La démission de DSK laisse l’opinion de marbre
Les cotes de popularité de Jacques Chirac et de Lionel Jospin ne subissent pas les effets de la démission de Dominique Strauss-Kahn et des tensions au sein de la cohabitation. Les Français restent très attachés, malgré la conjoncture, à la dualité politique de l’exécutif.
L'opinion publique garde un calme olympien face au tohu-bohu provoqué par la démission, le 2 novembre, de Dominique Strauss-Kahn. Interrogés quelques jours après cet événement, et les tensions dans la cohabitation qu'il a suscitées, les Français restent de marbre. Les cotes du président de la République et du Premier ministre, mesurées par le baromètre Ipsos-le Point, affichent une étonnante stabilité. Jacques Chirac ne gagne qu'un petit point d'opinions favorables, les jugements négatifs ne se gonflant que de deux points. Si le chef de l'Etat perd du terrain dans l'électorat de gauche, il est plus soutenu qu'auparavant du côté de la droite dure. Ces mouvements correspondent à une popularité moins œcuménique, cohérente avec l'échange de coups entre les deux têtes de l'exécutif du 3 novembre.
Cet effet est nettement moins net en ce qui concerne le chef du gouvernement. Les jugements favorables à Lionel Jospin ne bougent pas tandis que les opinions négatives ne progressent que de deux points. On n'observe pas de véritable polarisation droite-gauche résultant de la bagarre entre l'Elysée et Matignon. L'image du chef du gouvernement est essentiellement écornée chez les sympathisants RPR et... PCF. Voilà qui suggère que le climat des "affaires" généré par le scandale de la MNEF a un peu plus impressionné les sondés que les bisbilles politiques qui en ont été la conséquence.
Le comportement de Jospin et de Strauss-Kahn semble avoir été apprécié par l'opinion. Le ministre de l'Economie démissionnaire reste populaire alors même que les médias se sont largement fait l'écho des multiples accusations portées à son endroit. Avec 47% de jugements positifs (contre 35% de négatifs), DSK arrive en septième position dans le hit-parade des hommes politiques français. L'épreuve qu'il a subie n'a guère modifié son solde de popularité: si les appréciations négatives ont gagné quatre points, les réactions positives sont en hausse de trois points. Après sa chute ministérielle, l'ancien grand argentier du gouvernement Jospin conserve une enviable popularité chez les hommes, les personnes âgées, les cadres supérieurs et les titulaires de revenus élevés.
Si les Français ne jettent pas la pierre - au stade actuel - à Strauss-Kahn, ils ne partagent que marginalement l'idée, souvent entendue ces jours-ci, selon laquelle les juges disposeraient de "trop de pouvoirs" dans le délicat "domaine des affaires politico-financières".
Bien au contraire, une majorité relative de personnes interrogées pensent qu'ils n'ont "pas assez de pouvoirs", la deuxième réponse (privilégiée par les sympathisants de droite) étant qu'ils ont "suffisamment de pouvoirs". Le spectre du "gouvernement des juges" n'effraie nullement une opinion satisfaite que le temps de l'impunité des responsables politiques touche à son terme. Une écrasante majorité de sondés approuve "l'action des juges", la considérant comme une "bonne chose pour la démocratie car elle a permis d'assainir le fonctionnement de la vie politique". A droite comme à gauche, l'idée que tout ceci n'aboutit qu'à "discréditer" la classe politique est extrêmement minoritaire.
Les têtes de l’exécutif sont-elles suspectées de faire obstacle à la marche de la justice ? Le soupçon existe mais il concerne plus fréquemment Chirac que Jospin. Une majorité absolue (56%) de sondés font confiance au Premier ministre pour " faire toute la lumière sur les affaires politico-financières ". Ils ne sont plus que 50% lorsqu’il est question de Chirac. Dans le petit jeu de la barbichette des " affaires ", l’ancien premier secrétaire du PS semble conserver un avantage sur l’ancien maire de Paris.
Les Français relativisent, au demeurant, l’impact de la partie de ping-pong qui a opposé Jospin et Chirac le 3 novembre. Quelques jours après cet accident de parcours, plus des deux tiers des sondés pronostiquaient la poursuite de la cohabitation jusqu’à son terme normal de 2002. A droite comme à gauche. Les Français sont encore plus nombreux à souhaiter que le couple Chirac-Jospin tienne jusqu’au bout. L’évolution est frappante par rapport à décembre 1997 lorsque la longévité de la cohabitation n’était voulue que par 54% des sondés.
Nos concitoyens apprécient la bonne volonté des cohabitants au-delà des brouilles passagères. Plus des deux tiers des personnes interrogées trouvent que Chirac et Jospin ont un comportement qui " favorise un bon fonctionnement de la cohabitation ". Sur cette question, le chef de l’Etat est toutefois considéré comme meilleur camarade que le chef du gouvernement. Il est vrai que, dans la dernière période, c’est le Premier ministre qui a déclenché les hostilités.
L’électorat de droite est d’autant plus méritant de soutenir la cohabitation qu’il est parfaitement conscient qu’elle profite d’abord à Jospin. La force du Premier ministre dans le contexte particulier de la troisième cohabitation n’échappe pas à la majorité des sondés. Toujours est-il que ce système institutionnel atypique a plutôt les faveurs d’une opinion qui y trouve sans doute l’avantage d’un équilibre entre les deux camps. Dans l’ensemble, les Français ne souhaitent pas une réforme de la Constitution destinée à éviter ce cas de figure. L’électorat de droite est toutefois tenté par l’obligation de cohérence institutionnelle. Il est assurément, aujourd’hui, placé dans une situation plutôt inconfortable.