La presse féminine : madame rêve
Comment la presse féminine adapte-t-elle son discours à la crise ? Celle dont le territoire naturel est la quête de bien-être des femmes, est-elle gagnée par la sinistrose, ou au contraire, profite-t-elle de la crise pour affirmer ses qualités ? Réponse et analyse de Michèle Pollier, directeur de Département Ipsos MediaCT.
En ces temps d’actualité douloureuse, quel est le credo de la presse féminine ?
Michèle Pollier : C’est une presse qui, loin d’ignorer la crise, continue de se situer sur le territoire du plaisir, du bien-être et des bien-être. C’est le cœur même de son métier. Elle y réussit plutôt bien.
Justement, l’hebdomadaire féminin "Elle" recommandait récemment à ses lectrices, dans un article intitulé « Apprenez à positiver ! », de s’accorder quotidiennement des « pauses bien-être ». La presse féminine est-elle positive par nature ?
M.P. : Sans doute l’est-elle intrinsèquement. Ce n’est pas pour autant une presse « Bisounours » qui s’échappe du contexte actuel ! C’est une tendance importante pour les magazines féminins actuellement, quels que soient leur segment, de prendre en compte l’actualité de la crise. Ils n’ont pas recours à des titres anxiogènes, souvent perçus comme tels par les lectrices, comme peuvent le faire les news magazines ou les quotidiens. Mais pour autant, ils se montrent pragmatiques et constructifs. Ils utilisent des angles rédactionnels qui prennent en compte les questions de budget ou de pouvoir d’achat, qui prônent des manières de consommer alternatives et décomplexées. Les lectrices attendent en même temps de cette presse qu’elle leur « vide la tête » et qu’elle leur apporte des idées et des émotions.
Les moyens d’aller mieux et d’acheter mieux
Le plaisir dans tout ça ?
M.P. : Si l’on achète ou lit un magazine féminin, c’est pour se faire plaisir à court terme et être bien à plus long terme. On reste dans une logique aspirationnelle. C’est peut-être encore plus vrai en temps de crise. Il est révélateur qu’un titre comme Femme Actuelle dans sa nouvelle formule, promette « plus de plaisir » à ses lectrices.
Le succès des pages people est-il l’expression de ce plaisir ?
M.P. : Sans doute mais ce n’est pas l’unique dimension. Pour les jeunes femmes le code people a vraiment régénéré la lecture de la presse féminine. Le people est un levier d’animation de la lecture. C’est aussi un vecteur d’accessibilité et de personnalisation des tendances. Pour les plus jeunes, c’est en plus une manière de réassurance vis-à-vis de soi. On peut se dire : finalement même un people ce n’est pas si top que ça et pas toujours au top ! Ensuite, si l’on regarde le people en tant que territoire d’information et non comme code, il est sûr que le phénomène procède d’une curiosité qu’il est difficile d’assouvir. Voilà pourquoi il y a toujours énormément de duplication dans cet univers et qu’il se porte si bien.
Le code people a régénéré la lecture de la presse féminine
Quels sont les autres thèmes porteurs dans la presse féminine ?
M.P. : En tant que presse prescriptrice et espace privilégié d’expression des marques, elle se fait l’écho des aspirations environnementales et d’une offre plus nature, bio, plus soft, en cosmétologie, nutrition, santé, mode, déco …. Elle conserve sa fonction d’anticipation, en donnant le ton : sont aussi fortement présents dans les pages « le consommer différemment » : troquer, partager, récupérer et recycler, transformer, copier de manière futée et acheter malin.En traite-elle de manière homogène ?
M.P. : Non chaque titre le fait à sa manière mais même les titres les plus haut de gamme relayent ces nouveaux modes de consommation. La crise, la presse féminine l’interprète à sa façon, de manière pragmatique et utile, pour une femme qui est une femme acheteuse et continue d’avoir envie de rêver.