La méfiance est devenue le principal moteur du Non

Au lendemain de l'intervention de Jacques Chirac sur TF1, le Non progresse dans l'opinion. Avec 55% des intentions de vote, il est en hausse de 2 points par rapport à la semaine précédente et atteint son niveau le plus élevé depuis qu'il est devenu majoritaire il y a maintenant un mois.

Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs
Get in touch

Au moment où la campagne électorale s'apprête à rentrer dans sa phase la plus active, l'instabilité potentielle du corps électoral n'en demeure pas moins encore très forte. Un Français sur deux déclare pour l'instant ne pas être sûr d'aller voter le 29 Mai et un sur trois, hésite ou n'est pas encore en mesure de faire son choix.

Cinq enseignements majeurs retiennent l'attention de la sixième vague de l'Observatoire d'Ipsos/Le Figaro/Europe 1.

1. L'intervention du Président de la République a semble-t-il contribué à renforcer le clivage Gauche-Droite et la détermination des partisans du Non. Alors que le niveau des intentions de vote des partisans du Oui reste stable à droite, le Non connaît, une nouvelle progression à gauche et singulièrement chez les sympathisants socialistes. Aujourd'hui 63% des électeurs de gauche sont tentés par le Non. La progression est de près de 20 points depuis la dernière enquête qui donnait le Oui majoritaire début mars. Le Non frôle les 90% à l'extrême Gauche et au PC, progresse de 9 points chez les sympathisants écologistes pour s'approcher du seuil des 70 %. Chez les sympathisants socialistes, il atteint 56%, en progression de 4 points en une semaine. La sûreté du choix en faveur du Non progresse de 6 points en une semaine.

2. Le Non est devenu la force dominante parmi les classes moyennes mais montre sa présence partout. Le portrait robot des partisans du Non s'affine enquête après enquête. Il est actif, salarié, âgé en moyenne de 30 à 50 ans. Le Non est aujourd'hui fortement installé au sein des classes moyennes. Il est aussi très présent parmi les milieux sociaux plus défavorisés. Il obtient des scores nettement supérieurs à la moyenne chez les salariés du public comme du privé. Il ne cesse de progresser parmi les professions intermédiaires (66%). Il culmine chez les employés et chez les ouvriers autour de 70%. Au delà de ces traits les plus caractéristiques, la singularité du Non est aussi dans sa capacité de séduction au sein de catégories traditionnellement très favorables à la construction européenne. Ainsi 38% des cadres supérieurs sont tentés par le Non et un niveau identique est enregistré chez le Français dont le niveau d'études atteint ou dépasse le seuil du BAC +3.

3. Les Français se montrent toujours aussi incrédules face aux arguments tendant à dramatiser la victoire du Non. 8 Français sur 10 ne croient pas à l'arrêt de la construction européenne en cas de victoire du Non. L'argument de Jacques Chirac n'a convaincu aucune sensibilité politique, ni même les partisans du Oui, ni même ceux de l'UMP.

4. A six semaines du scrutin, la méfiance est devenue, le principal moteur du Non et constitue le sentiment majoritaire des Français lorsqu'on évoque la constitution européenne. Le sentiment de méfiance s'est particulièrement installé chez les salariés. Il est dominant dans toutes les catégories de revenus, exception faite des plus aisés, et il fait quasiment jeu égal avec le sentiment d'espoir chez les sympathisants socialistes et UMP. Parmi les indécis, la bataille de perception entre "méfiance" et "espoir", aujourd'hui très équilibrée, est sans doute l'une des clés des évolutions à venir. Pour prétendre renverser la tendance, les partisans du Oui doivent convaincre les Français les plus hésitants que la Constitution est porteuse d'un avenir meilleur.

5. L'inquiétude économique et sociale alimente largement ce sentiment de méfiance. Majoritairement convaincus que la constitution est positive pour l'avenir de l'Europe, les Français se montrent beaucoup plus sceptiques quant aux conséquences de son entrée en vigueur pour la France et pour eux mêmes. 83% des électeurs ayant l'intention de voter Non associent la constitution à une dégradation de leurs conditions de vie. Ce réflexe pessimiste est ancré au point d'être majoritairement partagé par toutes les sensibilités politiques, sans exception. Même s'ils donnent crédit à la constitution de pouvoir contrôler les effets du libéralisme, ils sont une très forte majorité à anticiper négativement l'évolution de leurs conditions de vie dans l'Europe de demain.

La progression du non depuis un mois










Auteur(s)
  • Jean-François Doridot Directeur Général Public Affairs

Société