La question des générations passée au crible des 4500

Vieillissement de la population, fragilisation de la classe moyenne, jeunesse en quête de repères, contestation de l’héritage de mai 68, émergence d’une nouvelle génération politique… Les événements récents comme les tendances lourdes de notre société font des relations entre les générations une question récurrente dans le débat social aujourd’hui. Assistera-t-on, comme certains le prédisent, à un « papy-krach » qui verra les jeunes se révolter contre leurs aînés ? Les difficultés liées au financement des retraites vont-elles durcir à terme les relations entre des générations obligées de « payer la facture » et une génération dorée jouissant du repos de la retraite ? La guerre des générations aura-t-elle lieu ? Rien n’est moins sûr quand on regarde attentivement les dernières données désormais disponibles, issues des 4500, l’Observatoire des Consommateurs Français.

Des générations indépendantes mais complices

Premier enseignement : les générations ont aujourd’hui des relations apaisées. Elles partagent de nombreuses convictions. En matière de relations enfants/parents, il est établi que chaque génération garde son indépendance. 72 % des 15-30 ans comme 72 % des parents estiment que ni les enfants ni les parents n’ont à intervenir dans leur vie privée respective. Mais cette protection de son propre territoire n’empêche pas une forte proximité. Les deux générations se parlent beaucoup. Elles se déclarent même complices. 75 % des 15-30 ans avouent avoir de la complicité avec leurs parents et 90% des parents déclarent avoir beaucoup de complicité avec leurs enfants. Si 81% des parents, lorsqu’un sujet les préoccupe, reconnaissent en parler avec leurs enfants ; 59% des 15-30 ans avouent faire de même. Une majorité mais avec un écart de 22 points entre les deux. Seraient-ce les 22 points du secret qui séparera toujours, qu’on le veuille ou non, les enfants de leurs propres parents ?

Convergence des valeurs

Cette complicité se retrouve dans les valeurs que partagent les générations. Sur des registres parfois surprenants, on observe une vraie convergence des valeurs. Par exemple, la demande d’autorité aujourd’hui traverse les générations. Ainsi 73% des 15-17 ans estiment-ils qu’il faut « remettre de l’ordre en France ». Ils sont 75% après 65 ans à penser de la même manière ! Autant dire qu’il n’y a pas de différence d’appréciation sur ce thème… Autre exemple qui s’inscrit dans le même registre : quand, dans la même étude, on analyse les attitudes des internautes, on s’aperçoit que le clivage des générations est faible sur certains points. Une majorité, quelque soit l’âge, pense qu’il « serait bien de contrôler davantage le contenu de ce qui circule sur Internet ». 71% des adolescents sont d’accord, un chiffre qui grimpe à 81% parmi les internautes de plus de 65 ans.
Dans d’autres domaines, les plus jeunes se déclarent même plus moralistes que leurs aînés. Ainsi 75% des ados trouvent-ils agaçant de « voir les gens jeter l’argent par la fenêtre ». Il sont seulement 66% entre 50 et 65 ans à être d’accord avec cette appréciation et 63% après 65 ans…

Sur de grands thèmes de société, il n’est pas rare que les générations se retrouvent. C’est le cas pour la protection de l’environnement. 61% des Français se déclarent très préoccupés par la dégradation de la planète, une proportion qui ne varie pas de manière significative entre les générations. De même, la philosophie hédoniste qui prévaut aujourd’hui dans la société française est-elle largement consensuelle. 81% des Français pensent que « dans la vie, le plus important, c’est de se faire plaisir ». Une proportion qui atteint 86% chez les 15-17 ans et 73% chez les 50 ans et plus. L’enthousiasme des plus jeunes ne doit pas dissimuler ce fait massif : le principe de plaisir est aujourd’hui la chose au monde la mieux partagée.

Des générations qui se fréquentent et s’entraident

Cette convergence s’observe également dans les relations au quotidien.  De fait, les générations s’entraident. Les grands parents aident de plus en plus. Par ordre décroissant : aide financière (38%), achat de vêtements (32%), cuisine (28%) hébergement (18%), etc. Les petits-enfants sont bien entourés. Le succès de sites tels que cyberpapy.com qui mettent en relation des seniors et des jeunes l’illustre bien. Ces « papys » et « mamy » bénévoles se mettent au service des enfants et les aident à faire leurs devoirs. Cette entraide se retrouve naturellement chez les aînés vis-à-vis de leur progéniture. Fait nouveau : cela se passe de plus en plus tard. L’étude confirme qu’un quart des 28-30 ans continue à recevoir de l’argent des parents. Autre type d’entraide, l’hébergement : 10% des jeunes de 29 ans vivent chez leurs parents dans la semaine. 49% des jeunes habitant chez leurs parents le font car ils n’ont pas les moyens d’avoir leur propre toit mais 41 % d’entre eux déclarent que le bien-être chez papa-maman motive leur choix. Les jeunes ont de plus en plus de mal à couper le cordon : 56 % des 28-30 ans qui habitent toujours chez leurs parents ont choisi cette solution parce qu’ils se sentent bien chez eux…
En outre, les générations se fréquentent, et ce de plus en plus, comme en témoigne la fréquence de visite familiale. En visitant un membre de leur famille au moins une fois par semaine et pour environ 85 % des personnes interrogées (du lycéen au retraité) en ayant, au moins une fois par semaine, un contact par téléphone, mail ou courrier avec un membre de leur famille, la proximité entre les générations est un fait bien réel.

Convergence des générations

En résumé, ces générations entretiennent une grande complicité et adhèrent à des valeurs convergentes.  On a assisté au cours des dernières décennies à un rapprochement des générations qui rend hypothétique le déclenchement des hostilités…Même s’il est vrai que les raisons objectives ne manquent pas (financement des retraites, baisse significative du niveau de vie au même âge, difficultés d’intégration au sein du monde du travail…), la tendance est plutôt à l’entente solidaire plutôt qu’à la « guerre ». Une étude récente de l’Insee confirmait que les donations des parents vers leurs enfants ne cessaient d ’augmenter. Plutôt qu’à un conflit, c’est à l’émergence de nouvelles formes de solidarités qu'on assiste. L’augmentation constante de l’espérance de vie devrait d’ailleurs favoriser dans les années qui viennent de nombreuses innovations dans les relations intergénérationnelles. Le champ prometteur des services à la personne devrait se faire dans plusieurs sens et pas dans un seul comme souvent annoncé…

Dans cette étude, 4500 personnes âgées de 15 à 75 ans, représentatives de la population française, ont été interrogées. Chaque individu a pris le temps de répondre à plus de 45 pages de questions ayant trait à ses valeurs, à son mode de vie, à ses comportements de consommation, à ses attitudes alimentaires, à sa santé, à ses loisirs, à son degré de mobilité, etc. L’étude comportait un volet spécifique sur les relations entre les générations et sur les liens familiaux.

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