un point de l’indice allemand par rapport à l’enquête de novembre confirme la tendance observée entre juin et l’automne dernier (- 2 points). Les ressorts de cette crise de confiance allemande sont bien sûr liés à l’accumulation mensuelle des mauvais chiffres du chômage. Mais l’analyse détaillée des résultats de l’indice Sofinco permet surtout de mettre en évidence l’interrogation qui pèse sur son évolution à venir, tant les mouvements des indices thématiques et des réponses qu’ils intègrent sont paradoxaux. L’indice de confiance économique donne l’apparence d’une certaine stabilité. Il cache en réalité des records : positifs lorsqu’on observe l’évolution de l’optimisme personnel des Allemands en ce qui concerne leur pouvoir d’achat (61%), négatifs dans le pronostic sans cesse plus sombre établi sur la situation économique du pays (72%). Les classes d’âge actives (25-50 ans), les salariés, qu’il soient employés ou ouvriers, les revenus moyens, sont les plus concernés par cette double attitude. Cette ambivalence est au cœur du processus de structuration du choix électoral des Allemands lors des prochaines élections législatives prévues à l’automne.
La " panne " allemande s’illustre également à travers la baisse régulière de l’indice d’envie de consommer (baisse de 5 points en un an) alors que parallèlement l’indice de potentiel de consommation progresse, même s’il reste inférieur de plus de 40 points à celui calculé en Grande Bretagne !
Les réflexes d’épargne de précaution progressent. Les Allemands sont toujours les plus nombreux, parmi leurs principaux voisins, à ressentir la pression financière consécutive à l’augmentation des prix. Dans ce contexte, on relève sans surprise la montée incessante du scepticisme à l’égard de l’Euro: pour désormais 61% des Allemands, il représente " plus d’avantages que d’inconvénients ". Cette détérioration ne s’explique pas simplement par l’angoisse des plus démunis, elle puise aussi sa dynamique chez les classes moyennes supérieures, les cadres, les hauts revenus.
Déjà visible lors de la dernière vague d’enquête, la multiplication des clignotants favorables caractérise encore plus nettement la situation italienne. Dernier pays avec l’Espagne dans le premier classement de l’indice global il y a un an, l’indice italien (107), en progression de 7 points en à peine deux mois et demi, est désormais le troisième en Europe après la Grande-Bretagne (122) et les Pays-Bas (120). Le rythme de progression annuel de l’indice est double par rapport à la moyenne européenne et touche tous les indices thématiques, sans exception. La hausse depuis décembre 1996 est de 17 points sur la dimension de confiance économique. Avec un même rythme de progression, l’indice d’envie de consommer est désormais le plus élevé de tous les pays du baromètre. L’évaluation que les consommateurs font de leurs moyens et leurs intentions effectives reste en retrait par rapport à la perception mesurée d’autres nations, mais elle évolue, elle aussi, de manière spectaculaire. Un regard détaillé des indices italiens n’est pas sans rappeler l’effervescence du climat de consommation observé en Grande-Bretagne depuis près de deux ans. Si les rythmes d’évolution de ces indicateurs restent d’inégale ampleur selon les classes sociales, ils semblent néanmoins concerner toute la société italienne, qui accorde une confiance toujours plus grande à l’Euro et à ses aspects bienfaiteurs pour le consommateur transalpin.
Entre ces deux situations extrêmes, l’évolution des attitudes des consommateurs français constitue une sorte de " type moyen ". L’indice français ressemble en niveau et en tendance à l’agrégat européen. Les Français rejoignent leurs voisins d’outre-Rhin dans les réflexes de pessimisme macro-économique. Mais la singulière tendance hexagonale à rester pessimiste sur l’évolution des revenus du foyer contribue à freiner les effets observées sur d’autres chapitres. L’indice de confiance économique est, pour la première fois, le seul en Europe à se situer sous le seuil initial de 100. Tout se passe comme si les Français, notamment les revenus moyens, continuaient à exprimer par cette réponse, leur mécontentement à l’égard de nombreuses années trop marquées par l’augmentation de la pression financière. Plus que jamais, depuis la création du baromètre, les consommateurs français expriment l’envie de consommer, frustrée par une perception d’absence de moyens (67% contre 65% avant Noël). Rejoignant cette fois l’attitude italienne, l’indice d’envie de consommer a augmenté de 17 points en un an, alors que dans le même temps la France est l’unique pays ou l’indice de potentiel de consommation a baissé depuis l’hiver 1997 (moins 7 points). Une majorité absolue des consommateurs français (51%, + 7 points par rapport à fin 1997) déclare vouloir arbitrer en faveur de dépenses supplémentaires une hypothétique augmentation significative de leur revenus, au détriment d’un réflexe d’épargne partout plus puissant en Europe.
Les signes ne manquent pour confirmer cette " impatience française " de consommer : les prévisions d’utilisation de l’épargne à des fins de dépense ou d’investissement progressent légèrement. Pourtant, les niveaux d’intentions effectives de consommation restent relativement stables, ce qui illustre bien les faibles marges de manœuvre qui caractérisent aujourd’hui la situation financière d’une majorité de foyers. L’envie de consommer est en forte hausse parmi les foyers à revenus modestes et " moyens inférieurs ", l’indice de potentiel de consommation connaît depuis six mois une brutale détérioration parmi les revenus supérieurs et apparaît en baisse régulière parmi les faibles revenus, notamment en milieu ouvrier. Les nombreux débats engagés ces dernières semaines, relatifs aux effets possibles de l’amélioration de la situation économique et budgétaire de la France sur l’attitude des consommateurs, ne peuvent ignorer ces éléments, caractéristiques de " l’exception française ". Ils font peser une incertitude sur la capacité qu’auront les consommateurs français à pouvoir tirer partie, chacun selon leurs moyens, de cette dynamique nouvelle.
Fiche technique :
Français, Allemands, Britanniques, Italiens, Espagnols, Portugais et habitants du Bénélux représentent aujourd’hui plus de 85% des consommateurs de l’union européenne.
L’évolution globale et comparée de leur moral, de leurs comportements et de leurs intentions de consommation constituent des facteurs décisifs de la croissance économique européenne dans les années à venir.
Le Baromètre européen de la consommation, réalisé par IPSOS pour la Banque SOFINCO, est un dispositif complet permettant de cerner à intervalles réguliers les attitudes des consommateurs de ces pays.
En prenant en compte l’ensemble des questions, IPSOS, pour la Banque SOFINCO a créé l’Indice Européen de la Consommation.
La quatrième vague a été réalisée auprès d’échantillons représentatifs de la population âgée de 15 ans et plus, de huit pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Portugal, Belgique, Pays Bas).
6 515 personnes ont été interrogées par IPSOS par téléphone du 9 au 20 février 1998.Echantillons construits selon la méthode des quotas : sexe, âge, csp du chef de famille, région, habitat.
Les résultats de cette enquête sont présentés pays par pays avec une consolidation globale pondérée en fonction du poids démographique respectif de chacun d’entre eux.