La défiance des maires à l’égard du gouvernement s’accroît
A l’instar de sa baisse de popularité dans l’opinion, le gouvernement a perdu beaucoup de la confiance dont il jouissait auprès des élus locaux il y a deux ans, selon l’enquête réalisée par IPSOS auprès de 400 maires. Si la critique est, de manière logique, forte à gauche, la confiance s’érode aussi auprès des édiles de droite. Sur la décentralisation, les questions de fiscalité locale ou le maintien des services publics, notamment dans les communes rurales, les maires expriment leur insatisfaction. Enfin, interrogés sur deux questions d’actualité, ils se montrent assez ouvertement favorables au oui à la constitution européenne, même s’ils envisagent une bataille référendaire serrée, et largement acquis au principe d’un report des élections municipales.
Des maires déçus par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et par l'acte II de la décentralisation
L'enquête réalisée par Ipsos pour Le Courrier des Maires en 2002 montrait des Maires confiants à l'égard du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Estampillé " élu local " et " proche de la France d'en bas ", le Premier ministre apparaissait comme l'interlocuteur légitime des maires. 75% d'entre eux estimaient alors que son gouvernement avait pris un bon départ et 74% lui faisaient confiance pour mener à bien les réformes nécessaires en matière de décentralisation. Deux ans plus tard, l'optimisme semble s'être érodé au contact de la réalité et la déception succède à l'espoir.
Ainsi, 35% seulement des maires interrogés ont le sentiment que la nouvelle loi en matière de décentralisation votée cette année " va plutôt dans le bon sens " tandis que 43% ont le sentiment qu'elle " va plutôt dans le mauvais sens ". Même au sein des maires de droite, les résultats ne sont pas exceptionnels : 23% des maires de droite ont le sentiment que la loi va dans le mauvais sens et 24% réservent leur opinion alors qu'en 2002, 86% portaient un jugement positif sur la politique du gouvernement en matière de décentralisation.
Ces résultats s'expliquent d'abord peut-être par le fait que les maires ont le sentiment d'être les laissés-pour-compte du processus actuel de décentralisation. Ce sont d'ailleurs les maires des petites communes, qui profitent le moins de la décentralisation, qui se montrent les plus critiques. Ils peuvent se comprendre ensuite par l'incertitude relative aux conséquences financières de la décentralisation. 36% des maires pensent que l'acte 2 de la décentralisation entraînera une diminution des ressources de leur commune. 21% pensent qu'il entraînera au contraire une augmentation de leurs ressources et 28% que cela n'aura pas vraiment de conséquences. Ces résultats traduisent une crainte générale et assez floue des élus locaux dans leur ensemble.
Dans ce contexte, la confiance au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour mener à bien les réformes nécessaires en matière de décentralisation enregistre une baisse significative. 47% des maires interrogés déclarent faire confiance au gouvernement dans ce domaine au lieu de 63% en octobre 2003 (-16 points) et 74% en 2002 (-27 points en deux ans). 41% déclarent au contraire ne pas lui faire confiance. Cette baisse de la confiance au gouvernement n'est pas uniquement le fait des maires de gauche, la confiance reculant de 20 chez ceux de droite par rapport à 2002. En outre, cette érosion de la confiance est particulièrement marquée chez les maires de communes de moins de 2000 habitants (-28 points). Les maires ruraux étaient les plus forts soutiens du Premier ministre en 2002. Deux ans plus tard, ce sont eux qui se montrent les plus critiques.
Une défiance similaire est perceptible sur la question de la fiscalité locale : 44% seulement des maires interrogés déclarent faire plutôt confiance au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour mener à bien les réformes nécessaires en matière de fiscalité locale au lieu de 50% en 2003 et 59% en 2002 (-15 points en deux ans). 45% déclarent au contraire ne pas lui faire confiance dans ce domaine.
Des maires inquiets à l'égard du maintien des services publics locaux et notamment des bureaux de poste
La confiance au gouvernement pour maintenir les services publics locaux connaît également une baisse. 37% seulement des maires interrogés déclarent faire confiance au gouvernement dans ce domaine contre 55% qui ne lui font pas confiance. De fait, la tendance s'est tout simplement inversée en deux ans puisqu'en 2002, 54% des maires déclaraient faire confiance au gouvernement pour maintenir les services publics locaux. La confiance au gouvernement dans ce domaine est également en baisse chez les maires de droite : -19 points en deux ans, et un tiers des élus de la majorité (33%) ne fait aujourd'hui pas confiance au gouvernement sur cette question. L'inquiétude sur ce sujet est logiquement particulièrement marquée chez les maires des communes rurales.
Dans ce contexte, 88% des maires se prononcent pour une intervention du gouvernement contre la possible fermeture d'un certain nombre de bureaux de poste. Une majorité d'entre eux (55%) estime même que le gouvernement doit intervenir fermement pour empêcher La Poste de fermer ses bureaux. Ce souhait d'intervention est consensuel, partagé par 93% des maires de gauche et….86% de ceux de droite, pourtant peu interventionnistes traditionnellement…..
44% des maires de communes de moins de 2000 habitants ayant un bureau de poste dans leur commune se déclarent même prêts à démissionner pour manifester leur mécontentement si La Poste décidait de fermer le bureau de leur commune. Sur ce thème, les clivages politiques disparaissent et les maires ruraux de gauche et de droite se retrouvent.
Des maires très partagés sur l'ampleur du remaniement ministériel
Interrogés sur l'ampleur du remaniement ministériel qui aura lieu suite au départ de Nicolas Sarkozy du gouvernement, les maires se montrent très partagés. 34% d'entre eux souhaitent " un remaniement important avec un changement de Premier ministre " et 6% " un remaniement important mais sans changement de Premier ministre ". Au total, 40% des maires se prononcent en faveur d'un remaniement ministériel important alors qu'une proportion comparable (41%) souhaite " un remaniement peu important ne concernant que quelques ministères ".
Deux chiffres méritent un intérêt particulier : alors qu'en octobre 2002, 96% des maires de droite estimaient que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait pris un " bon départ ", un tiers d'entre eux (33%) souhaite aujourd'hui un remaniement ministériel important. 17% des maires UMP sont même favorables à un changement de Premier ministre. Ces chiffres reflètent l'érosion progressive de l'image de Jean-Pierre Raffarin, y compris dans son propre camp.
Les maires ont par ailleurs été interrogés sur le successeur éventuel de Jean-Pierre Raffarin au poste de Premier ministre. Deux hommes se détachent très clairement : il s'agit de Dominique de Villepin (25%) et de Jean-Louis Borloo (23%), loin devant François Fillon (7%), Philippe Douste-Blazy (6%) et Jean-Louis Debré (6% également). Ces résultats recouvrent en réalité d'importantes disparités politiques. Ainsi, Dominique de Villepin arrive très largement en tête chez les maires de droite (34%), loin devant Jean-Louis Borloo (17%). Actuel favori pour cette succession, cité par 40% des maires UMP, il apparaît largement soutenu par sa famille politique. Jean-Louis Borloo, pour sa part, doit sa seconde place avant tout aux maires de gauche.
Des maires favorables à un report des prochaines élections municipales
Près des deux tiers des maires interrogés (63%) sont favorables au report des prochaines élections municipales prévues pour le moment en mars 2007, soit juste avant l'élection Présidentielle. Si 22% pensent qu'il faut les repousser à l'automne 2007, 41% estiment même qu'il faut les repousser au printemps 2008. Un petit tiers de l'échantillon (32%) pense toutefois qu'il faut les laisser comme prévu en mars 2007.
Près des trois-quarts des maires de villes de plus de 10 000 habitants souhaitent qu'on les repousse au printemps 2008, pour 57% des maires de communes de 2000 à 10.000 habitants et seulement 39% des maires de petites communes. Peut-être parce qu'ils y voient une prolongation de leur mandat utile pour mener à bien des projets d'envergure comme la construction d'un tramway, de crèches ou encore de logements sociaux.
On note aussi que le souhait de report est plus prononcé chez les maires de droite que chez ceux de gauche (75% contre 55%). En effet, si les élections sont maintenues au mois de mars 2007, elles interviendront après 5 ans de gouvernement de droite et le risque d'un vote sanction, comme en 2004, n'est pas à écarter. La volonté de repousser le prochain scrutin au printemps 2008 (41%) plutôt qu'à l'automne 2007 (22%) s'explique probablement par la crainte de voir le résultat des élections présidentielle et législatives influer sur celui des municipales.
Parallèlement, une large majorité des maires (70%) estime que s'il est décidé de repousser les élections municipales, il faut repousser également les élections sénatoriales pour que les municipales se déroulent avant.
Enfin, pour conclure ce chapitre électoral, si les élections municipales de 2001 ont été marquées par un renouvellement politique important dans les communes rurales, suite à la décision du maire sortant de ne pas se représenter, il se peut que le même phénomène se reproduise en 2007 (ou 2008). En effet, moins d'un maire sur deux (41%) déclare aujourd'hui avoir l'intention de solliciter un nouveau mandat de maire lors des prochaines élections municipales. A titre de comparaison, en octobre 1998 (soit à " distance " égale de l'échéance électorale), 50% des maires déclaraient avoir l'intention de solliciter un nouveau mandat. Cette évolution touche surtout les maires des petites communes : 39% seulement ont l'intention de se représenter lors des prochaines élections municipales (-9 points par rapport à 1998), contre 49% des maires de villes moyennes et 70% des maires de grandes villes. Enfin, on note que 49% seulement des maires qui exercent actuellement leur premier mandat ont l'intention de se représenter lors des prochaines élections municipales au lieu de 65% en octobre 1998. Ces résultats reflètent sans doute les difficultés croissantes de la fonction de maire.
Oui à la Constitution européenne et à Paris 2012 !
59% des maires se déclarent favorables à la future constitution européenne, 27% s'y montrant à l'inverse opposés. Les édiles semblent donc plus nettement pro-constitution que leurs administrés. Selon une enquête réalisée par Ipsos pour Le Point les 10 et 11 septembre derniers, 51% des Français déclaraient qu'ils auraient plutôt tendance à voter " oui " si un référendum était organisé sur la future Constitution européenne contre 34% qui auraient plutôt tendance à voter " non ".
Les maires proches de la droite parlementaire (73%), et particulièrement ceux de l'UMP (83%) se montrent très largement favorables à ce projet. A l'inverse, moins d'un maire de gauche sur deux (47%) se déclare favorable à la future constitution européenne. Chez les maires proches du PS, une courte majorité se montre favorable au projet (55%). Les divisions internes à la gauche, et notamment au PS, resurgissent clairement ici.
Enfin, si les trois-quarts des maires de communes de plus de 10.000 habitants (75%) se déclarent favorables à la future constitution européenne, les maires de petites communes se montrent plus réservés : 58% seulement des maires de communes de moins de 2000 habitants y sont favorables.
Les pronostics des maires sur l'issue du référendum sont très partagés. Si 43% d'entre eux jugent la victoire du " non " improbable (38%) voire impossible (5%), 40% estiment au contraire qu'elle est probable (36%) ou même certaine (4%). Les maires anticipent donc une bataille serrée. Proportionnellement, les " adversaires " de la constitution européenne semblent plus confiants concernant l'issue du scrutin. Ainsi, 73% des maires opposés à ce projet pensent que la victoire du " non " est envisageable. A l'inverse, 62% seulement des maires favorables à la constitution, pourtant plus nombreux, jugent la victoire du " non " improbable ou impossible. De la même façon, la moitié seulement des maires de droite (50%), pourtant largement favorables à la constitution européenne, juge une victoire du " non " improbable ou impossible. Le camp du " oui " apparaît donc fragile et peu sûr de lui, se souvenant de la forte progression du " non à Maastricht " entre juin et début septembre 1992.
Enfin, une très large majorité des maires interrogés (86%) déclare soutenir la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux Olympiques de 2012, 61% des maires apportant même un soutien enthousiaste. Ce soutien dépasse les clivages politiques puisque les maires de droite (87%) sont aussi nombreux que les maires de gauche (86%) à soutenir la candidature de Paris. Le soutien est encore plus massif en Ile-de-France (89%).