La majorité des maires hésite à se représenter

A dix-huit mois des prochaines élections municipales, l’enquête Ipsos-Courrier des Maires réalisée auprès des maires révèle la lassitude d’élus locaux sur lesquels pèsent de lourdes responsabilités. Pour leur réconfort, l’ensemble des Français, parallèlement sondés, confirment la bonne opinion qu’ils ont de leur maire.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
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Le maire est, sans aucun doute, l’élu préféré des Français. Il échappe largement au discrédit qui frappe, depuis plusieurs années, la classe politique française. Selon l’enquête Ipsos-" Le Courrier des Maires ", 71% se déclarent satisfaits du travail accompli par leur dirigeant communal depuis les dernières élections municipales. Les plus de 70 ans sont les plus enthousiastes (82%). La proximité des maires avec leurs administrés et la plus forte visibilité de leur action sont autant d’atouts par rapport aux autres catégories d’élus.

Cependant, le niveau de satisfaction diminue avec l’augmentation de la taille de la commune, passant de 76% dans les communes rurales à 57% dans celles de plus de 100 000 habitants. Il est vrai que les élus des grandes agglomérations ne disposent pas des mêmes avantages que leurs collègues des petites communes (lien plus distant avec les électeurs, nécessité d’une affiliation partisane, plus grande variété et difficulté des problèmes à gérer). Bref, ils ressemblent plus aux " hommes politiques " classiques…

Autre indicateur de l’attachement des Français à leur maire, 61% souhaitent que celui-ci se représente en 2001. On observe, là aussi, une diminution de cette volonté au fur et à mesure que la taille de la commune augmente. Seulement un habitant sur deux des villes de plus de 50 000 habitants exprime le souhait que son maire sollicite un nouveau mandat. Certains électeurs sont visiblement tentés de sortir des sortants dans des zones urbaines où la joute municipale est traditionnellement politisée.

Des Maires de plus en plus réticents à solliciter un nouveau mandat

A moins d’un an et demi des prochaines élections, un tiers seulement des maires déclarent avoir l’intention de se représenter devant leurs administrés. Par rapport à l’enquête précédente datant d’il y a un an, on observe une indécision croissante (+ 14pts par rapport à il y a un an). En outre, une proportion encore très importante d’élus n’ont pas arrêté leur décision, quelle soit positive ou négative, de façon certaine.

Aujourd’hui, 55% des maires de communes rurales ne savent pas de manière définitive s’ils solliciteront un nouveau mandat en 2001. L’indécision est moins importante chez les maires des communes de 2 000 à 10 000 habitants (45%) ou de plus de 10 000 habitants (34%), mais tout de même notable.

Au-delà de cette indécision, l’attitude des maires à l’égard de leur candidature au prochain scrutin évolue de manière contrastée selon la taille de la commune. Dans les villes de plus de 10 000 habitants, le rapprochement de l’échéance semble balayer les réticences. 82% (+ 13 points) d’entre eux ont l’intention de solliciter un nouveau mandat. A l’opposé, le malaise s’accroît dans les communes rurales : 29% seulement (- 19 points) des maires de ces communes disent vouloir se représenter contre 51% (+ 4 points) qui expriment un pronostic inverse. Mais surtout, parmi ces derniers, 34% se déclarent aujourd’hui " certains " d’abandonner leur mandat au lieu de 16% il y a un an. Autre indicateur particulièrement inquiétant, la moitié des maires qui accomplissent leur premier mandat ne souhaite pas se représenter (40% contre 39%). Sans compter les 21% qui ne répondent à cette question visiblement gênante pour eux.

Les maires évoquent deux raisons principales à leur tentation de ne pas rempiler après 2001 : l’âge (45%) et les risques croissants de responsabilité pénale (40%). Le fait que l’âge arrive en tête s’explique par la proportion importante d’élus de plus de 60 ans, notamment dans les communes rurales. Mais il est aussi probable que cette réponse cache d’autres raisons. Qui plus est, cette réalité démographique n’est pas sans rapport avec le statut précaire des maires (difficulté à concilier une activité professionnelle avec cette fonction, niveau des indemnités) qui font qu’un nombre important d’entre eux sont aujourd’hui des retraités.

Les risques croissants de responsabilité pénale apparaissent comme un motif préoccupant pour l’ensemble des maires et arrivent même en tête chez ceux qui effectuent leur premier mandat (50%). Les contrôles de légalité se multipliant et les administrés se montrant de plus en plus attentifs à la défense de leurs intérêts, il y a là un véritable problème. Celui-ci est d’autant plus aigu que l’environnement juridique des collectivités locales est particulièrement complexe et que les compétences des élus en la matière sont souvent insuffisantes.

On ne s’étonnera donc pas que " la complexité croissante de la fonction " (28%) soit la troisième raison de renoncement la plus souvent citée. Le temps consacré (13%) et la difficulté d’exercer ce mandat tout en ayant une activité professionnelle (19%) arrivent ensuite. Là encore, il convient de souligner que la pyramide d’âge des maires réduit l’importance de cette dernière raison. Cette dernière arrive d’ailleurs largement en tête, avec 65% de citations, auprès des élus de moins de 55 ans.

Les maires ont enfin du mal à " avouer " qu’ils ne se représenteront pas pour des raisons politiques, qu’il s’agisse de désaccords au sein de leur majorité (2%) ou du risque d’être battu par l’opposition (0%).

Priorité à la diminution de la responsabilité pénale

Les risques croissants de responsabilité pénale sont devenus un obstacle majeur à l’exercice du pouvoir communal. La diminution de cette responsabilité en cas de fautes non intentionnelles est considérée par la quasi-totalité des maires comme la première des priorités en matière d‘évolution du statut des élus locaux (80%). Cette revendication arrive très nettement en tête quelle que soit la taille de commune ou la couleur politique de l’élu (79% à gauche), alors même que le Premier ministre a récemment déclaré qu’il n’y était pas favorable.

Au-delà de ce consensus, les priorités divergent selon l’importance de la commune. Les maires des communes rurales insistent sur la nécessité de développer la formation des élus (34%), préoccupation également partagée par les ceux des villes de 2 000 à 10 000 habitants (27%). A l’opposé, les élus des grandes communes privilégient une augmentation du niveau des indemnités (41%).

Le problème de l’accès des salariés du privé aux mandats électifs est ressenti de manière plus homogène par l’ensemble des élus (28%), même si les élus des communes rurales y sont moins sensibles. La réforme du régime de retraite des élus n’apparaît guère comme une priorité (11% de citations) même pour les plus de 65 ans (19%).

Le temps de travail ignoré des grands maires

La fonction de maire équivaut aujourd’hui, en terme de temps de travail, à un emploi à plein temps même dans les communes de taille modeste (entre 2 000 et 10 000 habitants). Les maires de ces communes déclarent en effet consacrer en moyenne 38 heures par semaine à leur mandat. Les élus des villes de plus de 10 000 habitants considèrent qu’ils passent 54 heures à exercer leur mandat et ceux des communes rurales y consacrent tout de même 22 heures en moyenne. L’importance du temps consacré par les élus à leur fonction souligne encore davantage le problème de la compatibilité de celle-ci avec une autre activité professionnelle. Il conduit également à s’interroger sur le montant des indemnités.

Questionnés sur le temps de travail de leurs maires, un tiers des Français ne se prononcent pas. Quant aux autres, ils ne perçoivent pas véritablement la différence de charge de travail entre un maire d’une commune rurale et celui d’une grande ville. S’ils estiment correctement le temps passé par les maires de moins de 2 000 habitants, ils sous estiment de 9 heures (29 contre 38 heures) celui des maires de 2 000 à 10 000 habitants et de 20 heures (34 contre 54 heures) celui des élus des plus grandes villes.

Augmentation de l’indemnité des maires : priorité aux petites communes

Seule une minorité de la population considère que le montant des indemnités de maire est trop élevé, quelles que soient les tranches de taille de commune testées. Pour autant, l’augmentation de leur montant n’apparaît pas justifiée aux yeux des Français sauf en ce qui concerne les communes de 500 à 1 000 habitants, pour lesquelles une personne interrogée sur deux estime qu’elle doit être supérieure à 3 200 francs net par mois.

En ce qui concerne les communes plus importantes, les Français considèrent que le montant n’est ni trop, ni pas assez élevé, même s’il convient de noter que la propension à juger ce montant trop élevé passe de 8% (500 à 1 000 habitants) à 15% (3 500 à 10 000 habitants) puis à 22% (50 000 à 100 000 habitants).

Ces résultats sont cohérents avec le fait que les Français ne pensent pas qu’un maire d’une grande ville consacre beaucoup plus de temps à son mandat qu’un maire de commune rurale. Ils témoignent cependant d’une réelle méconnaissance de l’intensité de travail et du niveau de responsabilité des élus des communes les plus importantes. Les élus des grandes villes font d’ailleurs de l’augmentation du niveau des indemnités l’une de leur principale priorité en matière d’évolution du statut des élus. En parlant de la rémunération de leurs maires, les Français songent d’abord à la leur. L’appréciation du montant des indemnités est très liée au niveau de revenu des personnes interrogée. Plus celui-ci est faible, plus elles considèrent que les indemnités sont trop importantes.

Un soutien mesuré à la parité hommes / femmes

La grande majorité (66%) des élus sont favorables à l’instauration de la parité hommes / femmes dans la composition des listes pour les communes de plus de 3 500 habitants. Il s’agit cependant d’un soutien mesuré plus que d’une adhésion car seulement 30% s’y montrent très favorables. Ce soutien s’avère clivé politiquement puisque 89% des élus de gauche approuvent la proposition du Premier ministre tandis que 58% de maires se situant à droite expriment la même opinion. On observe également que les élus des communes concernées sont moins favorables à cette mesure que ceux des communes rurales.

Des élus plutôt opposés à l’élection directe des délégués intercommunaux

Une majorité des maires (51% contre 42%) se déclare opposée à l’élection au suffrage universel direct des délégués intercommunaux dans les structures intercommunales. Ce rejet est particulièrement marqué dans la tranche des 2 000 à 10 000 habitants, où se situent nombre de communes périphériques d’agglomérations dont les élus peuvent craindre pour leur autonomie si une telle réforme intervenait. La méconnaissance de ces structures par les français ajoutée à la multiplication des scrutins en France peut également faire craindre aux élus un risque d’abstention lors d’une telle consultation.

On observe également un clivage politique sur ce sujet. Une majorité des élus de gauche est favorable à cette mesure (54% contre 38%) tandis que les élus de droite y sont opposés (54% contre 42%).

Un Français sur quatre prêt à être candidat aux municipales

Les Français ne sont pas forcément hostiles à toute forme d’engagement, à condition qu’ils en perçoivent l’utilité pour leur vie quotidienne. La possibilité d’influer sur leur environnement le plus direct, la vie de leur cité, explique sans doute que 24% des Français déclarent qu’ils pourraient se présenter aux prochaines élections municipales si on le leur " proposait ". Ce résultat confirme l’attachement des Français à leur commune, comme en témoignent les niveaux de participation souvent plus importants aux élections municipales qu’à d’autres scrutins.

Le fait que 5% d’entre eux, environ deux millions, déclarent qu’ils ont déjà été candidat reflète surtout un particularisme français : l’émiettement du territoire en quelques 36 000 communes. Ce chiffre est, en toute logique, plus important dans les petites communes (8%) que dans celles de plus de 10 000 habitants (3%).

La volonté d’être candidat aux prochaines élections municipales est surtout présente chez les plus hauts revenus (44%), les cadres supérieurs (35%) et ceux qui ont effectué des études universitaires (40%). Elle diffère beaucoup entre les hommes (33%) et les femmes (15%). La parité entre les sexes a visiblement du mal à entrer dans les esprits, même au niveau communal.

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  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

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