La perception de la formation professionnelle par les dirigeants de PME

L'enquête Ipsos-CGPME révèle l'opinion mitigée des dirigeants de PME sur la réforme de la formation professionnelle, peut-être en raison d'une notoriété encore assez faible.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs
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Les principaux enseignements de l'enquête


I - Le contrat de professionnalisation : une méconnaissance du dispositif qui " impacte " encore aujourd'hui sur son niveau d'utilisation même si près de 3 dirigeants sur 10 prévoient de le mettre en place au sein de leur entreprise dans les prochains mois


Un niveau de notoriété encore modéré mais qui augmente avec la taille de l'entreprise

La loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a été promulguée le 4 mai 2004. Son objectif affiché était de réformer, en profondeur, le système de la formation professionnelle français. La loi instaure, entre autres, le " Contrat de professionnalisation", qui fusionne les différents contrats de formation en alternance existant jusqu'alors (contrat d'orientation, contrat d'adaptation, contrat de qualification…).

De manière générale, les dirigeants semblent avoir encore une connaissance assez moyenne des dispositions de l'accord et de la loi et plus spécifiquement du contrat de professionnalisation. En effet, si 73% d'entre eux disent en avoir entendu parler, seulement 18% affirment assez bien connaître ce qu'ils prévoient. La grande majorité avoue ne pas vraiment en connaître les dispositions (55%). En un an, la notoriété du contrat de professionnalisation a assez peu évoluée (71% en février 2004 sur l'accord du 20 septembre 2003). Reste qu'il convient aussi de garder à l'esprit que celui-ci n'est entré en vigueur que depuis le 1er octobre dernier. Nul doute qu'une part non négligeable des entrepreneurs n'a pas encore eu le temps ou l'occasion de se familiariser avec le contrat de professionnalisation.

Par ailleurs, on note que le niveau de notoriété diffère fortement en fonction de la taille de l'entreprise. Il existe de fortes différences. Les dirigeants de structures comprenant entre 10 et 19 salariés sont ceux qui connaissent le moins bien les nouvelles dispositions : 66% en ont entendu parler et parmi eux, seulement 14% disent assez bien savoir de quoi il s'agit. Avec la taille de l'entreprise la connaissance va en augmentant. Ainsi, la très grande majorité des chefs d'entreprises de 100 salariés ou plus affirment connaître le nouveau dispositif et 28% d'entre eux disent même savoir ce que prévoient l'accord et la loi.

Il n'en reste pas moins vrai qu'une proportion non négligeable des dirigeants d'entreprises n'a encore jamais entendu parler de l'accord et la loi (27%).

Près de 3 entrepreneurs sur 10 disent avoir l'intention de le mettre en place dans les prochains mois : l'impact très fort du niveau de notoriété

Le fait est qu'aujourd'hui, parmi les entrepreneurs disant connaître les dispositions de la loi, la part d'entre eux ayant embauché un ou plusieurs jeunes dans le cadre de ce nouveau contrat, est encore aujourd'hui peu élevée (32%). A l'opposé, près de 7 dirigeants sur 10 sachant ce que contiennent les dispositions de la loi du 4 mai, disent ne pas l'avoir encore mis en pratique au sein de leur entreprise. Toutefois, là encore, il convient de garder à l'esprit que son existence est encore relativement récente. Par ailleurs, le niveau de satisfaction de ceux ayant déjà embauché des jeunes via ce nouveau contrat tendrait même à prouver que ceux qui l'utilisent, l'apprécient (77% d'entre eux s'en montrent satisfaits) même si seulement 5% s'en disent très satisfaits.

Si les dirigeants sont encore peu nombreux à l'avoir mis en place au sein de leurs structures, il n'en demeure pas moins que leur niveau de satisfaction est donc " plutôt " bon.
Par ailleurs, 29% des dirigeants d'entreprises disent avoir l'intention de signer un ou plusieurs contrats de ce type dans les mois qui viennent. Même si seulement 11% estiment qu'ils l'utiliseront sûrement (contre 18% qui pensent que cela est probable). Là encore, il est assez intéressant d'analyser les réponses données en fonction de la taille de l'entreprise. Logiquement, les entreprises les plus petites se montrent les moins certaines (seulement 20% pensent le faire certainement ou probablement). A l'opposé, les structures plus importantes expriment un souhait d'utilisation beaucoup plus élevé (37% pour les entreprises de 20 à 99 salariés et 48% pour celles de 100 salariés et plus).

Il existe par ailleurs un lien très fort entre le fait de bien connaître la mesure et l'intention de l'utiliser au sein de l'entreprise. Ainsi, 50% des dirigeants affirmant bien savoir ce que prévoient l'accord et la loi, disent aussi avoir l'intention de signer un ou plusieurs contrats de ce type dans les prochains mois (contre seulement 30% pour ceux qui en ont simplement entendu parler).


II - Les mesures de formation en dehors du temps de travail : des dispositions bien mieux connues des grandes entreprises


Des mesures plus connues qu'en février 2004

Un peu plus de 6 dirigeants d'entreprises sur 10 disent avoir entendu parler de cette mesure (64%, +12 points par rapport à la notoriété mesuré en février 2004). Ils sont aussi proportionnellement plus nombreux à dire assez bien savoir ce qui est prévu en la matière (28%, + 15 points). Reste que 36% affirment ne pas vraiment savoir ce qui est prévu tandis que 35% avouent ne pas en avoir entendu parler.

La notoriété de la mesure est aussi plus importante auprès des grosses entreprises. Ainsi, 74% des structures de 50 à 99 salariés affirment avoir connaissance de cette mesure. Parmi elles, 43% estiment même connaître assez bien ce qui est prévu en la matière. Mieux, près de 9 entreprises sur 10 de 100 salariés et plus les connaissent (86%) et parmi elles, 1 sur 2 dit savoir ce qui est prévu.

…et qui intéressent désormais près de 4 entreprises sur 10

Aujourd'hui 23% des entreprises ayant connaissance des mesures de formation du temps de travail, ont utilisé ces dispositions dans le cadre d'une action de formation. Si l'on prend en considération le fait que cette mesure est nouvelle et est encore méconnue d'une proportion non négligeable de la population, le niveau d'utilisation actuel de cette disposition est plutôt encourageant.

Par ailleurs, une proportion un peu plus importante d'entrepreneurs affirme avoir l'intention d'avoir recours à ces dispositions dans les mois qui viennent (39%). Parmi eux, seulement 12% estiment qu'ils vont sûrement le faire, les autres pensent seulement qu'ils le feront probablement (27%). La majorité des dirigeants interrogés pensent au contraire qu'il n' y auront pas recours (52%) ou préfèrent ne pas se prononcer sur le sujet (9%). En février 2004, il leur avait été demandé s'ils comptaient favoriser la mise en œuvre de ce droit dans leur entreprise. 55% avaient répondu alors par l'affirmative mais seulement 14% avaient dit oui, certainement. La question qui leur était ici posée était beaucoup plus impliquants puisqu'il s'agissait de savoir s'ils allaient y recourir dans les prochains mois. En 2005, les patrons ont répondu aussi de façon plus réaliste. On note toutefois que la proportion de dirigeants disant qu'ils mettraient certainement cette mesure en pratique est restée très stable (14% en 2004 contre 12% en 2005).

Reste que là encore, l'analyse détaillée des résultats montre que la taille est un facteur particulièrement clivant. Au-delà de 50 salariés, plus d'une entreprise sur deux affirme avoir l'intention d'appliquer cette mesure (53% pour celles de 50-99 salariés et 52% pour les 100 salariés et plus). En revanche, les structures de 10 à 19 salariés se montrent les plus " réfractaires " (seulement 34% d'intention). Ces différences trouvent peut-être une part de leur explication dans le fait qu'il est certainement plus difficile de mettre ces mesures en application au sein des petites entreprises.

Là encore, on note aussi l'existence d'un réel lien entre la connaissance des mesures prévues par cette disposition et l'intention de la mettre en application au sein de l'entreprise. Ainsi, 61% des dirigeants affirmant bien savoir ce que prévoient l'accord et la loi disent aussi avoir l'intention de la mettre en place dans les prochains mois (contre seulement 36% pour ceux qui en ont simplement entendu parler et 24% de ceux qui ne la connaissent pas).


III - Le DIF, un dispositif connu des entrepreneurs mais qu'une majorité considère logiquement comme encore difficile à mettre en place


Un dispositif plutôt connu...

Le Droit Individuel à la Formation est aujourd'hui connu de la majorité des dirigeants d'entreprise interrogés (72%). Parmi eux, 41% disent même assez bien savoir ce qui est prévu en la matière (contre 31% qui avouent ne pas vraiment savoir). Toutefois, 28% des entrepreneurs disent ne pas en avoir entendu parler. En un peu plus d'un an, la notoriété de la mesure enregistre un bond de 15 points (72% contre 57% en 2004). Là encore, on note qu'elle est encore plus élevée au sein des entreprises les plus importantes en terme de taille (elle oscille entre 91% et 93% pour celles de plus de 50 salariés). 73% des dirigeants de structures de 100 salariés et plus disent même savoir assez précisément les dispositions prévues pour le DIF.

…mais que la majorité des chefs d'entreprise perçoit comme encore difficile à mettre en oeuvre

En février 2004, les entrepreneurs se montraient déjà fortement partagés sur la mise en application du DIF au sein de leur entreprise. Si 48% estimaient qu'il était applicable (dont seulement 14% de tout à fait), en revanche, 43% soutenaient l'opinion inverse tandis que 9% ne se prononçaient pas. Aujourd'hui, seulement 38% des personnes interrogées considèrent que le dispositif sera simple à mettre en œuvre au sein de leur entreprise. Les autres se montrent encore dubitatifs (52% estiment que ce sera plutôt pas ou pas du tout simple à faire). Là encore, il convient de souligner la relative nouveauté du dispositif. Il est donc tout à fait logique qu'une proportion importante d'entreprises considère que son application ne sera pas chose aisée. Plus inquiétant, ici la taille est un critère peu clivant. Cette difficulté est ressentie au sein de tous les types d'entreprises : 52% pour celles de 100 salariés et plus, 51% pour celles de 10 à 19 salariés.


IV - Une perception globalement positive de la réforme mais qui reste encore très modérée


Le jugement des chefs d'entreprise est majoritairement positif puisque 48% des entrepreneurs considèrent que c'est une bonne réforme, tandis que 35% soutiennent l'opinion inverse. Dans le même temps, 17% des dirigeants d'entreprises interrogés se disent incapables de se prononcer sur le sujet, très certainement par manque d'information.

La réforme de la formation professionnelle est encore méconnue pour tout ou partie d'une part non négligeable de la population des entrepreneurs. Elle introduit par ailleurs des mécanismes nouveaux, qui vont obliger les dirigeants à modifier la façon dont ils géraient la formation en interne. Dans ce contexte, il est logique que l'assentiment soit aujourd'hui encore modéré. De fait, seulement 1% des interviewés pensent que c'est une très bonne réforme. La majorité pense qu'elle est plutôt bonne.

Il conviendra donc de suivre cet indicateur de satisfaction au cours des prochaines enquêtes afin de mesurer si l'assentiment reste à un niveau modéré, s'il s'accroît en même temps que la connaissance et le niveau d'utilisation ou s'il chute.

Auteur(s)
  • Stéphane Zumsteeg Directeur du Département Opinion et Recherche Sociale, Public Affairs

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